La chloroquine, l’hydroxychloroquine et les préoccupations soulevées par les essais cliniques sur la COVID-19

La chloroquine (CQ) et son analogue hydroxychloroquine (HCQ) sont utilisés depuis de nombreuses années pour prévenir et traiter la malaria. Ces deux médicaments peuvent réduire la production de signaux chimiques inflammatoires par le système immunitaire, ce qui permet de réduire l’inflammation. C’est pour cette raison que la CQ et l’HCQ en particulier sont utilisées pour traiter la polyarthrite rhumatoïde, le lupus et d’autres affections.

Des expériences de laboratoire sur des cellules ont révélé que ces deux médicaments étaient capables d’inhiber la production d’un large éventail de virus, y compris le VIH. Rappelons à cet égard que les expériences de laboratoire portent sur des systèmes largement simplifiés consistant en des cellules, milieux de culture et virus. Une telle simplicité ne pourrait jamais reproduire les rouages d’un organe, d’un système anatomique ou d’une personne entière. Il n’empêche que les expériences de laboratoire constituent un premier pas important sur le chemin menant à la mise au point d’un médicament pour traiter une affection donnée. Les étapes ultérieures incluent la mise à l’épreuve du médicament chez un modèle animal de la maladie en question, suivie d’une série d’expérimentations complexes chez l’humain appelées essais cliniques. À chacune de ces étapes, l’analyse peut révéler des problèmes, de la toxicité ou encore l’absence d’efficacité. Cela est une partie normale du processus de mise au point des médicaments et, selon les estimations, neuf médicaments sur 10 échouent à faire la transition entre le laboratoire et la pharmacie.

CQ et HCQ : excellents résultats dans les éprouvettes

Comme nous l’avons mentionné, la CQ et l’HCQ peuvent inhiber l’activité d’un grand nombre de virus différents, y compris le VIH et les coronavirus, dans les expériences de laboratoire sur des cellules. Cependant, lorsque la CQ et l’HCQ ont été testées chez des personnes atteintes du VIH, leurs effets antiviraux se sont révélés modestes, ce qui souligne un problème courant dans la recherche biomédicale : les résultats très prometteurs dans les éprouvettes ne se reproduisent pas toujours chez l’humain. La prudence est donc de mise lorsqu’on tente d’extrapoler les résultats d’expériences de laboratoire pour prévoir ce qui se passerait éventuellement chez les humains.

Essais cliniques de la CQ et de l’HCQ pour la COVID-19

Plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, nous avons souligné de nombreuses préoccupations soulevées à l’égard des essais cliniques de la première heure sur les médicaments candidats contre la COVID-19. Certains essais comptaient un faible nombre de participants, n’étaient pas prospectifs ou randomisés, n’incluaient pas de placebo ou d’autre critère de comparaison, ou encore ils avaient des défauts. Cependant, face à la nature urgente de la pandémie de COVID-19, on a choisi d’ignorer ces préoccupations, surtout lors des essais cliniques précoces de la CQ et de l’HCQ (seules ou en combinaison avec l’azithromycine ou d’autres médicaments). Il est possible que cette décision ait amené certains chercheurs à exagérer involontairement la signification des résultats des premières études sur la CQ ou l’HCQ.

Notons cependant que les données d’essais cliniques d’envergure bien conçus sur la CQ et l’HCQ sont en train d’être publiées. Ces études portent à croire que ni la CQ ni l’HCQ n’est associée à des bienfaits cliniques importants. De plus, certaines études font état d’une association entre ces médicaments et de graves problèmes cardiaques.

—Sean R. Hosein

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