- En vieillissant, les personnes séropositives prennent de plus en plus de médicaments non liés au VIH
- Une équipe a constaté que plus de 50 % des adultes vivant avec le VIH prenaient au moins cinq médicaments sans lien avec le VIH
- Le fait de prendre cinq médicaments non liés au VIH ou plus était associé à un risque accru de fragilité et de chutes
Grâce aux traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR), de nombreuses personnes séropositives vivent longtemps en bonne santé de nos jours. Le TAR est tellement efficace que les scientifiques prévoient que de plus en plus un grand nombre de personnes sous traitement vivront jusqu’à un âge bien avancé.
En vieillissant, les personnes sous TAR courent des risques accrus de comorbidités, tout comme les personnes séronégatives. Les personnes âgées ont généralement tendance à éprouver des problèmes de santé, comme l’hypertension, un taux élevé de mauvais cholestérol (LDL-C) et d’autres. Il s’ensuit alors que les personnes séropositives se font prescrire plus de médicaments en vieillissant afin de combattre ces comorbidités.
Des scientifiques ont constaté que de nombreuses personnes séronégatives âgées prenaient plusieurs médicaments pour traiter des comorbidités; on appelle ce phénomène la polypharmacie. Même si certaines personnes ont besoin de prendre plusieurs médicaments, des études ont révélé que le nombre de prescriptions était excessif chez d’autres et pouvait augmenter le risque de problèmes, dont les chutes.
Détails de l’étude
Une équipe de recherche affiliée à une étude appelée CHANGE-HIV a analysé des données se rapportant à la santé de 440 personnes séropositives âgées (65 à 89 ans) suivies dans sept cliniques majeures du Canada.
Voici un bref profil moyen des participant⋅e⋅s lors de leur admission à l’étude :
- âge : 69 ans
- sexe assigné à la naissance : 92 % de garçons, 8 % de filles
- principaux groupes ethnoraciaux : Blanc⋅he⋅s – 76 %; Noir⋅e⋅s – 13 %
- temps écoulé depuis le diagnostic de VIH : 26 ans
- proportion ayant une charge virale indétectable : 93 %
Résultats clés
En examinant les données, l’équipe de recherche a dressé le bilan suivant à propos des participant⋅e⋅s :
- 16 % étaient fragiles
- 21 % avaient fait une chute au cours des six mois précédents
- 54 % répondaient aux critères de la polypharmacie (prise de cinq médicaments non liés au VIH ou plus); dans 30 % des cas, l’équipe a qualifié la situation de « polypharmacie grave » (prise de 10 médicaments non liés au VIH ou davantage)
- près de 50 % prenaient des « médicaments potentiellement inappropriés »
- comorbidités les plus courantes : taux de lipides anormaux (50 %), hypertension (44 %) et cancer (29 %)
Envoi de messages entre les cellules
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, les médecins prescrivent une variété de médicaments pour traiter les comorbidités. Or, en plus de leurs bienfaits souhaités, certains médicaments provoquent des effets secondaires. Cette équipe a cherché à déterminer spécifiquement si les médicaments non liés au VIH exerçaient un effet inhibiteur sur l’acétylcholine, un neurotransmetteur qui assure l’envoi de messages entre les cellules. Les médicaments qui inhibent l’activité de l’acétylcholine s’appellent des anticholinergiques. En théorie, en entravant l’envoi de messages entre les cellules (notamment les messages transmis entre les cellules du cerveau ou encore entre les cellules du cerveau et celles des nerfs et des muscles), les médicaments anticholinergiques sont susceptibles d’accroître le risque d’étourdissements et de chutes.
Liens entre l’inhibition de l’envoi de messages et les chutes
Selon une analyse statistique, chez les participant⋅e⋅s portant un lourd fardeau d’anticholinergiques et/ou de médicaments causant la somnolence durant la journée, le risque de fragilité était trois fois plus élevé que chez les personnes qui ne prenaient pas un grand nombre de ces médicaments.
Les personnes qui prenaient plusieurs médicaments sédatifs ou agents qualifiés par l’équipe de « médicaments potentiellement inappropriés » étaient deux fois plus susceptibles de faire des chutes que les personnes ne prenant pas de tels médicaments.
