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  • Les taux de syphilis augmentent partout au Canada
  • Une équipe d’Ottawa a analysé des données sur la syphilis infectieuse recueillies entre 2010 et 2019
  • L’équipe a constaté une augmentation des taux par un facteur de trois chez les hommes et un facteur de huit chez les femmes

La syphilis est une maladie causée par des microbes appelés spirochètes ou tréponèmes, lesquels se propagent principalement par les relations sexuelles. Une fois à l’intérieur du corps, ces microbes se fraient un chemin jusqu’à des organes et à des systèmes majeurs (tel le système nerveux) où ils commencent à causer des dommages. Comme de nombreuses personnes qui contractent cette infection transmissible sexuellement (ITS) n’éprouvent pas de symptômes, elles risquent de transmettre involontairement les microbes causant la syphilis à leurs partenaires sexuel·le·s. Les tréponèmes peuvent également se transmettre au fœtus durant la grossesse. La syphilis est diagnostiquée à l’aide d’un simple test sanguin. Il est important que les personnes sexuellement actives passent régulièrement, voire fréquemment, des tests de dépistage de la syphilis, car ceux-ci jouent un rôle important dans le maintien d’une bonne santé. Le traitement de la syphilis repose sur des antibiotiques, et la majorité des personnes atteintes s’en remettent bien sous l’effet d’un traitement approprié.

À Ottawa

Une équipe de recherche d’Ottawa a passé en revue des cas de syphilis diagnostiqués dans la capitale canadienne entre 2010 et 2019. Dans l’ensemble, elle a constaté des augmentations importantes du nombre de cas, soit par près de trois fois durant la période à l’étude. Même si la majorité des cas de syphilis concernaient des hommes gais ou bisexuels ou d’autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (gbHARSAH), une proportion croissante des personnes touchées étaient des femmes. Précisons à ce propos que le nombre de diagnostics de syphilis chez celles-ci a augmenté par un facteur de huit durant la période en question.

L’équipe de recherche a formulé des recommandations pour tenter de résoudre les problèmes qu’elle a découverts.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a extrait de plusieurs bases de données des renseignements non identifiants se rapportant à des diagnostics de syphilis.

Résultats

De 2010 à 2019, on a recensé 878 cas de syphilis infectieuse (classés en trois stades : syphilis primaire, syphilis secondaire et syphilis latente précoce), ainsi que 815 cas de syphilis latente tardive. En ce qui concerne cette dernière, les personnes touchées ne sont pas considérées comme infectieuses, mais il faut quand même les traiter pour aider leur corps à se remettre des dommages causés par la syphilis.

Tendances majeures

Selon l’équipe de recherche, les taux de nouveaux diagnostics de la syphilis sont restés relativement stables entre 2010 et 2014. Durant cette période, 96 % des cas touchaient des hommes et 4 %, des femmes. Chez les hommes, il s’agissait d’hommes gais, bisexuels et autres HARSAH dans la majorité des cas.

Notons toutefois que les cas de syphilis ont doublé à partir de 2015 et, en 2019, ils avaient triplé par rapport à 2010.

Populations

L’équipe de recherche a fait la déclaration suivante au sujet des changements dans la répartition des cas de syphilis : « Bien que la plupart des diagnostics de syphilis infectieuse à Ottawa continuent de toucher majoritairement la population gbHARSAH, la proportion de cas signalés dans ce groupe a diminué, passant de de 91 % à 73 % au cours de la période de 10 ans. La proportion de cas diagnostiqués parmi les personnes séropositives au VIH a également diminué au cours de la même période, 53 % des cas de syphilis en 2010 ayant été signalés parmi les personnes vivant avec le VIH, contre 19 % en 2019. La diminution de près de 20 % des cas de syphilis chez la population gbHARSAH correspond à une augmentation du nombre de cas de syphilis signalés chez les hommes et les femmes hétérosexuels. ».

L’équipe de recherche a commenté ainsi les données se rapportant aux hétérosexuel·le·s : « Ensemble, la proportion de nouveaux diagnostics de syphilis infectieuse chez les hommes et les femmes hétérosexuels à Ottawa est passée de 5 % en 2015 à 23 % en 2019 ».

Dans l’ensemble, les taux de syphilis latente tardive ont chuté de près de 50 % chez les personnes figurant dans cette étude.

Âge

Une autre tendance observée dans cette étude fut une baisse de l’âge moyen des personnes recevant un diagnostic de syphilis infectieuse au fil du temps. De 47 ans en 2015, l’âge moyen a baissé jusqu’à 40 ans en 2019.

Syphilis et grossesse

L’équipe de recherche a examiné des données à jour de janvier 2015 à juillet 2021 qui se rapportaient à des cas de syphilis infectieuse touchant des femmes enceintes. Dix-sept tests de dépistage effectués auprès de 15 femmes ont donné un résultat positif durant cette période (notons que certaines femmes ont été testées deux fois à des moments différents de la grossesse). Ces femmes avaient une moyenne d’âge de 28 ans (de 17 à 39 ans). Toutes les femmes ont été traitées par des antibiotiques, et aucun bébé n’est né avec la syphilis. L’équipe de recherche a produit un graphique illustrant une augmentation constante des cas de syphilis infectieuse diagnostiqués pendant la grossesse au cours de l’étude. Si l’on extrapolait les tendances de ce graphique plusieurs années dans l’avenir, on verrait le nombre de cas grimper encore plus. Ainsi, à l’échelle de la population de la ville, le risque qu’un bébé naisse avec la syphilis augmenterait aussi.

