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  • Une étude de grande envergure a permis de constater un risque accru de cancer du foie chez des personnes séropositives
  • Le risque était 20 fois plus élevé chez les personnes séropositives co-infectées par l’hépatite B ou C
  • Il est nécessaire d’offrir plus de dépistages, de vaccinations et de traitements contre les hépatites virales aux populations vulnérables

Nombre d’études ont révélé que le risque de cancer du foie était plus élevé chez les personnes vivant avec le VIH que chez les personnes séronégatives. Ce risque est attribuable dans une grande mesure à la présence d’une co-infection par le virus de l’hépatite B (VHB) ou le virus de l’hépatite C (VHC).

De façon générale, l’incidence du cancer augmente avec l’âge au fur et à mesure que de nombreux facteurs de risque coïncident. Certains processus qui incitent les cellules à devenir anormales et précancéreuses sont de longue durée, et les tumeurs peuvent mettre beaucoup de temps à se développer. Un autre facteur réside dans le vieillissement lui-même, car même si le système immunitaire se tient toujours aux aguets des signes de cancer, son efficacité s’affaiblit graduellement avec l’âge. Cela ne veut pas dire que tout le monde sera atteint d’un cancer un jour, mais le risque global s’accroît avec le temps, surtout chez les personnes de plus de 50 ans.

Bien que de nombreuses personnes en Amérique du Nord vivent à l’abri du sida grâce au traitement du VIH (TAR), leurs risques de cancer augmentent avec l’âge comme chez tout le monde.

Étude nord-américaine

Des équipes de recherche au Canada et aux États-Unis ont mis en commun des données se rapportant à la santé de plus de 100 000 personnes séropositives afin d’analyser les tendances du cancer du foie chez cette population. Durant cette étude, l’équipe s’est concentrée sur les années 1996 à 2015. L’équipe a constaté que le risque de cancer du foie augmentait au fil du temps, surtout chez les personnes vivant avec une co-infection chronique au VHB ou au VHC.

L’équipe de recherche a constaté que le risque de cancer du foie était plus élevé encore chez les personnes ayant une charge virale en VIH de 500 copies/ml ou plus et un compte de CD4+ inférieur à 500 cellules/mm3, ainsi que chez les personnes qui s’injectaient des drogues.

L’équipe a proposé plusieurs interventions susceptibles de réduire le risque de cancer du foie chez les personnes vivant avec le VIH. Nous en parlons plus loin dans cet article.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a analysé les dossiers médicaux de 109 233 personnes séropositives qui avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :

  • 85 % d’hommes, 15 % de femmes
  • âge : 43 ans
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs : 40,9 %; Noirs : 40,6 %
  • situation par rapport aux virus : VIH seul : 70 %; VIH + VHB : 6 %; VIH + VHC : 20 %; VIH + VHB + VHC : 2 %; aucune évaluation effectuée : 2 %

Le suivi a duré cinq ans.

Des cliniques canadiennes (à Montréal et dans le sud de l’Alberta) ont contribué environ 7 % des personnes recrutées pour cette étude.

Résultats

Au cours de l’étude, 451 personnes ont présenté un cancer du foie, ce qui représente une augmentation globale de 72 %.

Seules des personnes âgées de 50 ans ou plus ont présenté un cancer du foie. La vaste majorité des personnes atteintes étaient des hommes.

Tendances

Nous décrivons ci-dessous des tendances se rapportant à plusieurs facteurs associés au risque de cancer du foie.

Impact spécifique des hépatites virales

En examinant les tendances observées au cours de l’étude, l’équipe de recherche n’a constaté « aucun changement substantiel » dans le taux de cancer du foie chez les personnes atteintes du VIH seulement. L’équipe a toutefois constaté 20 fois plus de cas de cancer du foie chez les personnes co-infectées par le VHB ou le VHC par rapport à celles vivant avec le VIH seulement. Enfin, chez les personnes co-infectées par les trois virus, soit le VIH, le VHB et le VHC, le nombre de cas de cancer du foie était 40 fois plus élevé que lorsque le VIH était présent tout seul.

Âge

Même si l’âge des personnes atteintes d’une co-infection à l’hépatite était généralement semblable à celui des personnes n’ayant pas d’hépatites, l’équipe de recherche a constaté que les personnes vivant avec le VIH seulement étaient plus âgées au moment de leur diagnostic de cancer du foie. Chez les personnes atteintes à la fois du VIH et du VHB ou du VHC, le cancer a été diagnostiqué à un plus jeune âge. Ce résultat laisse croire que le risque de cancer du foie s’accélère chez les personnes atteintes d’hépatite B ou C et que le cancer se déclare dès un âge plus jeune à cause de cette accélération.

