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  • Une équipe de Vancouver a mis à l’essai une stratégie de PrEP combinée contre le VIH et les ITS bactériennes
  • En plus de la PrEP contre le VIH, l’équipe a offert une PrEP à la doxycycline à différentes étapes de l’étude
  • Seules les personnes qui ont commencé la doxy-PrEP plus tard ont contracté la chlamydiose ou la syphilis 

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Au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé, les taux d’infections transmissibles sexuellement (ITS) augmentent depuis une décennie, notamment ceux de la chlamydiose (infection à Chlamydia), de la gonorrhée et de la syphilis. En tant que population, les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (hommes gbHARSAH) sont plus à risque de contracter des ITS, tout comme les femmes transgenres. Des essais cliniques ont révélé que la prise de 200 mg de doxycycline dans les 72 heures suivant une exposition sexuelle réduisait considérablement le risque de contracter les trois ITS que nous venons de mentionner. Lorsqu’une personne utilise la doxycycline après une exposition potentielle à une ITS, on dit qu’elle suit une prophylaxie post-exposition ou PPE. Nombre de médecins et d’autorités de la santé publique recommandent de plus en plus le recours à la doxy-PPE, notamment les Centres for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis.

Selon de nombreux essais cliniques, un comprimé appelé Truvada (TDF + FTC) réduit très efficacement le risque de contracter le VIH lorsqu’il est utilisé comme il se doit avant une exposition potentielle au virus. Lorsqu’un médicament est utilisé de cette manière, on parle de prophylaxie pré-exposition ou PrEP.

Comme les personnes qui suivent une PrEP contre le VIH risquent également de contracter des ITS, un essai clinique explorant l’usage concomitant d’une PrEP contre le VIH et d’une PrEP contre les ITS est nécessaire.

À propos de l’étude

À Vancouver, une équipe de recherche du BC Centre for Disease Control, de l’Université de la Colombie-Britannique et du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique a collaboré à la conception d’une étude pilote sur l’usage quotidien de Truvada et de la doxycycline pour réduire à la fois le risque de contracter le VIH et des ITS. L’équipe visait à déterminer si les participant·e·s pouvaient prendre et tolérer une double PrEP contre le VIH et les ITS.

L’équipe de recherche a inscrit 52 adultes séronégatifs qui étaient sexuellement actifs; la plupart étaient des hommes gbHARSAH (48 personnes), mais il y avait aussi des personnes trans et de genres divers. En moyenne, les participant·e·s avaient 35 ans et avaient eu la syphilis dans le passé.  

Toute la cohorte a reçu Truvada sous forme d’un comprimé tous les jours.

Les participant·e·s ont également reçu la doxycycline sous forme de comprimé à raison de 100 mg par jour. La moitié a commencé à prendre la doxycycline quotidienne au début de l’étude. L’autre moitié a commencé à prendre ce médicament à la 24e semaine. L’étude a duré 48 semaines.

Les participant·e·s retournaient à la clinique de l’étude à intervalles réguliers pour faire analyser des échantillons de sang et d’urine. L’équipe effectuait également des frottis du rectum et de la gorge pour faire des analyses de cultures bactériennes. Lors des consultations, les participant·e·s remplissaient des questionnaires se rapportant à leur usage d’alcool et de drogues, la dépression, la santé sexuelle et les effets secondaires éventuels des médicaments. L’équipe leur posait également des questions sur l’observance thérapeutique et effectuait au hasard des analyses de sang pour déterminer les taux de doxycycline.

Résultats

Observance thérapeutique

L’analyse de l’observance thérapeutique auto-déclarée n’a révélé aucune différence statistiquement significative entre les personnes qui ont commencé à prendre la doxy-PrEP dès le début de l’étude et celles qui ont commencé celle-ci à la 24e semaine.

Cependant, lorsque l’équipe a analysé les concentrations sanguines de doxycycline à la semaine 48, elle a constaté un taux d’observance de 67 % chez les personnes sous doxycycline depuis le début de l’étude, comparativement à 29 % chez les personnes qui avaient reporté l’amorce de la doxy-PrEP jusqu’à la semaine 24. Cette différence est significative du point de vue statistique. 

Effets indésirables

Selon l’équipe de recherche, chez les personnes sous doxycycline depuis le début de l’étude, les effets indésirables (principalement nausées et diarrhée) étaient généralement légers et se résorbaient au fil du temps. Les effets secondaires étaient signalés, le plus fréquemment, quatre semaines après l’amorce de la doxy-PrEP. 

Chez les personnes qui ont reporté l’amorce de la doxy-PrEP, une seule personne a signalé un effet indésirable (nausées légères) quatre semaines après la première prise de doxycycline.

Infections

Aucun cas d’infection par le VIH ne s’est produit dans les deux groupes au cours de l’étude.

Des cas de chlamydiose (infection à Chlamydia) et de syphilis sont seulement survenus chez des personnes qui avaient reporté l’amorce de la doxy-PrEP. En revanche, des cas de gonorrhée ont été signalés, peu importe le moment où le traitement antibiotique avait été commencé. 

