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CATIE
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  • Une équipe de recherche a analysé les données de plus de 500 000 personnes auxquelles une chirurgie avait été recommandée
  • Les personnes atteintes du VIH ou de l’hépatite C et les populations racisées étaient moins susceptibles d’être opérées 
  • L’équipe a recommandé plusieurs interventions pour améliorer l’accès aux chirurgies essentielles

Une équipe de recherche de l’Université Harvard et d’autres centres universitaires américains a analysé des données de santé recueillies auprès de plus de 500 000 personnes. L’équipe s’est concentrée sur les personnes auxquelles on avait recommandé une chirurgie d’urgence (pour régler un problème relativement courant), notamment pour déterminer si l’opération avait eu lieu ou non. L’équipe s’est surtout intéressée à la question de l’accès à la chirurgie chez les personnes atteintes d’infections virales chroniques comme le VIH ou l’hépatite C.

L’équipe de recherche a constaté que, comparativement aux personnes sans infections virales chroniques, les personnes atteintes du VIH ou d’hépatite C étaient moins susceptibles de subir plusieurs chirurgies d’urgence relativement courantes (voir les détails plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE). Elle a également trouvé que les personnes atteintes d’infections virales chroniques étaient plus susceptibles d’être noires ou hispaniques que les personnes sans infections virales. Par conséquent, les membres de ces groupes racisés étaient moins susceptibles de subir une chirurgie que les personnes blanches.

L’équipe de recherche a recommandé plusieurs interventions pour faciliter l’accès des populations racisées et des personnes atteintes d’infections virales chroniques aux chirurgies nécessaires à leur survie. Des études devront toutefois être menées pour déterminer si de telles interventions parviendront à assurer un accès plus équitable à la chirurgie.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a analysé des données de santé recueillies auprès de personnes hospitalisées entre 2016 et 2019. Les données en question provenaient du National Inpatient Sample (NIS) des États-Unis. Selon l’équipe de recherche, ce dernier est la plus importante base de données accessible au public se rapportant aux patient·e·s hospitalisé·e·s aux États-Unis. Le NIS contient un échantillon représentatif de patient·e·s, ainsi que des données sur environ 20 % des personnes opérées dans des hôpitaux communautaires.

À cause de l’éclosion de la COVID-19 en 2020, l’équipe de recherche n’a pas analysé de données recueillies depuis cette année-là parce que la pandémie aura sans doute eu une incidence sur les chirurgies effectuées.

L’équipe de recherche s’est concentrée sur sept interventions qui, selon elle, comptaient pour 80 % des chirurgies générales d’urgence, des complications et décès connexes et des coûts hospitaliers. Les sept interventions chirurgicales étaient les suivantes :

  • ablation partielle du côlon
  • ablation partielle de l’intestin grêle
  • ablation de la vésicule biliaire
  • chirurgie pour traiter un ulcère gastroduodénal
  • extraction de tissu cicatriciel à l’origine de problèmes intestinaux
  • ablation de l’appendice
  • ouverture de l’abdomen pour examiner des organes

Sur les 507 458 personnes dont les données ont été analysées, 2 094 avaient le VIH et 7 227 avaient l’hépatite C.

Selon l’équipe de recherche, les personnes séropositives étaient plus susceptibles que les personnes séronégatives de présenter les caractéristiques suivantes :

  • âge plus jeune (51 ans contre 59 ans)
  • sexe masculin (56 % contre 32 %)
  • personnes noires (44 % contre 12 %) ou hispaniques (17 % contre 15 %)
  • faible revenu

Les personnes séropositives figurant dans cette étude vivaient principalement dans le Nord-Est et le Sud des États-Unis.

Les personnes atteintes d’hépatite C étaient plus susceptibles que les personnes non atteintes de présenter les caractéristiques suivantes :

  • âge plus jeune (56 ans contre 59 ans)
  • sexe masculin (56 % contre 39 %)  
  • personnes noires (21 % contre 12 %)
  • faible revenu
  • insuffisance hépatique (en plus de l’infection au VHC)

Les personnes atteintes d’hépatite C figurant dans cette étude vivaient principalement dans l’Ouest et le Sud des États-Unis.

Résultats

L’équipe de recherche a constaté que les personnes atteintes d’infections virales chroniques étaient moins susceptibles de subir une chirurgie essentielle que les personnes sans infections virales chroniques. Dans le cas du VIH spécifiquement, 43 % des personnes séropositives ont subi une chirurgie, comparativement à 48 % des personnes séronégatives.

Parmi les personnes atteintes d’hépatite C, 34 % ont subi une des chirurgies figurant dans la liste ci-dessus, comparativement à 48 % des personnes n’ayant pas l’hépatite C.

Ces différences d’accès à la chirurgie se maintenaient même lorsque l’équipe de recherche a pris en considération des facteurs personnels comme l’âge, la région de résidence, le genre et les autres problèmes de santé préexistants. Les différences persistaient encore lorsque l’équipe a tenu compte des caractéristiques particulières des hôpitaux.

