Prédicteurs de l’échec virologique de Cabenuva

Les essais cliniques ont montré que Cabenuva agissait généralement de façon sûre et efficace chez des personnes vivant avec le VIH. Chez une très faible proportion des personnes traitées, soit moins de 2 %, on a toutefois confirmé l’échec virologique du traitement durant les essais.

Une équipe de recherche a examiné les données de trois essais pivots de Cabenuva afin de déterminer quels facteurs qui étaient présents au début de ces études pourraient expliquer l’échec virologique vécu par certaines personnes. De telles données seraient utiles aux médecins qui envisagent de prescrire Cabenuva à des patient·e·s.

L’examen a porté sur des données recueillies auprès de plus de 1 000 personnes qui n’avaient jamais utilisé Cabenuva avant de s’inscrire aux essais cliniques.

En examinant ces trois essais cliniques pivots de phase III (dont les noms de code étaient Atlas, Atlas-2M et Flair), l’équipe de recherche a constaté que le risque d’échec virologique augmentait si au moins deux des facteurs suivants étaient présents au début de l’étude :

  • présence, dans le matériel génétique du VIH, de deux mutations associées à la résistance à la rilpivirine
  • présence des sous-types A1 ou A6 du VIH
  • indice de masse corporelle (IMC) égal ou supérieur à 30 kg/m2

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a regroupé les données des trois essais pivots aux fins de son analyse. Aucun profil des patient·e·s n’a été fourni.

Résultats

Treize personnes (1,3 %) ont subi un échec virologique confirmé. Ce dernier a été défini comme deux mesures consécutives de la charge virale supérieures à 200 copies/ml.

Après avoir effectué de nombreuses analyses de nature statistique et autre, l’équipe de recherche a trouvé que les facteurs suivants (qui étaient présents lorsque certains·e·s participant·e·s ont commencé l’étude) semblaient accroître le risque d’échec virologique :

  • présence, dans le matériel génétique du VIH, de deux mutations associées à la résistance à la rilpivirine
  • présence des sous-types A1 ou A6 du VIH
  • indice de masse corporelle (IMC) égal ou supérieur à 30 kg/m2

La plupart des personnes figurant dans l’analyse des données regroupées des trois essais ne présentaient aucun des facteurs de risque mentionnés ci-dessus (71 % ou 732 personnes), ou elles n’en présentaient qu’un seul (26 % ou 272 personnes). Dans l’ensemble des trois cohortes, seule une proportion relativement faible de personnes présentaient deux facteurs de risque (3,4 % ou 35 personnes).

Il importe toutefois de noter que deux facteurs de risque étaient présents relativement couramment chez les personnes en situation d’échec virologique. Il s’agissait de neuf personnes sur 13 (près de 70 %). Un·e seul·e participant·e avait les trois facteurs de risque dès le début de son étude.

Chez les plupart des personnes ayant vécu un échec virologique, les concentrations sanguines de cabotégravir et de rilpivirine étaient sous-optimales à la huitième semaine de l’étude (neuf personnes sur 13). Aucun lien n’a été établi entre ce résultat et le fait de se faire injecter toutes les quatre ou toutes les huit semaines. Les personnes ayant un IMC élevé (30 ou plus) avaient tendance à avoir des concentrations sous-optimales des médicaments dès la huitième semaine.

Pourquoi ces facteurs de risque au début?

Il importe de souligner que cette analyse de données portant sur plus de 1 000 sujets d’essais cliniques antérieurs n’était pas prévue au départ. L’équipe de recherche a décidé d’effectuer cette analyse après la fin des essais dans l’espoir d’expliquer les évènements survenus. Ce genre d’analyse « post-hoc » (terme utilisé par les scientifiques) n’est pas idéale. Cependant, on n’a pas pu faire autrement parce que rien ne permettait de prévoir le problème des échecs virologiques, et la mise en commun des données de plusieurs études était la seule manière de recenser suffisamment d’échecs virologiques pour faire une analyse statistique utile.

Mutations conférant la résistance à la rilpivirine

La rilpivirine appartient à la classe des analogues non nucléosidiques (inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse ou INNTI). Chez certaines personnes qui ont vécu un échec virologique lors des trois essais pivots, le VIH était déjà partiellement résistant à la rilpivirine (et peut-être à d’autres INNTI aussi). Il est possible que ce problème soit survenu parce que les personnes en question avaient utilisé des INNTI auparavant et avaient acquis une résistance partielle à cette classe de médicaments. Il se pourrait aussi que ces personnes aient contracté une souche du VIH qui était partiellement résistante aux INNTI. Ces cas soulignent l’importance d’effectuer des tests de résistance afin de déterminer les probabilités d’une telle résistance avant de commencer un traitement par Cabenuva.

