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  • Une équipe de recherche de San Francisco a suivi des personnes ayant reçu une greffe d’organe
  • Les personnes séropositives n’ont pas eu plus de complications que les personnes séronégatives à la suite de la greffe
  • Certaines personnes séropositives sont toutefois décédées prématurément des suites d’une maladie du cœur

Grâce au traitement efficace du VIH (TAR), de très nombreuses personnes séropositives vivent plus longtemps de nos jours. Les bienfaits à long terme du TAR sont tellement importants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes utilisant ce genre de traitement. Or, à mesure que les personnes séropositives vieillissent, elles deviennent sujettes aux problèmes liés à l’âge, telles les maladies cardiovasculaires et les conséquences d’infections et d’affections sous-jacentes de longue durée. À la longue, ces problèmes peuvent causer collectivement des lésions dans les reins et le foie.

Transplantation d’organes

Chez une personne ayant subi une greffe d’organe, le système immunitaire perçoit l’organe greffé comme un corps étranger et réagit en s’y attaquant. Pour favoriser la survie du nouvel organe, le système immunitaire de l’hôte doit être affaibli suffisamment pour empêcher ce genre d’attaque. Cependant, la suppression excessive du système immunitaire peut nuire à la santé de la personne recevant l’organe et la rendre vulnérable à des infections dangereuses. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre délicat lorsqu’on fixe la dose du traitement immunosuppresseur. À l’époque d’avant le TAR, les personnes séropositives faisaient rarement l’objet de greffes d’organes à cause de préoccupations concernant l’impact éventuel de l’immunosuppression additionnelle, l’espérance de vie plus courte des patient·e·s et d’autres facteurs.

Cependant, lorsque le TAR est devenu largement accessible dans les pays à revenu élevé, les médecins ont pu constater que le système immunitaire de nombreuses personnes se renforçait sous l’effet du TAR, et la greffe d’organes est devenue une possibilité pour certaines d’entre elles.

À San Francisco

Les cliniques affiliées à l’Université de la Californie à San Francisco (UCSF) comptent dans leurs équipes des pionnier·ère·s de la recherche sur le VIH. La transplantation d’organes fait partie de cette recherche.

Une équipe de l’UCSF a examiné des données de santé recueillies sur deux décennies (2000 à 2019) auprès de personnes ayant subi une greffe de rein ou du foie. L’équipe a comparé les résultats obtenus auprès de personnes séropositives et de personnes séronégatives. Elle a constaté des taux de survie à long terme largement semblables dans les deux groupes.

Notons par ailleurs que le sort des personnes atteintes d’hépatite C s’est également amélioré à partir de 2014 lorsque des antiviraux puissants ont vu le jour pour le traitement de l’infection au virus de l’hépatite C (VHC). Nous y reviendrons plus loin. 

Malgré la bonne nouvelle à propos de la survie à long terme des personnes séropositives ayant reçu une greffe d’organe, l’équipe de recherche a constaté que certaines personnes séropositives étaient décédées prématurément à la suite d’une greffe de rein (environ 10 ans après la chirurgie). De l’avis de cette équipe, ces décès n’étaient pas attribuables à des complications de la greffe, mais à des maladies cardiovasculaires.

Cette étude fut conçue principalement pour évaluer les taux de survie à long terme chez les personnes séropositives ayant reçu une greffe d’organe. Ses résultats indiquent généralement que les personnes sous TAR connaissent de bons résultats. Il n’empêche que certaines personnes séropositives demeurent vulnérables aux maladies cardiovasculaires et que plus d’attention doit être portée à la prévention et au traitement de celles-ci.

Détails de l’étude

Dans cette étude, l’équipe de recherche a constaté qu’un grand nombre de personnes séropositives avaient des affections sous-jacentes qui nuisaient à la santé des reins et du foie. Dans les cas où une greffe de rein était nécessaire, le VIH lui-même pouvait être la cause des lésions rénales, mais il y avait d’autres problèmes, notamment l’hypertension et le diabète, qui nuisaient aux reins aussi. Chez les personnes séropositives ayant besoin d’une greffe de foie, des problèmes comme le cancer du foie et la co-infection au VHC jouaient un rôle dans la dégradation de cet organe.

L’équipe de recherche a examiné ses bases de données et comparé les résultats de la transplantation pour la santé des groupes suivants :

Receveur·se­·s d’une greffe de rein

  • personnes séropositives : 119
  • personnes séronégatives : 655

Receveur·se·s d’une greffe de foie

  • personnes séropositives : 83
  • personnes séronégatives : 468

Comme nous l’avons mentionné plus haut, il faut fixer délicatement la dose des médicaments immunosuppresseurs utilisés pour affaiblir le système immunitaire et l’empêcher de s’attaquer à l’organe greffé. Si l’immunosuppression est excessive, elle peut accroître le risque d’infections graves sinon potentiellement mortelles. En revanche, si l’immunosuppression est trop faible, le système immunitaire risque de lancer une attaque contre le nouvel organe. On utilise le terme technique « rejet aigu » pour décrire ce phénomène.

