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  • Une équipe infirmière a offert le dépistage et le traitement de l’hépatite C dans le même centre de traitement des dépendances
  • Grâce à ce service de santé « à guichet unique », 67 % des personnes admissibles au traitement en ont reçu un
  • À la fin de l’étude, 97 % des personnes traitées étaient guéries de l’hépatite C

Avant 2014, le traitement de l’infection chronique au virus de l’hépatite C (VHC) consistait en des injections quotidiennes d’interféron pendant de nombreux mois, parfois en association avec d’autres médicaments. L’interféron causait de nombreux effets secondaires, dont certains provoquaient beaucoup de détresse. De plus, les traitements à base d’interféron n’étaient pas très efficaces. Ainsi, ces trois facteurs — nécessité d’injections régulières, effets secondaires très désagréables et efficacité modeste — devenaient des obstacles au traitement.

En 2014, une nouvelle classe de médicaments oraux puissants a vu le jour et fut graduellement subventionnée au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. Il s’agissait des antiviraux à action directe (AAD). Ces derniers étaient conçus pour s’attaquer aux cellules infectées par le VIH. Lors des essais cliniques, les AAD ont guéri au moins 95 % des participant·e·s et se sont avérés beaucoup plus sécuritaires que l’interféron. Consciente de toutes ces qualités des AAD, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a encouragé tous les pays à travailler pour éliminer l’hépatite C comme menace pour la santé publique d’ici 2030.

Changement dans les lieux d’accès aux soins

Lorsque les AAD sont arrivés, un grand nombre de personnes atteintes du VHC attendaient un remède dans des cliniques et des hôpitaux majeurs. Comme ces personnes se savaient atteintes du VHC, elles ont reçu un traitement par AAD peu de temps après que l’accès à ceux-ci a été subventionné. Même si de nombreuses personnes ont guéri depuis ce temps-là, une proportion considérable de personnes atteintes du VHC au Canada (et dans d’autres pays à revenu élevé) ignorent encore qu’elles sont infectées. Souvent, ces personnes font face à d’autres problèmes aussi, dont les suivants : périodes d’itinérance; maladies mentales non diagnostiquées, non traitées ou mal prises en charge; insécurité alimentaire; violence et troubles liés à l’usage de substances. Ces autres problèmes se disputent l’attention des personnes atteintes du VHC et rendent l’obtention de soins plus difficile pour elles.

Une équipe de recherche de Brighton, en Angleterre, a mis sur pied un projet ambitieux : un service de santé décentralisé dirigé par une équipe infirmière offrant des soins pour le VHC dans un centre d’aide aux personnes atteintes de troubles liés à l’usage de substances. Dans le domaine de la santé, il arrive que des projets qui ne reçoivent pas de fonds dédiés trouvent d’autres sources de financement lorsqu’ils sont dépeints comme des études devant les bailleur·euse·s de fonds. Ce projet britannique offrant des services liés au VHC a été dépeint de cette manière. Notons que le volet du projet centré sur la santé mentale recevait déjà un financement dédié.

L’équipe infirmière chargée de ce projet offrait les services de santé suivants :

  • dépistage de virus transmissibles par le sang comme le virus de l’hépatite B (VHB), le VHC et le VIH
  • traitement du VHC
  • échographie spécialisée du foie pour déterminer l’ampleur des lésions causées par le VHC
  • pairs mentors
  • soutien social et psychiatrique
  • distribution d’aiguilles et de seringues neuves
  • traitement de substitution aux opioïdes

Les personnes dont le test de dépistage révélait la présence d’anticorps contre le VHC se faisaient offrir un test de détection de l’ARN du VHC, afin de déterminer si leur infection était active ou pas.

D’autres tests, telle une gastroscopie, étaient offerts au besoin.

Les personnes atteintes d’infections comme le VHB ou le VIH étaient dirigées vers d’autres centres pour recevoir des soins.