Médicaments potentiellement inappropriés (MPI)
Selon l’équipe de recherche, les MPI les courants étaient les suivants :
- inhibiteurs de la pompe à protons (utilisés pour réduire l’acide gastrique) : 20 %
- aspirine : 10 %
- testostérone prescrite pour « une raison non spécifiée » : 10 %
- benzodiazépines (classe de médicaments apparentés à Valium) : 9 %
Pour chaque MPI additionnel, l’équipe de recherche a constaté une augmentation du risque de chutes de 25 %.
À souligner
Comme nous l’avons mentionné, les médecins prescrivent des médicaments pour traiter ou prévenir les comorbidités. Il est parfois médicalement nécessaire de prescrire de nombreux médicaments non liés au VIH aux personnes séropositives. Cela est notamment le cas à la suite d’une crise cardiaque ou d’un AVC ou encore chez les personnes éprouvant des problèmes de santé sous-jacents nombreux ou complexes.
Rappelons cependant qu’il arrive souvent que l’état de santé d’une personne séropositive sous TAR s’améliore et qu’elle n’ait plus besoin de prendre autant de médicaments non liés au VIH qu’auparavant. Voilà pourquoi un suivi régulier auprès d’un⋅e médecin ou d’un⋅e pharmacien⋅ne peut être utile pour minimiser la polypharmacie.
À retenir
L’équipe de recherche a constaté que la polypharmacie était courante et présente chez 54 % des participant⋅e⋅s. Chez près de 30 % des personnes en question, l’équipe a qualifié la situation de « polypharmacie grave », c’est-à-dire qu’elles prenaient 10 médicaments non liés au VIH ou davantage.
Selon des études menées en Suisse, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, au fur et à mesure que les personnes séropositives vieillissent et qu’elles accumulent des comorbidités, leur risque de polypharmacie augmente. Les données des études en question font écho à celles de l’étude CHANGE-HIV.
Cette étude a évalué des données recueillies à un seul moment dans le temps, ce qui veut dire qu’il s’agit d’une étude transversale. Pour cette raison, l’équipe de recherche a stipulé qu’elle ne pouvait prouver qu’une quantité croissante de médicaments non liés au VIH causait la fragilité ou le risque accru de chutes dans cette étude. Il n’empêche qu’un tel lien est une possibilité.
L’équipe de recherche a souligné que la vaste majorité des participant⋅e⋅s à cette étude étaient des hommes, dont une forte proportion d’hommes blancs. Cela pourrait limiter la possibilité d’extrapoler les résultats à d’autres populations. L’équipe a également affirmé qu’elle a peut-être sous-estimé le nombre de MPI chez sa cohorte. Quoi qu’il en soit, cette étude constitue un ajout précieux à la recherche émergente sur la polypharmacie, la fragilité et les chutes chez les personnes vivant avec le VIH.
Comment procéder?
Cette équipe de recherche canadienne encourage les clinicien⋅ne⋅s qui prennent soin de personnes séropositives d’« incorporer une approche gériatrique pour gérer les comédications non liées au VIH et évaluer leurs propriétés anticholinergiques et sédatives ».
L’équipe de recherche a fait la déclaration suivante : « La prise en charge de la polypharmacie, des MPI, des anticholinergiques et des sédatifs doit être une priorité ⦋lorsqu’on soigne des⦌ adultes âgé⋅e⋅s vivant avec le VIH. Une première étape raisonnable, envisageable dès la première consultation en clinique, consisterait à reconnaître les MIP courants et à cesser graduellement de les prescrire. Il existe de nombreux outils, notamment des sites Web destinés aux clinicien⋅ne⋅s, qui offrent des conseils sur les moyens de réduire la prescription des médicaments de façon sécuritaire », tels les suivants (en anglais seulement) :
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCES :
- Hopwood-Raja JJ, Tseng AL, Sheehan NL et al. CHANGE-Rx: frailty, falls, polypharmacy, and inappropriate medication use in a Canadian cohort of people aged 65 and older living with HIV. AIDS. 2025; sous presse.
- Collins LF, Cunningham SA, Vaughan CP et al. Promoting healthy aging in people with HIV—into a new era. JAMA. 2025; sous presse.