Résistance

Lorsque n’importe quel antibiotique est utilisé à long terme, la possibilité que la bactérie visée acquière une résistance au médicament est toujours une préoccupation. L’équipe de recherche a effectué des frottis nasaux chez quelques participant·e·s avant et après l’étude pour dépister la bactérie Staphylococcus aureus. Au début de l’étude, soit avant l’amorce de la doxy-PrEP, cette bactérie était présente dans les narines de neuf personnes, dont trois sous doxycycline depuis le début de l’étude et six autres qui avaient reporté la prise de l’antibiotique, et aucun des échantillons de la bactérie n’avait acquis une résistance à la doxycycline.

À mi-chemin de l’étude, soit à la semaine 24, des frottis nasaux effectués chez 12 personnes n’ont révélé qu’un seul cas de résistance de S. aureus à la doxycycline. La personne en question avait commencé à prendre celle-ci dès le début de l’étude. 

À la semaine 48, l’équipe de recherche a analysé des frottis effectués chez un nombre limité de personnes. Elle a détecté une résistance de S. aureus à la doxycycline chez quatre personnes sur sept qui recevaient l’antibiotique depuis le début de l’étude et chez une personne sur deux qui le recevaient depuis la semaine 24.

Comme il s’agit ici d’une étude de petite envergure, il n’est pas possible d’en tirer des conclusions définitives à propos du risque de résistance aux antibiotiques.

À retenir

Dans l’ensemble, l’équipe de recherche a constaté que l’association d’une PrEP contre le VIH et d’une doxy-PrEP était bien tolérée. L’antibiotique a réduit le risque d’ITS, notamment le risque de chlamydiose et de syphilis. Selon l’équipe de recherche, il y a eu moins de cas de gonorrhée parmi les personnes qui ont commencé la doxy-PrEP dès le début de l’étude. Chez celles-ci, tous les cas de gonorrhée se trouvaient dans la gorge. Notons qu’il est difficile d’éradiquer la gonorrhée dans la gorge parce que les antibiotiques n’y atteignent pas toujours des concentrations optimales. Il est possible que cela soit particulièrement le cas de la dose de 100 mg par jour de doxycycline utilisée dans cette étude (comparativement à la dose plus élevée de 200 mg). Cette question doit toutefois être étudiée davantage. 

Examen expert

Le professeur Jeffrey Klausner, M.D., de l’Université de la Californie du Sud travaille avec succès depuis longtemps dans des programmes de santé publique et de prévention des ITS. Il a examiné les résultats de l’étude menée à Vancouver et d’autres études sur la doxycycline pour la prévention des ITS. Selon l’expert, le rapport risque-bénéfice général était favorable à l’usage de la doxycycline pour prévenir les ITS. Cette opinion fait écho à plusieurs études ayant révélé que l’usage de doxycycline réduisait significativement le risque d’ITS sans provoquer une augmentation inquiétante du risque de résistance. Ces études ont eu lieu dans le contexte des taux d’ITS croissants. 

Le professeur Klausner a ajouté que « dans l’ensemble, les résultats de l’étude [de Vancouver] rassurent les clinicien·ne·s qu’ils ou elles peuvent, sans crainte, prescrire des prophylaxies contre le VIH et les ITS lors d’une même consultation. Les deux étaient bien tolérées et très efficaces. Les résultats de l’étude confirment également ceux d’autres études en ce qui concerne l’efficacité de la prophylaxie quotidienne à la doxycycline ». Il ajoute que « les résultats [obtenus par l’équipe de Vancouver] confirment que les choix de prophylaxie d’ITS, fondés sur des données probantes, incluent soit la doxycycline 200 mg dans les 72 heures suivant une relation sexuelle, soit la doxycycline 100 mg tous les jours pour prévenir les nouvelles infections. L’offre de choix aux patient·e·s leur donne plus d’autonomisation, augmente probablement l’adoption [de la PrEP] et l’observance et améliore la santé sexuelle. Des données de la science de la mise en œuvre concernant la prophylaxie par la doxycycline sont urgemment nécessaires, ainsi que l’évaluation continue des tendances changeantes des résistances antimicrobiennes au niveau de la population ».

Les données de l’étude menée à Vancouver ont servi à la conception d’une étude de plus grande envergure explorant l’usage de doxycycline pour réduire le risque d’ITS. Les résultats de cette autre étude sont attendus en 2026. 

—Sean R. Hosein

Ressources

La doxycyline pour la prévention des ITS bactériennesCATIE

Infections transmissibles sexuellement et par le sang : Guides à l’intention des professionnels de la santé – Agence de la santé publique du Canada

Doxy PEP for Bacterial STI Prevention – CDC (en anglais seulement)

Des études sur la doxycycline pour la prévention d’infections transmissibles sexuellement Nouvelles CATIE

Étude sur des interventions visant la fin de l’épidémie de syphilis chez les hommes gbHARSAHNouvelles CATIE

La prophylaxie post-exposition à la doxycycline aide à réduire le risque de certaines infections transmissibles sexuellement – TraitementActualités 249

Interventions en matière de dépistage des infections transmissibles sexuellement : préférences des membres de la communauté et des prestataires de services – CATIE

RÉFÉRENCES :

  1. Grennan T, Mohammed S, Edward J et al. A pilot randomized controlled trial of dual daily HIV and sexually transmitted infection pre-exposure prophylaxis using tenofovir disoproxil fumarate/emtricitabine and doxycycline in gay, bisexual and other men who have sex with men and transgender women: The DuDHS Study. Clinical Infectious Diseases. 2025; sous presse.
  2. Klausner JD. A new choice for doxycycline prophylaxis. Clinical Infectious Diseases. 2025; sous presse.