- Les traitements contre le VIH augmentent l’espérance de vie et réduisent le risque de nombreux cancers
- Les personnes séropositives demeurent toutefois plus à risque de présenter certains cancers
- Le risque de plusieurs cancers liés à l’âge augmente aussi à mesure que les personnes séropositives vieillissent
Lorsqu’ils sont utilisés comme il se doit, les traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR) réduisent très efficacement la quantité de virus dans le sang, de sorte que la charge virale devient indétectable. Une fois amorcé le TAR, une bonne observance thérapeutique permet de maintenir la suppression virale, ce qui procure les deux bienfaits importants suivants :
- Le système immunitaire a l’occasion de se réparer suffisamment pour que le risque d’infections potentiellement mortelles, marque caractéristique du sida, devienne extrêmement faible. La puissance du TAR est tellement transformative que les scientifiques prévoient de plus en plus que de nombreuses personnes sous traitement vivront jusqu’à un âge bien avancé.
- Des essais cliniques rigoureusement conçus ont permis de constater que les personnes sous TAR qui maintiennent une charge virale indétectable ne courent aucun risque de transmettre le VIH à leurs partenaires sexuel⋅le⋅s. Lorsque des centaines ou des milliers de personnes suivent un TAR dans une ville, une région ou un pays, cet effet du TAR peut aider à réduire considérablement la propagation du VIH.
À mesure que les personnes séropositives vivent plus longtemps grâce au TAR, elles courent cependant le risque d’éprouver des problèmes liés à l’âge qui s’observent également chez des personnes séronégatives.
Accent sur le cancer
Lorsque la pandémie de VIH fut reconnue initialement au début des années 1980, il n’existait aucun traitement efficace. De façon générale, les cancers potentiellement mortels qui se produisaient couramment à cette époque étaient causés par l’affaiblissement du système immunitaire, comme les suivants :
- sarcome de Kaposi (SK)
- lymphome non hodgkinien
- cancer du col utérin envahissant
Pour en savoir plus sur les tendances des diagnostics de cancer chez les personnes vivant avec le VIH, une équipe de scientifiques de 12 États ou territoires américains, dont Washington, D.C. et Porto Rico, ont collaboré à une analyse de données de santé recueillies auprès de plus de 800 000 personnes séropositives entre les années 2001 et 2019. Durant cette période, 44 839 nouveaux cas de cancer ont été recensés.
L’équipe de recherche a constaté que le risque de nombreux cancers a baissé au cours de la période complète de l’étude.
Cependant, durant une période plus récente de l’étude, soit de 2015 à 2019, le risque des cancers suivants était plus élevé chez les personnes séropositives :
- SK
- lymphome hodgkinien
- lymphome diffus à grandes cellules B
- cancer anal
- cancer de la vulve
- cancer du foie
- cancer du poumon
Même si le risque de ces cancers demeurait plus élevé chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives, l’équipe a constaté que le risque de SK, de lymphome et de cancer du foie a diminué chez les personnes séropositives durant les dernières années de l’étude. En guise d’explication, l’équipe a laissé entendre que, au fil du temps, les personnes séropositives commençaient plus tôt le TAR, ce qui écourtait la période durant laquelle le virus pouvait affaiblir dangereusement leur système immunitaire. L’équipe a toutefois signalé que le risque de certains de ces cancers était le plus élevé chez les jeunes. Selon l’équipe, ce résultat « pourrait refléter partiellement des retards dans le diagnostic et le traitement du VIH et une suppression virale moins efficace chez les jeunes personnes vivant avec le VIH ».
Cancer du foie
Même si le nombre de cancers du foie a baissé au fil de l’étude, le risque demeurait élevé, ce qui porte à croire que plus d’efforts sont nécessaires pour guérir les hépatites virales (B et C) chez les personnes séropositives vivant aux États-Unis.
Cancer du poumon
Selon l’équipe de recherche, même si le taux de tabagisme est généralement plus élevé chez les personnes séropositives, « le tabagisme à lui seul ne peut expliquer les taux élevés de cancer du poumon, notamment chez les plus jeunes », que l’on a observés durant l’étude. L’équipe a constaté que le nombre de diagnostics de cancers du poumon et du foie a augmenté avec l’âge chez les personnes séropositives.
Selon les prévisions de l’équipe, le risque de ces cancers « augmentera à mesure que cette population prendra de l’âge ». Comme ces cancers sont associés à une survie réduite, l’équipe a affirmé que « les cancers du foie et du poumon sont en passe de devenir deux des principales causes [de décès par cancer] chez les personnes vivant avec le VIH ».
Cancers liés au VPH
Il existe de nombreuses souches du virus du papillome humain (VPH), lequel cause une infection transmissible sexuellement courante. L’équipe de recherche n’a pas constaté de baisse du nombre de cancers liés au VPH, tels le cancer anal et le cancer de la vulve. Comme les cas de ce dernier ont augmenté au cours de l’étude, l’équipe souhaite la tenue d’autres études sur cette question auprès de femmes séropositives.
