L’exercice comme médecine

La grande accessibilité des traitements du VIH puissants (TAR) au Canada et dans les autres pays à revenu élevé a transformé largement l’infection au VIH en une infection chronique. Les bienfaits du TAR sont tellement profonds que les chercheurs et les médecins s’attendent de plus en plus à ce que de nombreux utilisateurs du TAR aient une espérance de vie quasi normale.

À mesure que les personnes séropositives vieillissent, les problèmes associés à l’avancement de l’âge deviendront le principal élément de leurs soins et de leur traitement généraux. Les problèmes en question peuvent inclure l’hypertension, le surpoids, le prédiabète et le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et d’autres. Selon certains chercheurs, en aidant les gens à adopter des comportements plus sains, notamment l’exercice physique, on pourra aider à prévenir ou à minimiser l’impact de certaines affections associées au vieillissement. Les chercheurs en question ont formulé des recommandations fondées sur des données probantes pour décrire le genre et la quantité d’exercice que l’on peut prescrire aux personnes vivant avec le VIH.

Données probantes et recommandations

Les études ont généralement permis de constater des taux d’activité physique relativement faibles parmi les personnes séropositives (notons que l’exercice est considéré comme un sous-type de cette catégorie). Pour aider à remédier à cette situation, une équipe de chercheurs travaillant au Canada et aux États-Unis ont collaboré à l’examen des études portant sur l’exercice chez les personnes séropositives que l’on a menées au cours de la dernière décennie. Après avoir examiné les études, les chercheurs ont formulé des recommandations afin d’aider les professionnels de la santé et les conseillers à « prescrire et soutenir la participation à l’activité physique » parmi les personnes séropositives.

Ces recommandations sont importantes parce que les études portent à croire que les problèmes comme le surpoids et l’obésité sont plus courants aujourd’hui chez la personne séropositive moyenne qu’ils ne l’étaient plus tôt dans le cours de la pandémie. Dans un numéro futur de TraitementActualités, nous examinerons des études sur les facteurs qui influencent le poids corporel et rendrons compte des tendances du poids et de l’obésité chez les personnes séropositives depuis quatre décennies.

Combien et quel genre d’exercice?

Selon l’équipe de chercheurs, le Department of Health and Human Services (DHHS) des États-Unis a recommandé que « les adultes — même ceux atteints d’affections chroniques et de déficiences — fassent 150 à 300 minutes d’exercice modéré ou encore 75 à 150 minutes d’activité physique vigoureuse chaque semaine ».

« En ce qui concerne [les personnes séropositives] sédentaires ou physiquement inactives, la prescription de pauses-mouvement ou de marches peut être une stratégie pratique pour accroître l’activité physique parce qu’elle ne requiert pas d’habiletés ou d’équipements spéciaux », ont affirmé les chercheurs.

De plus, les mesures suivantes ont été recommandées par le DHHS :

  • « activités de renforcement musculaire deux jours par semaine ou plus »
  • « entraînement à l’équilibre… dans le cadre de l’activité physique hebdomadaire des adultes plus âgés afin de réduire le risque de chutes »
  • « bouger plus et rester moins longtemps assis sont bénéfiques pour tous »

Selon l’équipe de chercheurs, « bien que certaines personnes vivant avec le VIH aient des limitations physiques particulières dont il faut tenir compte afin qu’elles puissent faire de l’activité physique en sécurité, la recommandation à retenir est que la participation à l’activité physique est essentielle pour maximiser la santé et le fonctionnement ».

Genres d’activité physique

Selon les chercheurs, outre les exercices traditionnels de nature aérobique (marche, vélo, natation) et contre résistance (exercices de port de poids), on peut également envisager des « activités physiques de moindre intensité », telles les suivantes :

  • yoga : selon l’équipe, le yoga serait associé aux bienfaits suivants chez les personnes séropositives : « amélioration de la qualité de vie, réduction des symptômes de la dépression et réduction de la tension artérielle »
  • tai-chi : cette sorte d’activité serait « associée à l’amélioration [du sentiment de] bien-être et de l’équilibre » chez les personnes séropositives, selon les chercheurs

Intensité de l’activité

Les études menées auprès de personnes séropositives ont trouvé que « les exercices aérobiques et contre résistance de haute intensité (déterminée en fonction de la fréquence cardiaque cible et de la charge utilisée) ont amélioré l’endurance et la force dans une mesure semblable, sinon plus importante, que l’exercice d’intensité modérée ». Les gains en question ont également été observés chez des personnes séropositives plus âgées.

Compte tenu de ce résultat et d’autres données se rapportant à l’exercice, les chercheurs ont fait la déclaration suivante :

« Ces études sur l’exercice de haute intensité n’ont donné aucune raison de dissuader [les personnes séropositives], jeunes ou âgées, de progresser vers des activités de haute intensité à la suite de plusieurs semaines d’entraînement d’intensité modérée ».

