L’ACE2 et la santé des organes majeurs

La COVID-19 est causée par un virus appelé SRAS-CoV-2. Ce virus se sert d’un récepteur présent à la surface des cellules pour entrer dans celles-ci et les infecter. Ce récepteur s’appelle l’ACE2. Une fois rendu à intérieur de la cellule cible, le SRAS-CoV-2 interagit avec des enzymes cellulaires afin de causer l’infection.

Répartition de l’ACE2

En 2003-2004, des chercheurs ont essayé de comprendre comment un virus apparenté, soit le SRAS-CoV (cause du syndrome respiratoire aigu sévère), réussissait à entrer dans les cellules. Ils ont trouvé que le SRAS-CoV se servait lui aussi de l’ACE2.

L’ACE2 se trouve à la surface de nombreuses sortes de cellules dans différentes parties de l’organisme, y compris les parties suivantes que nous avons regroupées parce qu’elles accomplissent des fonctions apparentées :

  • bouche, nez, gorge et poumons
  • estomac et tissus intestinaux, y compris le côlon
  • moelle osseuse, ganglions lymphatiques, rate et thymus
  • foie
  • cerveau
  • cellules tapissant les parois des artères, cœur
  • testicules

Même si l’ACE2 se trouve à la surface de nombreuses cellules de l’organisme, la recherche a permis de constater des taux particulièrement élevés d’ACE2 sur les tissus du système cardiovasculaire, des intestins et des reins. En théorie, ces taux élevés d’ACE2 rendent ces tissus plus vulnérables à l’infection et aux dommages causés par le SRAS-CoV-2.

En maladie ou en santé

Le rôle normal de l’ACE2 consiste à convertir l’hormone angiotensine II en angiotensine. Cette conversion de l’angiotensine II aide à réduire le resserrement des vaisseaux sanguins et incite les reins à extraire du sodium du sang afin de réduire la tension artérielle. L’ACE2 joue donc un rôle protecteur pour le système cardiovasculaire et les reins. L’ACE2 possède d’autres qualités protectrices aussi, notamment ses effets anti-inflammatoires et, vraisemblablement, la capacité de réduire le risque de caillots sanguins excessifs.

Retour au virus

Une fois que le SRAS-CoV-2 a infecté une cellule, il réussit d’une manière ou d’une autre à inciter la cellule à réduire l’expression de l’ACE2 à sa surface. Si de nombreuses cellules dans un système organique sont infectées et réduisent ainsi leur expression de l’ACE2, il s’ensuit que les taux d’ACE2 seront insuffisants pour protéger les cellules contre les lésions dues à l’inflammation.

En ce qui concerne l’infection des tissus pulmonaires par le SRAS-CoV-2, les chercheurs estiment que la réduction subséquente de l’expression de l’ACE2 pourrait accroître le risque de lésions pulmonaires causées par l’infection par ce virus et/ou des bactéries.

Le cœur et les vaisseaux sanguins

Le SRAS-CoV-2 peut infecter le cœur et les cellules présentes dans le revêtement des vaisseaux sanguins. Les personnes éprouvant des symptômes graves de la COVID-19 ont des taux élevés de protéines dans le sang, ce qui laisse soupçonner des lésions au cœur (nous parlons davantage de ces protéines dans une autre section de ce numéro de TraitementActualités). Au minimum, il est plausible que la perte d’ACE2 causée par l’infection du cœur et des vaisseaux sanguins par le SRAS-CoV-2 contribue aux lésions cardiaques – arythmies, insuffisances et autres – observées chez certaines personnes souffrant de symptômes graves de la COVID-19. Les médecins ont en effet constaté que les personnes présentant des lésions cardiovasculaires sous-jacentes semblaient être plus à risque d’éprouver de graves problèmes liés à la COVID-19.

Théories à l’égard de l’ACE2

Il existe plusieurs théories au sujet de l’ACE2 et de son rôle éventuel dans la COVID-19. Ces théories sont largement fondées sur les données recueillies lors d’expériences antérieures sur des cellules et des animaux et non pas sur des recherches effectuées dans le contexte de la pandémie actuelle.

Gènes

L’expression de l’ACE2 ne se fait pas de façon égale dans l’organisme de tout le monde. Les chercheurs ont constaté des différences en ce qui concerne l’expression de l’ACE2 et le risque de maladies cardiovasculaires chez différentes populations. Il est possible que ce risque soit lié à des différences génétiques entre les groupes de personnes. Il se peut qu’une différence d’ordre génétique dans l’expression de l’ACE2 explique en partie pourquoi certaines personnes sont plus vulnérables aux lésions organiques causées par la COVID-19.

Sexe

Les femmes ont deux chromosomes X (on écrit XX), alors que les hommes ont un chromosome X et un chromosome Y (on écrit XY). Le gène ACE2 est associé au chromosome X. Puisque les cellules des femmes ont deux copies de ce chromosome, il se peut qu’elles aient des taux plus élevés d’ACE2 que les hommes. Cette différence pourrait expliquer partiellement pourquoi certains rapports laissent croire que les hommes sont touchés de façon plus significative par les cas graves de COVID-19 que les femmes. Il faut toutefois que cette idée soit explorée en profondeur dans le cadre d’analyses bien conçues.

Traitement de l’hypertension

De nombreux médicaments utilisés pour le traitement de l’hypertension et des maladies cardiovasculaires augmentent les taux d’ACE2 sur la surface des cellules. En théorie, cela pourrait donner au SRAS-CoV-2 l’occasion d’infecter davantage de cellules de ce genre. Cependant, selon un consensus parmi les spécialistes chevronnés des maladies cardiovasculaires et rénales et leurs associations professionnelles, les bienfaits de ces médicaments pour la santé générale de la personne l’emportent sur toute préoccupation théorique concernant l’accélération éventuelle de l’infection au SRAS-CoV-2.

Des essais cliniques bien conçus seront nécessaires pour explorer la question des médicaments hypotenseurs et la COVID-19. De tels essais sont prévus ou en cours pour mettre à l’épreuve les interventions suivantes :

  • un médicament appelé losartan qui a été utilisé pour traiter l’hypertension
  • perfusions intraveineuses de l’ACE2

—Sean R. Hosein

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