D’autres parties du corps
Selon l’équipe de recherche, les taux de cancers touchant le sein, le côlon et la prostate sont demeurés stables. Elle a toutefois signalé que le risque de ces cancers « augmente très considérablement avec l’âge, alors il faut s’attendre à un alourdissement de ce fardeau chez les personnes séropositives ».
Réduire le risque de cancer
L’équipe de recherche a proposé plusieurs mesures pour réduire le risque de cancer chez les personnes séropositives, dont les suivantes :
- Elle recommande le diagnostic et la mise sous TAR précoces pour rendre la charge virale indétectable. Selon l’équipe, il est probable que cette stratégie a une incidence plus importante sur le lymphome diffus à grandes cellules B et le SK.
- En ce qui concerne les cancers causés par des co-infections (VHB, VHC et VPH), l’équipe a souligné la disponibilité de vaccins contre le VHB et le VPH. Il existe aussi des tests de dépistage et des traitements contre le VHB et le VHC. Notons aussi que des programmes de dépistage du cancer anal continuent d’être déployés de plus en plus.
- Comme le tabagisme est relativement courant chez les personnes séropositives, le risque de nombreux cancers augmente chez celles-ci. Selon l’American Cancer Society, le tabac augmente le risque de cancer du poumon, ainsi que le risque de cancers touchant les parties suivantes du corps : bouche, larynx, gorge, œsophage, rein, col utérin, foie, vessie, pancréas, estomac, côlon/rectum. Le tabagisme augmente également le risque de leucémie. L’équipe de recherche recommande le dépistage du tabagisme et l’offre de « programmes d’abandon du tabac sur mesure » pour réduire le risque de cancer du poumon et d’autres cancers.
- L’équipe recommande le dépistage des cancers du poumon et du foie. Elle n’est cependant pas certaine si des programmes de dépistage spécialisés sont indiqués pour les personnes séropositives, ou si les recommandations en matière de dépistage devraient « suivre celles se rapportant [aux personnes séronégatives] ».
À retenir
Cette étude d’envergure est utile dans la mesure où elle a révélé des tendances se rapportant aux risques de cancer chez les personnes vivant avec le VIH. L’équipe a souligné que les cancers du sein, du côlon et de la prostate deviendront plus nombreux à mesure que les personnes séropositives vieilliront. Rappelons que le système immunitaire faiblit avec l’âge, ce qui pourrait expliquer partiellement l’augmentation des risques de cancer chez les personnes séronégatives, ainsi que les augmentations prévues chez les personnes séropositives.
À mesure que la population séropositive vieillira, le dépistage du cancer et, si nécessaire, la mise sous traitement rapide prendront plus d’importance. Les prestataires de soins peuvent dépister les co-infections et offrir des conseils sur les différents risques pour la santé, dont l’activité physique insuffisante, l’obésité, le tabagisme, l’usage problématique de substances et d’autres encore. Lorsque cela est nécessaire, on peut diriger les personnes concernées vers des services appropriés pour combattre ces problèmes.
—Sean R. Hosein
Ressources
Une équipe suisse encourage la prévention et le traitement des maladies cardiovasculaires et du cancer chez les personnes séropositives vieillissantes – Nouvelles CATIE
Prévenir le cancer anal : l’importance de la vaccination contre le VPH chez les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes – Point de mire sur la prévention
Une étude ontarienne examine les tendances en matière de cancer chez les personnes vivant avec le VIH – Nouvelles CATIE
Une équipe de recherche française étudie les deuxièmes cancers touchant des personnes séropositives ayant survécu à un premier – Nouvelles CATIE
Lien constaté entre un faible compte de cellules T et un risque accru de cancer chez des personnes séropositives – Nouvelles CATIE
Un faible rapport CD4/CD8 peut aider à prévoir le cancer chez les personnes séropositives, selon une étude nord-américaine – Nouvelles CATIE
Risque de deuxième cancer chez les personnes séropositives ayant survécu à un lymphome hodgkinien – Nouvelles CATIE
On étudie les tendances du cancer du foie chez les personnes séropositives en Amérique du Nord – Nouvelles CATIE
RÉFÉRENCES :
- Haas CB, McGee-Avila JK, Luo Q et al. Cancer incidence and trends in U.S. adults with HIV. JAMA Oncology. 2025 Jun 12:e251589.
- Trickey A, Sabin CA, Burkholder G et al. Life expectancy after 2015 of adults with HIV on long-term antiretroviral therapy in Europe and North America: a collaborative analysis of cohort studies. Lancet HIV. 2023 May;10(5):e295-e307.
- Klein MB. Living longer with HIV: gains for some but not for all. Lancet HIV. 2023 May;10(5):e275-e276.
- Uusküla A, Feelemyer J, Des Jarlais DC. HIV treatment, antiretroviral adherence and AIDS mortality in people who inject drugs: a scoping review. European Journal of Public Health. 2023 Jun 1;33(3):381-388.