Reconnaître et surmonter les obstacles

Obstacles intra-personnels

Les chercheurs ont examiné de nombreuses études et découvert qu’il existait des « obstacles intra-personnels » à la participation à l’exercice, y compris les suivants :

  • « inquiétude à l’égard du dévoilement du VIH et de la stigmatisation »
  • « manque de soutien social »

L’équipe a toutefois découvert au moins une étude où « les participants ont trouvé le [milieu d’entraînement] moins stigmatisant qu’ils n’avaient craint initialement ».

Les chercheurs ont également affirmé que « les recommandations des professionnels de la santé peuvent également jouer un rôle clé dans les perceptions [des personnes séropositives] et leur participation à l’activité physique ».

Obstacles environnementaux

Selon les chercheurs, il peut aussi exister des « obstacles environnementaux » à l’activité physique parmi les personnes séropositives, dont les suivants :

  • « préoccupations concernant sa sécurité physique »
  • « accessibilité physique et financière »

L’équipe encourage les professionnels de la santé et les intervenants communautaires à tenir compte de ces facteurs lorsqu’ils créent un « plan d’activité physique » pour des personnes séropositives. Une solution possible suggérée par les chercheurs pour surmonter les obstacles environnementaux consiste à encourager les personnes séropositives à se promener « dans un centre d’achats ou à étaler sur toute la journée des séances d’activité physique de courte durée qui ne nécessitent pas l’accès à un centre de conditionnement ou à de l’équipement ». (Notons que certains centres de conditionnement physique et organismes communautaires offrent l’accès subventionné aux installations sportives.)

Changer les comportements

Les chercheurs encouragent les fournisseurs de soins primaires à « interroger [périodiquement les personnes séropositives] sur l’activité physique et à promouvoir l’activité physique [auprès d’elles] ».

Entre autres stratégies proposées pour aider les personnes séropositives à faire plus d’activité physique, les chercheurs invitent les professionnels de la santé à collaborer avec les patients pour créer une « prescription pour l’activité physique ». Les chercheurs ont souligné le site Web sans but lucratif Exercise is Medicine (https://exerciseismedicine.org/), lequel peut être très utile aux professionnels de la santé et offre des suggestions pour réaliser des changements de comportement simples.

À la lumière des études, les chercheurs recommandent l’adoption des stratégies suivantes pour changer les comportements :

Autosurveillance

On peut faire ceci à l’aide de technologies portables comme un podomètre, Fitbit, des applis pour téléphone intelligent, des outils en ligne (les chercheurs recommandent la ressource Go4Life [https://go4life.nia.nih.gov/] des National Institutes of Health) ou tout simplement un stylo et une feuille de papier.

Fixation d’objectifs et planification d’actions

Selon les chercheurs, « la fixation d’objectifs encourage la résolution de comportements spécifiques (p. ex., la participation à plus d’activités physiques cette semaine), tandis que la planification d’actions consiste à spécifier ce que la personne va faire, quand le comportement spécifié sera adopté et pour combien de temps ».

Rappels, indices et horaires

Les chercheurs affirment que l’on peut utiliser des rappels pour inciter les gens à faire de l’activité physique. Selon l’équipe, ces rappels « peuvent favoriser la création d’habitudes et améliorer la constance de l’activité physique à long terme ». « Un calendrier, des alarmes… ou des rappels par téléphone cellulaire » peuvent être utilisés pour réserver du temps à l’activité physique, disent les chercheurs. L’équipe a trouvé de la recherche indiquant que « l’activité prévue à l’avance est souvent accomplie plus fidèlement que si l’on se fie à se motiver de manière impromptue ».

Soutien social

Selon l’équipe de recherche, il existe des données probantes attestant « le rôle important que les professionnels de la santé ont à jouer pour intégrer la promotion de la santé dans les soins du VIH de routine. Ainsi, les professionnels peuvent mettre à profit leur relation solide avec les patients et mettre en valeur le concept de bien-être holiste qui comprend l’activité physique. Les gens sont plus susceptibles de faire de l’activité physique si elles sont jumelées à une autre personne motivée avec qui elles peuvent faire de l’exercice, ce qui crée un “système de binôme”… De plus, le milieu social qu’offre l’exercice fait en groupe peut accroître la motivation et la régularité de l’activité physique chez les [personnes séropositives] plus âgées ».

À retenir

Cette équipe de chercheurs a formulé une série de recommandations utiles et pratiques qui sont fondées sur des données probantes afin d’augmenter l’activité physique parmi les personnes vivant avec le VIH. Espérons que ces recommandations seront mises en œuvre de plus en plus au cours des prochaines années.

Ressources

Une étude pilote trouve que l’exercice intensif est bon pour les hommes séropositifs âgésTraitementActualités 228

L’exercice et son impact potentiel sur l’inflammation et l’humeurTraitementActualités 205

L’exercice et le cerveauTraitementActualités 203

L’exercice s’avère utile pour améliorer la mémoireTraitementActualités 186

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Montoya JL, Jankowski CM, O’Brien KK, et al. Evidence-informed practical recommendations for increasing physical activity among persons living with HIV. AIDS. 2019 May 1;33(6):931-939.