La ceftriaxone à forte dose pour la gonorrhée au Japon

Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, la gonorrhée est devenue moins sensible à plusieurs antibiotiques depuis deux décennies, y compris à la ceftriaxone, qui est aujourd’hui la norme de soins en matière de gonorrhée. Bien que les cas de résistance à la ceftriaxone soient relativement rares en Europe et en Amérique du Nord à l’heure actuelle, il semble probable que ce problème deviendra plus courant dans les années à venir.

Dose croissante

La ceftriaxone est le traitement privilégié pour la gonorrhée au Canada et dans de nombreux pays à revenu élevé. Pour assurer son efficacité contre la gonorrhée, les autorités de la santé publique de plusieurs pays et régions ont fixé comme suit la dose donnée aux adultes et aux adolescent·e·s présentant une gonorrhée sans complications :

  • Japon : 1 gramme en une seule dose par voie intraveineuse
  • Europe : 1 gramme en une seule dose par injection intramusculaire en association avec 2 grammes d’azithromycine par voie orale
  • États-Unis : 500 mg en une seule dose par injection intramusculaire
  • Royaume-Uni : 1 gramme en une seule dose par injection intramusculaire

Au moment de mettre sous presse, le traitement privilégié pour la gonorrhée au Canada repose sur une dose unique de 250 mg de ceftriaxone par voie intramusculaire, en association avec une seule dose d’azithromycine, un autre antibiotique administré sous forme de comprimé. À la lumière des rapports déplorant la propagation de la gonorrhée résistante à l’azithromycine au Canada, il est probable que les lignes directrices sur le traitement de cette infection seront révisées à un moment donné.

Au Japon

Au Japon, la ceftriaxone est administrée par perfusion intraveineuse lorsqu’elle est utilisée contre la gonorrhée. En revanche, en Amérique du Nord et en Europe, ce médicament est généralement administré par injection intramusculaire. Selon les données des années 1990 citées par des scientifiques du Japon, l’administration de 1 gramme de ceftriaxone par injection intramusculaire ou par voie intraveineuse permet d’atteindre des concentrations semblables dans le sang.

Une équipe de recherche de Tokyo a évalué l’impact de différents schémas d’antibiotiques utilisés pour le traitement de la gonorrhée. L’équipe voulait déterminer l’efficacité curative des médicaments contre la gonorrhée dans la gorge et le rectum. Elle a comparé les schémas thérapeutiques suivants :

  • ceftriaxone : 1 gramme en une seule dose par voie intraveineuse
  • ceftriaxone : 1 gramme comme ci-dessus en association avec l’un ou l’autre des antibiotiques suivants par voie orale : 1 gramme d’azithromycine (dose unique) ou 100 mg de doxycycline deux fois par jour pendant sept jours consécutifs

Notons que le traitement d’association était utilisé lorsqu’on avait diagnostiqué la gonorrhée et la chlamydiose.

L’équipe de recherche a recruté 320 personnes. Deux cent huit d’entre elles ont reçu la ceftriaxone seule et 112 ont reçu le traitement associant la ceftriaxone et un antibiotique oral.

L’équipe de recherche n’a constaté aucune différence entre les taux de guérison obtenus grâce aux deux traitements.

Nous soulignons plus loin quelques préoccupations soulevées par cette étude

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a inscrit 320 participants qui étaient tous des hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH). Les participants ont passé des tests de dépistage de la gonorrhée de la gorge et/ou du rectum et de la chlamydiose. Les consultations dans la clinique de l’étude avaient lieu tous les trois mois entre 2017 et 2020.

Les participants retournaient à la clinique au moins deux semaines après le traitement pour subir des frottis pour déterminer si la gonorrhée et/ou la chlamydiose étaient guéries.

Toutes les infections à la gonorrhée étaient asymptomatiques.

La moyenne d’âge des hommes était de 30 ans (fourchette d’âge de 18 à 57 ans).

Résultats

L’équipe de recherche a constaté que les deux traitements étaient très efficaces, les taux de guérison étant de 98 % avec la ceftriaxone en monothérapie et de 96 % grâce au traitement d’association. Cette différence entre les taux de guérison n’est pas significative du point de vue statistique.

Les taux de guérison ne variaient pas selon que la gonorrhée se trouvait dans la gorge ou le rectum.

Échec thérapeutique

Le traitement de la gonorrhée a échoué dans neuf cas, comme suit :

  • ceftriaxone seule : quatre cas, dont trois dans la gorge et un dans le rectum
  • ceftriaxone + antibiotique oral : cinq cas, dont trois dans le rectum et deux dans la gorge

Dans les neuf cas, l’équipe de recherche a analysé l’information génétique se rapportant à la souche de gonorrhée isolée chez les hommes. Dans aucun cas n’a-t-elle réussi à trouver de marqueurs génétiques indiquant une résistance à la ceftriaxone. Les hommes en question ont été traités à nouveau par la ceftriaxone (sans autre antibiotique oral) en une dose unique de 1 gramme par voie intraveineuse.

L’équipe de recherche a constaté subséquemment que huit hommes sur neuf ont guéri. Une évaluation a de nouveau révélé que la gonorrhée du neuvième homme n’était pas résistante à la ceftriaxone, alors on lui a donné un troisième traitement par ce médicament, et il a guéri.

Effets indésirables

En général, la ceftriaxone intraveineuse semble avoir été bien tolérée, n’ayant provoqué une réaction allergique que chez une seule personne (classée comme d’intensité modérée par l’équipe). Cette réaction s’est produite deux heures après la perfusion. L’homme s’est rétabli grâce à un traitement oral par corticostéroïdes.

À retenir

Il importe de souligner que cette étude japonaise n’était pas un essai clinique randomisé et que ses résultats ne sont pas définitifs. Il n’empêche qu’elle est importante parce qu’elle a comparé deux schémas thérapeutiques. Malgré ses limites, cette étude permet de croire que 1 gramme de ceftriaxone est efficace pour traiter la gonorrhée dans la plupart des cas, et ce, qu’elle soit associée à un autre antibiotique oral ou pas.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Aoki T, Mizushima D, Takano M, et al.  Efficacy of 1 g ceftriaxone monotherapy compared to dual therapy with azithromycin or doxycycline for treating extragenital gonorrhea among men who have sex with men. Clinical Infectious Diseases. 2021 Oct 20;73(8):1452-1458. 
  2. Hanao M, Aoki K, Ishii Y, et al. Molecular characterization of Neisseria gonorrhoeae isolates collected through a national surveillance programme in Japan, 2013: evidence of the emergence of a ceftriaxone-resistant strain from a ceftriaxone-susceptible lineage. Journal of Antimicrobial Chemotherapy. 2021 Jun 18;76(7):1769-1775.