Navigation pour les patients

Navigation pour les patients

2017

Un récent compte rendu de portée1 a décrit les facteurs influençant le succès des programmes de navigation de la santé qui relient les soins primaires (centres de santé communautaire, équipes de santé familiale, etc.) aux services de santé communautaires et services sociaux. Le compte rendu a identifié onze facteurs pouvant influencer le succès des programmes de navigation de la santé :

  1. Caractéristiques du client
  2. Recrutement et formation des navigateurs
  3. Clarté du rôle des navigateurs
  4. Processus opérationnels clairs
  5. Temps et ressources
  6. Partenariats
  7. Services communautaires
  8. Communication
  9. Intérêt du client
  10. Importance accordée aux navigateurs
  11. Évaluation

En quoi consiste la navigation?

Dans les programmes de navigation, les clients sont jumelés à un fournisseur de services — parfois une infirmière, un gestionnaire de cas ou un pair — dont le travail est d’appuyer et de guider les clients à travers le système de santé jusqu’à ce qu’ils puissent le faire d’eux-mêmes. Voici comment les auteurs du compte rendu décrivent les rôles des navigateurs :

  1. Ils facilitent l’accès aux programmes et aux services liés à la santé
  2. Ils font la promotion de la continuité des soins et la facilitent
  3. Ils identifient et suppriment les obstacles aux soins
  4. Ils veillent à ce que les clients, leurs familles et leurs fournisseurs utilisent le système de santé de manière efficace

Méthodologie

Les auteurs du compte rendu ont passé en revue les données de recherche liées à la navigation de la santé et publiées entre janvier 1990 et juin 2013. Les articles pouvaient être inclus s’ils contenaient de l’information au sujet des navigateurs ou des programmes de navigation en milieux de soins primaires reliant les clients à des services de santé communautaires et des services sociaux.

Le compte rendu comportait 34 articles :

  • 29 des États-Unis
  • Deux du Canada
  • Deux du Royaume-Uni
  • Un de l’Australie

Quels facteurs ont une influence sur le succès des programmes de navigation de la santé en soins primaires?

Le compte rendu de portée a identifié 11 facteurs influençant le succès des programmes de navigation de la santé en milieux de soins primaires, soit :

  1. Les caractéristiques du client : Les organismes devraient envisager la complexité des besoins du client, la langue et les obstacles géographiques ainsi que la capacité de l’organisme à offrir des services adaptés aux particularités culturelles lorsqu’ils élaborent un programme de navigation.
  2. Le recrutement et la formation des navigateurs : Les organismes devraient envisager d’encourager la croissance et le perfectionnement des navigateurs, leur formation en matière de résolution de problèmes pour les cas complexes, de favoriser la collaboration entre les navigateurs et d’orienter les navigateurs en fonction des besoins précis de leurs clients.
  3. La clarté du rôle : Les organismes devraient établir des limites claires pour les navigateurs afin de s’assurer qu’ils comprennent leur rôle.
  4. Des processus opérationnels clairs : Les organismes devraient élaborer des processus, des politiques et des procédures qui soutiennent la navigation; utiliser des processus de prise de décisions fondés sur l'obtention d'un consensus; fournir de la supervision clinique; communiquer régulièrement avec les partenaires et identifier les mécanismes afin d’aborder les enjeux liés aux horaires et à l’aiguillage.
  5. Le temps et les ressources : Les organismes devraient fournir des ressources humaines, financières et physiques adéquates, comme un endroit pour permettre aux navigateurs de travailler ainsi que des ressources technologiques comme des systèmes de dossiers de santé informatisés.
  6. Les partenariats : Les organismes devraient encourager la participation de tout le personnel impliqué et développer de solides relations avec les partenaires externes en se servant d’une charte communautaire, d’un comité directeur et d’une stratégie de communication qui inclut une façon d’aborder les inégalités de pouvoir et les autres conflits.
  7. Les services communautaires : Les organismes devraient considérer s’il existe suffisamment de ressources dans la communauté où référer les clients.
  8. La communication : Les organismes devraient encourager la présence du personnel lors des réunions, partager les mises à jour sur les clients par le biais du système de dossiers de santé informatisé et faire participer les médecins aux réunions régulières.
  9. L’intérêt du client : Les organismes devraient obtenir l’appui des clients pour le programme de navigation, utiliser différentes stratégies pour recruter pour le programme et aborder toute stigmatisation potentielle qui pourrait exister.
  10. L’importance accordée aux navigateurs : Les organismes devraient démontrer aux navigateurs qu’ils sont importants en facilitant les occasions pour eux d’être reconnus et entendus.
  11. L’évaluation : Les organismes devraient élaborer un plan d’évaluation, envisager des processus de recherche participative, se concentrer sur les processus du programme, utiliser des indicateurs prédéterminés et aborder les problèmes potentiels liés au manque d’accès aux données, surveiller les changements en matière de santé à long terme et la distribution des résultats au programme de navigation.