L’infirmier ou l’infirmière responsable du projet avait une formation afin de pouvoir prodiguer des soins aux personnes atteintes du VHC et aux personnes éprouvant des problèmes de santé mentale.

Un ou une hépatologue visitait le centre une fois par mois pour conseiller l’équipe infirmière sur les soins nécessaires aux personnes présentant une insuffisance hépatique complexe.

Traitement du VHC

Toutes les personnes dont le test de détection de l’ARN du VHC se révélait positif étaient considérées comme admissibles au traitement, et ce, qu’elles aient encore des problèmes liés à l’usage de drogues ou d’alcool ou pas.

L’infirmier·ère responsable communiquait des données se rapportant à chaque personne admissible au traitement à une équipe multidisciplinaire afin qu’elle atteigne un consensus concernant la pertinence d’offrir un traitement.

Une fois prise la décision d’offrir un traitement contre le VHC, ce dernier était administré dans le centre du projet par un·e autre infirmier·ère. La prise des AAD était supervisée par l’équipe du centre en personne ou par téléphone, selon la situation.

Stratégies de soins

Au cours de l’étude, l’équipe de recherche a constaté que les personnes qui consultaient pour des soins avaient des besoins de plus en plus complexes. Pour faciliter l’accès de ces dernières aux soins, l’équipe a pris les mesures suivantes :

  • L’infirmier·ère responsable du projet offrait une formation au personnel se spécialisant dans les problèmes d’utilisation de substances, afin que chaque consultation dans le centre devienne une occasion de dépistage viral (si nécessaire).
  • Le centre a fait appel de plus en plus souvent à des pairs mentors et à des travailleuses et travailleurs sociaux·ales pour accompagner les patient·e·s lors des rendez-vous et pour réfuter la désinformation et la stigmatisation se rapportant au traitement par AAD.
  • Le centre offrait des coupons pour de la nourriture afin d’encourager le dépistage de virus transmissibles par le sang, l’amorce d’un traitement contre le VHC et l’assiduité aux rendez-vous.

Comme certaines personnes ne voulaient pas se rendre au centre, l’équipe infirmière offrait parfois un traitement complet au domicile des personnes réfractaires ou encore dans un refuge pour sans-abri. Dans ce dernier, des casiers étaient fournis pour entreposer les AAD. Si cela était nécessaire, le personnel du refuge ou des pairs mentors pouvaient superviser la prise des médicaments.

Détails de l’étude

L’équipe infirmière a recueilli des données se rapportant à la santé de 765 participant·e·s entre 2013 et 2021. Ces données ont subséquemment été analysées aux fins d’une sous-étude sur l’efficacité des traitements contre le VHC.

Les participant·e·s avaient le profil suivant lors de leur admission à l’étude :

  • âge : 18 à 40 ans
  • 78 % d’hommes, 22 % de femmes
  • 34 % utilisaient activement des drogues par injection, et 40 % par inhalation ou ingestion
  • 55 % étaient en situation d’itinérance
  • près de 60 % avaient fait l’objet d’un diagnostic de trouble de santé mentale
  • 58 % suivaient un traitement de substitution aux opioïdes
  • 41 % avaient subi une intoxication aux drogues contaminées
  • 98 % avaient partagé du matériel pour utiliser des drogues
  • 20 % avaient passé une échographie indiquant une cicatrisation étendue du foie (cirrhose)

Chez 413 de ces 765 participant·e·s, un test a révélé la présence du matériel génétique (ARN) du VHC, ce qui indiquait une infection active. De ces personnes, 405 étaient admissibles au traitement, et 67 % de celles-ci (272 personnes) en ont reçu un.