De façon générale, dans cette étude, les personnes de couleur étaient plus susceptibles d’avoir le VIH ou l’hépatite C que les personnes blanches. Chose peu surprenante, l’équipe de recherche a constaté que les personnes atteintes du VIH ou d’hépatite C qui étaient noires ou hispaniques ou qui avaient un très faible revenu (personnes sous Medicaid) étaient moins susceptibles de subir une chirurgie essentielle que les personnes blanches ou celles disposant d’une assurance-maladie de meilleure qualité. Selon l’équipe, ce résultat fait écho à d’autres études où l’on avait découvert une disparité entre les soins chirurgicaux prodigués aux personnes blanches et aux personnes de couleur aux États-Unis.

Selon l’équipe de recherche, des études antérieures avaient révélé que les personnes séropositives étaient moins susceptibles de subir une chirurgie aux États-Unis, et ce, même si des interventions étaient recommandées pour les problèmes suivants :

  • crise cardiaque
  • chirurgie générale d’urgence
  • chirurgie de la colonne vertébrale

Pourquoi ces différences d’accès à la chirurgie?

L’équipe de recherche a envisagé plusieurs explications des disparités de l’accès à la chirurgie constatées dans la présente étude. L’équipe a toutefois écarté certaines possibilités (comme la présence d’une maladie plus grave chez les personnes atteintes d’infections virales chroniques ou le fait de chercher des soins tard dans le cours d’une maladie), en affirmant que celles-ci « ne pouvaient vraisemblablement expliquer complètement nos résultats ».

L’équipe de recherche se doutait que des enjeux comme la stigmatisation et la discrimination influaient de manière pertinente sur ses résultats. Selon l’équipe, « il est possible que la stigmatisation englobe des caractéristiques sociales des patient·e·s qui ne sont pas reflétées intégralement dans nos données, telles que l’emploi, le niveau de scolarité, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ».

Toujours selon l’équipe de recherche, « en raison des facteurs structuraux qui prédisposent certaines personnes à contracter le VIH ou l’hépatite C, les personnes vivant [avec ces maladies] sont plus susceptibles d’incarner de multiples identités marginalisées. S’il arrivait à des professionnel·le·s de la santé d’interpréter l’infection au VIH et/ou au VHC comme un marqueur de ces identités, la discrimination fondée sur ces caractéristiques sociales pourrait expliquer [les disparités] constatées dans notre étude ».

L’équipe de recherche a proposé une autre explication aussi, à savoir la possibilité que certaines équipes chirurgicales soient coupables de stigmatisation parce qu’elles « craignent l’exposition professionnelle au VIH ou au VHC ». Selon l’équipe, ce genre de stigmatisation peut inciter « certain·e·s chirurgien·ne·s et/ou anesthésiologistes à recommander moins fréquemment [la chirurgie] », et ce, même si les patient·e·s sont dirigé·e·s par les médecins d’un service des urgences.

Améliorer l’accès aux chirurgies essentielles

Comme l’équipe de recherche l’a mentionné, les personnes atteintes d’infections virales chroniques ont souvent des identités multiples qui les exposent à la marginalisation dans la société plus large. L’équipe de recherche a recommandé les mesures suivantes pour contrer « le racisme et la discrimination fondée sur la catégorie d’assurance-maladie » :

  • surveiller les données pour révéler qui a accès aux soins chirurgicaux et qui ne l’a pas
  • reconfigurer le système d’assurance-maladie pour assurer un remboursement équitable
  • assurer plus de transparence dans les systèmes de santé et une meilleure reddition de comptes aux organismes communautaires
  • intensifier les efforts pour démanteler le racisme structurel

En plus des mesures ci-dessus, l’équipe de recherche a suggéré que les professionnel·le·s de la santé soient formé·e·s sur ce qui suit : « les faibles taux de transmission professionnelle du VIH et du VHC, les précautions universelles et l’accessibilité rapide de la prophylaxie post-exposition au VIH ». Comme l’a souligné l’équipe, l’éducation à ce sujet « pourrait réduire la stigmatisation et la discrimination perpétrées par des professionnel·le·s de la santé ».

Cette équipe de recherche souhaite la tenue d’études pour mettre à l’épreuve ces stratégies et d’autres afin d’améliorer l’accès aux soins de santé salvateurs des personnes atteintes d’infections virales chroniques, dont grand nombre appartiennent à des populations de minorités visibles.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Himmelstein KEW, Afif IN, Beard JH et al. HIV and hepatitis C virus-related disparities in undergoing emergency general surgical procedures in the United States, 2016-2019. Annals of Surgery. 2023; sous presse.
  2. Resneck JS Jr. Medicare Physician Payment in Need of Major Repair. JAMA. 2023; sous presse.