La navigation est déjà utilisée pour appuyer les personnes vivant avec le VIH

Il existe également des données de recherche appuyant l’utilisation de programmes de navigation conçus spécialement pour les personnes vivant avec le VIH. Le taux d’aiguillage vers les soins chez les clients des programmes de navigation a considérablement augmenté après la mise en œuvre du programme.2,3 Il existe également des données probantes démontrant que les navigateurs améliorent considérablement le taux de rétention en soins des clients séropositifs.2–5 Surtout, la recherche atteste que travailler avec un navigateur peut améliorer significativement les résultats du traitement chez les personnes vivant avec le VIH, notamment une augmentation du compte de CD4 et une réduction de la charge virale.2,3

Les programmes de navigation sont déjà utilisés au Canada pour appuyer les personnes vivant avec le VIH afin qu’elles atteignent des résultats optimaux en santé et bien-être, notamment les programmes à Vancouver, Kamloops et Regina. Les lignes directrices canadiennes qui appuieront le renforcement des programmes existants et le développement de nouveaux programmes de navigation de la santé pour les personnes vivant avec le VIH seront publiées en 2017.

Références

  1. Valaitis RK, Carter N, Lam A, et al. Implementation and maintenance of patient navigation programs linking primary care with community-based health and social services: a scoping literature review. BMC Health Services Research. 2017 Dec;17(1):116. Disponible à l'adresse : http://bmchealthservres.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12913-017-2046-1
  2. Bradford JB, Coleman S, Cunningham W. HIV System Navigation: An emerging model to improve HIV care access. AIDS Patient Care and STDs. 2007 Jun;21(s1):S-49–58.
  3. Farrisi D, Dietz N. Patient navigation is a client-centered approach that helps to engage people in HIV care. HIV Clinician. 2013;25(1):1–3.
  4. Zaller ND, Holmes L, Dyl AC, et al. Linkage to treatment and supportive services among HIV-positive ex-offenders in Project Bridge. Journal of Health Care for the Poor and Underserved. 2008 May;19(2):522–31.
  5. Willis S, Castel AD, Ahmed T, et al. Linkage, engagement, and viral suppression rates among HIV-infected persons receiving care at medical case management programs in Washington D.C. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2013 Nov;64(Supplement 1):S33–41.

Projet Engage

Projet Engage

Comté de Los Angeles
2017

Une étude1 a démontré que, chez les personnes vivant avec le VIH qui ont abandonné leurs soins, une approche axée sur le réseau social peut les trouver et les aiguiller avec succès vers des soins pour le VIH. En utilisant cette approche axée sur le réseau social, le Projet Engage a aiguillé 69 % des participants vers des soins dans les trois mois suivant leur inscription, et a fait en sorte que 79 % d’entre eux ont poursuivi leurs soins. En douze mois, 40 % des participants ont atteint une charge virale indétectable, ce qui représentait une augmentation considérable par rapport à la première fois qu’on les avait aiguillés vers des soins (26 %).

Le Projet Engage

Le Projet Engage est un programme d’aiguillage vers les soins du comté de Los Angeles qui cible les personnes vivant avec le VIH qui ont abandonné leurs soins. Les leaders d’opinion et les autres personnes qui n’étaient pas nécessairement séropositives, mais qui possédaient de vastes réseaux sociaux (que l’on appelle des seeds en anglais soit des graines/des recruteurs) ont été recrutés pour, à leur tour, recruter des personnes séropositives qui avaient abandonné leurs soins (que l’on appelle des alters en anglais soit des alliés) et les engager vers les soins pour le VIH. Dans le cadre de cette étude, le personnel du programme a également recruté des personnes vivant avec le VIH qui avaient abandonné leurs soins par le biais de la sensibilisation passive (dépliants et cartes de poche) et de la sensibilisation active (en se rendant dans les endroits où les personnes séropositives ont tendance à flâner).