Résultats : greffes rénales

Selon l’équipe de recherche, les taux de survie étaient à peu près les suivants une décennie après la transplantation :  

  • personnes séropositives : 70 %
  • personnes séronégatives : 85 %

Cependant, 15 ans après la greffe rénale, les taux de survie étaient les suivants :

  • personnes séropositives : 54 %
  • personnes séronégatives : 80 %

On peut donc constater une baisse significative du taux de survie chez les personnes séropositives à partir du début de la deuxième décennie suivant la greffe rénale.

Selon l’équipe de recherche, cette augmentation du taux de mortalité était « sans doute liée à des comorbidités cardiovasculaires de longue durée associées au VIH/sida ». Autrement dit, comme le risque de maladies cardiovasculaires était plus élevé chez les personnes séropositives, il est probable que cette comorbidité a joué un rôle dans le décès de celles-ci. Rappelons aussi que certaines des personnes qui ont reçu une greffe de rein avaient des affections sous-jacentes comme le diabète et l’hypertension. Il est possible que ces deux maladies aient causé une détérioration de leur santé cardiaque à long terme.

Malheureusement, comme cette étude n’a pas été conçue pour évaluer en profondeur les maladies cardiovasculaires, aucun renseignement additionnel n’a été fourni.

Résultats : greffes hépatiques

Voici les taux de survie 15 ans après les greffes de foie :

  • personnes séropositives : 70 %
  • personnes séronégatives : 76 %

À partir de 2014, année de l’introduction des médicaments anti-VHC oraux puissants, les résultats des greffes hépatiques étaient semblables dans les deux groupes, peu importe si une infection au VHC préexistante était présente ou pas (ou une co-infection au VHC dans le cas des personnes vivant avec le VIH).

Rejet des organes greffés

Les épisodes de rejet sont relativement courants à la suite d’une greffe d’organe. Si l’on s’aperçoit rapidement du rejet, il est possible de résoudre le problème en augmentant la dose des immunosuppresseurs déjà utilisés ou en en ajoutant un nouveau.

Environ 30 % des participant·e·s qui ont subi une greffe du foie ou de rein ont vécu un épisode de rejet aigu. Plus élevé que prévu, ce pourcentage est peut-être dû au genre de médicaments immunosuppresseurs utilisés par les cliniques de l’UCSF. Les personnes séropositives étaient plus susceptibles de connaître un rejet aigu et, subséquemment, un rejet chronique, ce qui a nui à la santé de l’organe greffé.

À retenir

Cette étude figure parmi les plus longues à avoir suivi des personnes séropositives à la suite d’une greffe d’organe. Selon l’équipe de recherche, « les résultats de cette étude indiquent que les taux de survie à long terme [de l’organe] et des patient·e·s sont comparables à la suite d’une greffe rénale ou hépatique chez les personnes séropositives et les personnes séronégatives ».

Et d’ajouter l’équipe : « Ces résultats, et ceux des travaux déjà publiés, permettent d’appuyer le recours aux greffes d’organes chez des personnes séropositives, lequel, de l’avis de notre équipe, constitue une utilisation appropriée des ressources allouées à la transplantation et offre un accès équitable à ces ressources aux personnes vivant avec le VIH ».

Il importe de souligner que nous parlons ici d’une étude rétrospective qui s’est déroulée dans un seul centre médical. Dans les années à venir, des cliniques situées dans d’autres villes présenteront des données à long terme où il sera question de personnes séropositives ayant subi une greffe d’organe, ce qui brossera un portrait plus complet de leur survie.

—Sean R. Hosein

Ressources

Le VIH et la maladie cardiovasculaireCATIE

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Les troubles de consommation de substances font-ils augmenter le risque de maladies cardiovasculaires?Nouvelles CATIE

Prévention des maladies cardiovasculairesInstitut de Cardiologie de Montréal

Crise cardiaqueAgence de la santé publique du Canada

Pour les professionnels : maladies du cœur et autres troubles cardiaquesGouvernement du Canada

Cœur et AVCFondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada

Cesser de fumer : La décision d’arrêterGouvernement du Canada

Étude Reprieve

RÉFÉRENCE :

Zarinsefat A, Gulati A, Shui A, et al. Long-term outcomes following kidney and liver transplant in recipients with HIV. JAMA Surgery. 2022; sous presse.