Système immunitaire et VIH

Selon l’équipe de recherche, pendant la décennie la plus récente de l’étude, les personnes dont la charge virale en VIH était de 500 copies/ml ou plus couraient « un risque 80 % plus élevé [de cancer du foie] que les personnes dont la charge virale était inférieure à 500 copies/ml ». Cette augmentation du risque se produisait indépendamment de la présence d’une co-infection à l’hépatite virale.

De plus, durant la décennie la plus récente, le risque de cancer du foie était 30 % plus élevé chez les personnes ayant un compte de CD4+ de 500 cellules/mm3 ou moins que chez celles ayant un compte de CD4+ plus élevé. Cette augmentation du risque se produisait indépendamment de la présence d’une co-infection à l’hépatite virale.

Populations vulnérables

Dans l’ensemble, l’équipe de recherche a constaté que les personnes qui s’injectaient des drogues couraient un risque plus élevé de cancer du foie que les hommes gais et bisexuels qui ne s’injectaient pas. L’équipe a attribué ce risque à la présence d’une co-infection à l’hépatite virale. Notons cependant que le risque de cancer du foie était élevé chez les personnes qui s’injectaient des drogues même si elles n’avaient pas d’hépatites (quoique plus faible que le risque chez les personnes co-infectées qui s’injectaient des drogues). Selon la théorie de l’équipe de recherche, ce risque de cancer du foie serait associé aux facteurs suivants :

  • diabète
  • consommation excessive d’alcool
  • NAFLD (stéatose hépatique non alcoolique)
  • tabagisme

Notons que la plupart de ces problèmes sans origine virale touchaient de plus en plus la population générale des États-Unis durant à peu près la même période que celle dont il est question dans cette étude.

Interventions possibles

Étant donné le lien clair qui existe entre l’hépatite virale et l’augmentation du risque de cancer du foie, l’équipe de recherche a adressé les suggestions suivantes aux professionnels de la santé et aux personnes vivant avec le VIH, notamment celles co-infectées par une hépatite virale :

  • mener des essais cliniques randomisés et contrôlés « pour évaluer l’efficacité du [dépistage] plus actif du cancer du foie » auprès des personnes séropositives
  • prioriser « l’accès au traitement du VHC » pour les personnes co-infectées par ce virus
  • maîtriser efficacement l’infection au VHB à l’aide de médicaments antiviraux agissant à la fois contre le VIH et le VHB; selon l’équipe, la liste inclut les médicaments 3TC, FTC et ténofovir
  • effectuer des tests de dépistage des anticorps protecteurs contre le VHB; si ces derniers ne sont pas présents, proposer la vaccination
  • encourager l’amorce plus précoce du TAR afin de réduire la dysfonction immunologique et l’inflammation qui peuvent contribuer éventuellement à la formation de cancers

En guise de conclusion, l’équipe de recherche a affirmé qu’« il est essentiel de régler les autres facteurs [socioéconomiques] et les disparités sanitaires afin d’alléger le fardeau général [du cancer du foie] chez les [personnes séropositives] vieillissantes. Les stratégies thérapeutiques fondées sur le dépistage du VHC et l’intervention précoce dans les cas de VHC ou de VHB chez les personnes qui s’injectent des drogues, ainsi que la gestion à long terme des comportements à risque, devraient être explorées davantage ».

—Sean R. Hosein

Ressources

Hépatite C : Un guide détaillé – CATIE

Comprendre la cirrhose du foie : premières étapes après un nouveau diagnostic – CATIE, Association canadiennes des infirmières d’hépatologie (CAHN)

Ton kit : Ce qu’il faut savoir si tu as le VIH et que tu t’injectes des drogues – CATIE

Recommandations de pratiques exemplaires pour les programmes canadiens de réduction des méfaits – Groupe de travail sur les pratiques exemplaires pour les programmes de réduction des méfaits au Canada

Estimation du nombre de personnes qui s’injectent des drogues et de la couverture des programmes de réduction des méfaits au Canada – Nouvelles CATIE

Harvoni (lédipasvir + sofosbuvir) – CATIE

Maviret (glécaprévir + pibrentasvir) – CATIE

RÉFÉRENCES :

  1. Sun J, Althoff KN, Jing Y, et al. Trends in hepatocellular carcinoma incidence and risk among persons with HIV in the US and Canada, 1996-2015. JAMA Network Open. 2021; sous presse.
  2. Laconi E, Marongiu F, DeGregori J. Cancer as a disease of old age: changing mutational and microenvironmental landscapes. British Journal of Cancer. 2020 Mar;122(7):943-952.
  3. Frasca D, Blomberg BB. Aging induces B cell defects and decreased antibody responses to influenza infection and vaccination. Immunity and Ageing. 2020 Nov 19;17(1):37.
  4. Cheng F, Carroll L, Joglekar MV, et al. Diabetes, metabolic disease, and telomere length. Lancet Diabetes and Endocrinology. 2021 Feb;9(2):117-126.