On a demandé au personnel des organismes, comme des refuges pour les sans-abris et des programmes pour traiter l’utilisation de drogues ou d’alcool, de recruter des personnes en se servant d’un formulaire de présélection qui identifiait les personnes possédant de vastes réseaux sociaux. On demandait aux recruteurs potentiels :

  • S'ils connaissaient des personnes au sein de leur réseau social qui vivaient avec le VIH et qui avaient abandonné leurs soins
  • Le nombre de personnes qui avaient abandonné leurs soins et qu’ils connaissaient
  • S'ils se sentaient à l’aise de parler à leurs amis de leur statut VIH et de leurs soins liés au VIH

Les recruteurs obtenaient 10 coupons dotés d'un numéro d’identification associant les alliés aux recruteurs qui les avait référés. Un allié était défini comme une personne séropositive qui possédait au moins l’une des caractéristiques suivantes :

  • Le système de surveillance du VIH du comté de Los Angeles ne signalait pour cette personne aucun test de laboratoire pour le VIH depuis plus de 12 mois
  • Le système de surveillance du VIH du comté de Los Angeles ne signalait pour cette personne aucun test de laboratoire pour le VIH durant les six à douze derniers mois ET cette personne avait une charge virale détectable lors de son dernier test de mesure de charge virale
  • Cette personne avait récemment été libérée de prison, d’un établissement résidentiel de traitement ou d’une autre institution et elle ne possédait pas de fournisseur de soins VIH régulier
  • Cette personne présentait moins de deux visites médicales durant une période de 12 mois avec le même fournisseur de soins VIH
  • Elle avait récemment reçu un diagnostic de VIH et n’avait effectué aucune visite médicale dans les trois mois suivant son diagnostic

Les recruteurs et les alliés ont tous les deux reçu 40 $ US pour avoir rempli un questionnaire du Projet Engage. Ces derniers obtenaient également 40 $ US lorsqu’un allié effectuait sa première visite médicale. Les alliés qui effectuaient leur première visite médicale étaient ensuite admissibles à devenir des recruteurs.

Au moment même où les recruteurs recrutaient des alliés au sein de leurs réseaux sociaux, le personnel du Projet Engage recrutait des recruteurs et des alliés directement dans les endroits publics et il distribuait aux organismes et aux cliniques des dépliants et des cartes de poche sur le programme, en plus de les afficher dans les endroits publics.

Lorsqu’un allié admissible était identifié par le personnel du projet ou par les recruteurs, il rencontrait un membre compétent du personnel pour évaluer ses besoins. Les alliés qui ne souhaitaient pas obtenir des soins recevaient de l’éducation sur l’importance des soins liés au VIH, et on leur demandait si le personnel pouvait continuer de faire un suivi avec eux.

Les alliés ayant été identifiés par le personnel du projet et par les recruteurs, et qui souhaitaient accéder à des soins, étaient aiguillés par le personnel du projet vers une clinique spécialisée en VIH dotée d’une équipe médicale de coordination. Les cliniques possédant des équipes médicales de coordination ont recours aux services d’une infirmière, d’un gestionnaire de cas et d’un travailleur social et possèdent les ressources pour appuyer et retenir les clients présentant des besoins complexes en matière de santé et de services sociaux. L’équipe coordonne ses activités avec les fournisseurs de soins médicaux et aiguille les clients vers un traitement contre l’utilisation de drogues ou d’alcool, vers des services de santé mentale, d’aide au logement ou au transport et vers d’autres services non médicaux.

Le personnel du Projet a aidé des alliés à choisir une clinique, à prendre leur premier rendez-vous, a envoyé des rappels, a fourni le transport et les a accompagnés pour leur première visite.

Qui a été rejoint par le Projet Engage?

Le Projet Engage a recruté 62 recruteurs admissibles et 112 alliés admissibles. Les recruteurs ont recruté 67 % des alliés et le personnel du projet en a recruté 33 %. La majorité des recruteurs ont recruté entre une et quatre personnes admissibles au sein de leurs réseaux sociaux; un recruteur a même recruté 59 personnes admissibles dans ses réseaux sociaux.

La plupart des alliés (61 %) étaient âgés d’entre 30 et 49 ans, 80 % étaient des hommes, 14 % étaient des femmes trans, 60 % étaient des hommes gais, 23 % étaient bisexuels, 38 % étaient des Afro-Américains et 22 % des latinos. La plupart (89 %) avaient un revenu annuel de moins de 12 000 dollars US par année, 63 % étaient handicapés ou bénéficiaient de l’aide sociale et 60 % possédaient une assurance publique. Les alliés ont signalé être sans-abris (78 %), avoir utilisé des drogues (74 %), avoir été incarcérés dans les douze derniers mois (50 %), s’être livrés au commerce du sexe dans les six derniers mois (32 %) et s’être injectés de la drogue dans les trois derniers mois (24 %).