À retenir

L’équipe de recherche a souligné les points suivants :

Syphilis chez les femmes en âge de procréer

L’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) a compilé des données au sujet de la syphilis et de la grossesse qui indiquent une augmentation des cas au Canada, soit de quatre cas en 2016 à 73 cas en 2020. Même si au moment de la publication de cette étude aucun bébé n’était né avec la syphilis à Ottawa, l’équipe de recherche s’inquiète de voir cette situation arriver à l’avenir. Pour réduire le risque, elle a affirmé ceci : « Les cliniciens et les praticiens de la santé publique devraient envisager un dépistage plus uniforme de la syphilis chez les femmes en âge de procréer […]. Une sensibilisation accrue et des directives cliniques rigoureuses sont recommandées pour aider les praticiens à dépister, à traiter et à surveiller la syphilis chez les femmes enceintes, notamment le dépistage au début de la grossesse et les tests répétés au troisième trimestre en cas de risque continu. À l’échelle locale, notre bureau de santé publique assure un suivi complet de tous les tests positifs de dépistage [prénatal] de la syphilis. Cela comprend l’aiguillage vers des soins spécialisés appropriés et la sérologie de suivi de la syphilis pendant la grossesse et pour le nourrisson pendant la première année de vie ».

gbHARSAH séronégatifs

L’équipe de recherche a constaté une augmentation des cas de syphilis chez des gbHARSAH n’ayant pas le VIH. Cette hausse ne semble pas attribuable à l’utilisation accrue de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH, car l’augmentation des taux de syphilis a commencé avant l’approbation de la PrEP au Canada. La recherche laisse croire que le fait d’avoir la syphilis fait augmenter le risque de contracter subséquemment le VIH pour les gbHARSAH. Pour réduire ce risque, l’équipe a offert ce conseil : « Nous suggérons d’offrir la PrEP pour le VIH aux personnes de ce groupe. Plus précisément, pour tout gbHARSAH diagnostiqué avec une infection de syphilis au stade primaire, secondaire ou de latence précoce, une offre active de PrEP pour le VIH est recommandée. À Ottawa, le personnel de la santé publique l’offre régulièrement pendant le suivi et la recherche des contacts. Depuis, une diminution des infections au VIH a été constatée à Ottawa, bien que cette observation soit [difficile à estimer étant donné] l’adoption accrue de la PrEP dans plusieurs cliniques et par plusieurs médecins de famille de la ville et la diminution des tests de dépistage du VIH en raison de la pandémie de la maladie à coronavirus en 2020 ».

« Pour atténuer la transmission continue du VIH dans les groupes hétérosexuels, nous suggérons d’appliquer certains des critères utilisés pour la PrEP chez la population gbHARSAH; 1) pour tous les groupes hétérosexuels ayant reçu un diagnostic répété d’ITS (y compris la syphilis); et 2) pour les femmes ayant reçu un diagnostic de syphilis infectieuse, de gonorrhée ou d’hépatite C. Bien qu’aucun homme ou femme hétérosexuel n’ait reçu de diagnostic antérieur ou concomitant de VIH au moment du diagnostic de syphilis, les personnes ayant des partenaires de sexe opposé représentaient 9 % (n = 80/878) de tous les diagnostics de syphilis infectieuse et 5 % (n = 21/413) de tous les patients qui avaient des ITS répétées, ce qui peut potentiellement augmenter le risque d’acquisition du VIH. Le fait de proposer la PrEP à ces personnes, en plus de personnes gbHARSAH, pourrait être une stratégie utile pour améliorer les efforts de prévention du VIH ».

Sensibilisation accrue nécessaire

L’équipe de recherche a également suggéré les interventions suivantes : « Des campagnes plus vastes de sensibilisation du public, un dépistage accru chez les hétérosexuels et le rétablissement de la syphilis d’antériorité indéterminée comme stade d’infection à déclaration obligatoire ».

Toujours selon l’équipe de recherche : « Compte tenu des complications connues de la syphilis pour la santé, il est préoccupant de constater que, malgré la propagation documentée de nouveaux cas dans la population hétérosexuelle, les efforts de dépistage continuent de cibler presque exclusivement la population gbHARSAH. Des campagnes dans les médias sociaux et d’autres stratégies devraient être utilisées pour s’assurer que les hommes et les femmes hétérosexuels sont au courant des conséquences de la syphilis et des avantages du dépistage ».

À l’avenir

L’équipe de recherche a fait la déclaration suivante au sujet de la nécessité d’autres recherches : « En réponse à l’augmentation des taux de syphilis infectieuse chez les femmes hétérosexuelles, des recherches futures doivent être effectuées pour aider à explorer les facteurs de risque de la syphilis au sein de ce groupe. Il est également fortement recommandé que le dépistage prénatal de la syphilis soit effectué le plus tôt possible et, le cas échéant, que le dépistage soit répété pendant la grossesse et [avant le terme]. La surveillance continue continuera de jouer un rôle crucial pendant l’évolution de l’épidémie de syphilis à Ottawa. Les ressources de santé publique doivent assurer un soutien continu aux populations déjà touchées par la syphilis, mais elles doivent également être souples et tenir compte des tendances émergentes de l’épidémie ».

—Sean R. Hosein

Ressources

La syphilis – CATIE

Résurgence de la syphilis au Canada : Qui est le plus touché et quelles interventions sont nécessaires?Point de mire sur la prévention

Des chercheurs australiens étudient les taux de syphilis chez des hommes utilisant la prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIHNouvelles CATIE

Des médecins de Montréal rendent compte de cas de syphilis touchant les yeuxNouvelles CATIE

RÉFÉRENCES :

  1. Orser L, MacPherson P, O’Byrne P. Cas de syphilis à Ottawa : une épidémie en évolution. Relevé des maladies transmissibles au Canada. 24 février 2022;48(2-3):76-82.  
  2. O’Byrne P, MacPherson P. Syphilis. BMJ. 2019 Jun 28;365:l4159.