En ce qui concerne les personnes admissibles au traitement qui n’en ont pas reçu, les raisons les plus courantes étaient les suivantes :

  • elles ont choisi de se faire traiter dans un autre centre : 43 %
  • elles sont décédées avant que le traitement puisse commencer : 25 %
  • elles ont déménagé ou cessé de fréquenter le centre : 19 %

Efficacité du traitement

Dans l’ensemble, on a constaté un taux de guérison de 96 % chez les participant·e·s qui ont commencé un traitement contre le VHC et qui sont retourné·e·s au centre pour fournir un échantillon de sang à la fin du traitement. Les taux de guérison étaient plus élevés (97 %) près de la fin de l’étude. Cette augmentation s’est produite malgré le fait que les patient·e·s avaient davantage de priorités conflictuelles que les personnes qui avaient cherché des soins au début de l’étude en 2013.

Absence de guérison

Sur 39 personnes qui ont commencé un traitement contre le VHC, mais qui n’ont pas guéri, le virus avait acquis une résistance partielle ou complète au traitement chez 10 d’entre elles seulement. Les autres personnes n’ont pas guéri parce qu’elles n’ont pas pris suffisamment de doses d’AAD.

Sur les 39 personnes non guéries, 11 ont été traitées à nouveau et 10 d’entre elles ont guéri.

Réinfection

Sur toutes les personnes guéries, 146 ont passé subséquemment un autre test de dépistage du VHC. Ces tests ont révélé 11 cas de réinfection. Neuf des 11 personnes concernées étaient soit en couple soit des résidant·e·s du même refuge pour sans-abri. Toutes les personnes réinfectées étaient admissibles au traitement à nouveau.

Décès

Au cours de cette étude, sur les 745 personnes au sujet desquelles on disposait de données, 86 sont décédées (à peu près 12 %). L’équipe de recherche a réussi à déterminer la cause de décès dans certains de ces cas, comme suit (causes les plus fréquentes) :

  • intoxication aux drogues contaminées : 39 personnes
  • complications hépatiques : 8 personnes

Selon l’équipe de recherche, il est possible que l’isolement causé par la pandémie mondiale de COVID-19 ait contribué au décès de ces personnes.

À retenir

Malgré de nombreuses difficultés, dont une pandémie mondiale, ce service décentralisé offrant des soins intégrés dans un seul endroit a réussi à atteindre des taux élevés de dépistage d’infections virales et de guérison du VHC. Le modèle de soins établi par ce projet a été reconnu internationalement pour son travail auprès des patient·e·s et son succès contre le VHC.

Si l’on souhaite avancer vers l’élimination du VHC comme menace pour la santé publique d’ici 2030, il faudra que davantage de personnes à risque de VHC aient facilement accès au dépistage et au traitement. Elles auront également besoin de soutien pour maîtriser leurs maladies sous-jacentes, respecter leurs rendez-vous et naviguer les services de soins de santé.

Au-delà de la guérison de l’infection au VHC

Rappelons que 86 personnes sont décédées durant cette étude. Ces décès soulignent la nécessité de fournir une gamme de services répondant aux besoins de ces personnes dont la vie est complexe et pleine de priorités conflictuelles afin qu’il soit possible de sauver plus de vies. Les données du UK Office for National Statistics indiquent que le nombre de personnes décédées d’intoxications aux drogues contaminées augmente depuis une décennie en Angleterre et au pays de Galles. Une tendance semblable s’observe également au Canada et aux États-Unis. Cette crise mérite des actions et des investissements abondants si nous souhaitons améliorer l’espérance de vie des personnes atteintes du VHC et des personnes à risque de contracter l’hépatite C.

—Sean R. Hosein

Ressources

Deaths related to drug poisoning in England and Wales: 2022 registrationsOffice for National Statistics (Royaume-Uni, en anglais seulement)

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RÉFÉRENCE :

O’Sullivan M, Jones AM, Mourad A et al. Excellent hepatitis C virus cure rates despite increasing complexity of people who use drugs: Integrated-Test-stage Treat study final outcomes. Journal of Viral Hepatitis. 2024 Feb;31(2):66-77.