Les antécédents médicaux des alliés ont démontré que :

  • 68 % avaient déjà suivi un traitement anti-VIH (TAR) par le passé
  • 47 % avaient récemment été libérés de prison où ils n’avaient pas de fournisseur spécialisé en VIH régulier
  • 38 % n’avaient effectué aucune visite médicale liée au VIH durant plus de douze mois avant leur inscription
  • 24 % avaient seulement reçu des soins liés au VIH en prison ou pénitencier au cours des cinq dernières années
  • 14 % venaient de recevoir un diagnostic de VIH et n’avaient effectué aucune visite médicale dans les trois mois après leur diagnostic
  • 11 % n’avaient effectué aucune visite médicale liée au VIH depuis sept à douze mois et leur charge virale était détectable lors de leur dernier test de mesure de charge virale

Lorsqu’on a demandé aux alliés quels services ils nécessitaient le plus, 96 % d’entre eux ont signalé avoir besoin de soins médicaux, 91 % avaient besoin de gestion de cas, 89 % avaient besoin de services de santé généraux et 81 % avaient besoin de counseling en santé mentale. Les obstacles les plus courants ayant été signalés étaient la difficulté à s’orienter dans le système de santé (26 %), l’utilisation de drogues et d’alcool (14 %) et l’incarcération (10 %).

La plupart des personnes vivant avec le VIH et ayant abandonné leurs soins ont été aiguillées vers des soins et les ont maintenus

Des 112 alliés recrutés par le Projet Engage, 69 % ont été aiguillés vers des soins dans les trois mois suivant leur inscription, 5 % dans les quatre à six mois, 8 % dans les sept à douze mois et 4 % après plus de douze mois. Quinze pour cent (17 participants) ont été perdus au suivi.

Soixante-dix-neuf pour cent des alliés ont poursuivi leurs soins, définis comme un deuxième test de mesure de charge virale entre six et douze mois après l’aiguillage vers les soins.

Une augmentation considérable de la charge virale indétectable chez les participants

Vingt-six pour cent des alliés avaient une charge virale indétectable lorsqu’ils ont d’abord été aiguillés vers des soins. Ce pourcentage a augmenté de façon significative pour atteindre 40 % au moment de leur deuxième test de mesure de charge virale.

Les participants ayant été aiguillés vers des soins considèrent comme acceptable le Projet Engage

Parmi les 75 alliés ayant rempli un sondage au sujet du Projet Engage, 100 % d’entre eux recommanderaient le programme aux autres, 100 % étaient satisfaits du programme et 81 % ont indiqué qu’ils n’auraient pas cherché à obtenir des soins liés au VIH sans le programme.

Qu’est-ce que cela signifie pour les fournisseurs de services canadiens?

Un aiguillage efficace et durable vers les soins est essentiel pour améliorer la santé des personnes vivant avec le VIH. Un aiguillage efficace peut mener les personnes prêtes à entamer un traitement anti-VIH. Un traitement efficace (entraînant une charge virale indétectable) permet à une personne séropositive de vivre longtemps et en santé.2 La participation à un traitement et à des soins peut également avoir d’importantes répercussions sur la prévention du VIH. Les personnes qui suivent des soins, sont sous la TAR et qui présentent une charge virale indétectable sont beaucoup moins susceptibles de transmettre le VIH aux autres. Des études montrent d’ailleurs que les personnes qui maintiennent une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuels.

La présente étude démontre que les réseaux sociaux peuvent constituer un moyen de recruter des personnes pour les soins. Elle comporte toutefois d’importantes limites. L’efficacité du programme reposait, en partie, sur ce que les auteurs de l’étude ont décrit comme étant une « super graine/recruteur », soit un participant ayant recruté la plupart des alliés. Au moment d’élaborer une intervention fondée sur le réseau social, comme le Projet Engage, les fournisseurs de services canadiens devraient envisager des stratégies pour identifier davantage de super graines/recruteurs.

Les approches fondées sur le réseau social pour le travail lié au VIH sont utilisées au Canada pour aiguiller les personnes vers le dépistage du VIH. La région sanitaire de Saskatoon utilise une approche axée sur le réseau social pour encourager le dépistage du VIH et le counseling lors d’éclosion du VIH; SIDA Bénévoles Montréal a déjà utilisé une stratégie axée sur le réseau social pour recruter des hommes gais, bisexuels et des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes afin de subir un test de dépistage du VIH. 

Références

  1. Wohl AR, Ludwig-Barron N, Dierst-Davies R, et al. Project Engage: Snowball sampling and direct recruitment to identify and link hard-to-reach HIV-infected persons who are out of care. Journal of Acquired Immune Deficiency Syndromes. 2017 Feb 6;1. (in press)
  2. CANOC collaboration, Patterson S, Cescon A, Samji H, et al. Life expectancy of HIV-positive individuals on combination antiretroviral therapy in Canada. BMC Infectious Diseases. 2015 Dec;15(1):274. Disponible à l'adresse : http://bmcinfectdis.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12879-015-0969-x