Sous-types A1 et A6 du VIH

Il existe deux principales sortes de VIH : le VIH-1 et le VIH-2. Le VIH-1 est la forme la plus courante du virus et se trouve dans la majeure partie du monde. Le VIH-2 se trouve le plus couramment dans des régions de l’Afrique occidentale. On peut subdiviser le VIH-1 en sous-types (A, B, C, etc.) en fonction de son information génétique. Il est également possible de subdiviser encore les sous-types, soit en A1, A6, etc. Même si certains sous-types sont relativement courants dans une région particulière, les migrations et le tourisme font en sorte qu’ils peuvent se propager.

Il semble que le sous-type A du VIH ait vu le jour en Afrique centrale et ait voyagé subséquemment vers d’autres parties du continent. Il s’est propagé ensuite vers l’Europe de l’Est et ce qui était à l’époque l’Union soviétique, et les pays voisins. Le sous-type A6 semble s’être créé à partir du sous-type A1 (qui a dérivé lui-même du sous-type A). Certain·e·s scientifiques croient que le sous-type A6 a vu le jour dans l’Union soviétique et les pays voisins. En effet, dans les essais pivots, à une exception près, tous les cas d’échecs virologiques survenus chez des personnes porteuses des sous-types A1 ou A6 concernaient des Russes. L’autre personne qui avait un de ces sous-types et qui a vécu un échec virologique venait du Canada.

Il est plausible que la sensibilité des sous-types A1 et A6 au cabotégravir et/ou à la rilpivirine ait diminué d’une manière ou d’une autre.

Indice de masse corporelle

Le risque d’échec virologique était plus élevé chez les personnes obèses ou très obèses. Une étude antérieure avait révélé que, à la suite de l’injection intramusculaire dans la fesse, le cabotégravir se libérait initialement plus lentement dans le sang des personnes ayant un IMC d’au moins 30 kg/m2 que dans celui des personnes ayant un IMC plus faible. La même étude avait cependant révélé que les concentrations sanguines de cabotégravir étaient les mêmes chez les personnes obèses que chez les personnes non obèses 20 à 24 semaines après la première injection de cabotégravir et les injections subséquentes données à intervalles réguliers. L’IMC ne semble pas avoir d’impact sur les concentrations de rilpivirine.

Lors des essais cliniques pivots que cette équipe de recherche a analysés, les personnes ayant un IMC de 30 kg/m2 ou plus qui ont subi un échec virologique avaient reçu des injections intramusculaires de Cabenuva effectuées avec des aiguilles de longueur standard. Lorsque ViiV a reçu le feu vert des autorités pour commercialiser Cabenuva, la compagnie a encouragé les prestataires de soins à utiliser des aiguilles d’une longueur minimale de deux pouces (environ 5 cm) pour injecter les personnes obèses afin de s’assurer que le médicament pénétrait dans du muscle et pas seulement dans de la graisse.

À retenir

Cette analyse de données portant sur des personnes en situation d’échec virologique a révélé qu’au moins deux des facteurs de risque mentionnés plus haut devaient être présents pour accroître la probabilité d’un tel échec. Comme il est possible d’évaluer tous ces facteurs de risque avant de prescrire Cabenuva, les prestataires de soins disposent d’un outil précieux pour déterminer quel·le·s patient·e·s pourraient bénéficier de ce médicament.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Cutrell AG, Schapiro JM, Perno CF et al. Exploring predictors of HIV-1 virologic failure to long-acting cabotegravir and rilpivirine: a multivariable analysis. AIDS. 2021; 35:1333-1342.
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  3. Jeffrey JL, St Clair M, Wang P et al. Impact of integrase sequences from HIV-1 subtypes A6/A1 on the in vitro potency of cabotegravir or rilpivirine. Antimicrobial Agents and Chemotherapy. 2022; sous presse.
  4. Schlösser M, Kartashev VV, Mikkola VH, et al. HIV-1 sub-subtype A6: Settings for normalised identification and molecular epidemiology in the Southern Federal District, Russia. Viruses. 2020 Apr 22;12(4):475.
  5. Faria NR, Rambaut A, Suchard MA, et al. HIV epidemiology: The early spread and epidemic ignition of HIV-1 in human populations. Science. 2014 Oct 3;346(6205):56-61.