Découvrir le VIH en recherchant les affections indicatrices

Au Canada et dans certains autres pays à revenu élevé, les chercheurs estiment qu’une forte proportion des personnes vivant avec le VIH ignorent qu’elles sont infectées. Selon l’Agence de la santé publique du Canada, ce pourcentage se chiffrerait à 25 % dans ce pays. Les chercheurs des Pays-Bas ont établi une estimation semblable pour leur pays.

Cette ignorance répandue de son statut VIH entraîne au moins les deux problèmes suivants :

  • Les gens risquent de ne pas prendre de mesures pour prévenir la propagation du VIH.
  • Le système immunitaire se dégrade sans traitement. Cela peut entraîner l’apparition de maladies graves, y compris les infections et les cancers liés au sida qui peuvent affaiblir énormément une personne et, dans certains cas, causer la mort.

Les recherches menées auprès de personnes diagnostiquées lors d’un stade avancé de l’infection au VIH ont révélé que des occasions de dépistage du VIH avaient été manquées pendant plusieurs années avant que le diagnostic de VIH soit posé. Entre autres, ces personnes avaient consulté un médecin dans un cabinet de médecine familiale, une clinique communautaire ou le service des urgences d’un hôpital. On n’avait discuté ni offert aucun dépistage du VIH lors des consultations en question.

Si l’on souhaite progresser en découvrant les infections au VIH non diagnostiquées, on devra multiplier les occasions de dépistage du VIH.

Affections indicatrices

Dans les pays à revenu élevé, les gens cherchent généralement des soins pour les affections potentiellement mortelles auprès des médecins et des infirmiers se spécialisant dans les soins primaires ou la médecine familiale. Au cours des années précoces de l’infection au VIH non diagnostiquée, les personnes atteintes peuvent présenter des affections qui sont généralement sans danger pour la survie mais qui sont fréquemment associées à la présence sous-jacente de l’infection au VIH. On appelle les infections et les complications en question des maladies ou des affections indicatrices (nous en dressons une liste plus loin dans ce rapport).

Amsterdam

Des chercheurs d’Amsterdam ont étudié des personnes dont l’infection au VIH n’avait pas été diagnostiquée pendant une certaine période. Par conséquent, lorsque ces personnes ont reçu leur diagnostic de séropositivité, certains chercheurs dans cette ville avaient accès à des dossiers médicaux et à des bases de données qui contenaient des informations relatives à la santé des patients recueillies sur une période de plusieurs années. Les chercheurs étaient donc en mesure d’examiner les antécédents médicaux des patients avant que ces derniers aient appris qu’ils avaient le VIH. En examinant ces antécédents médicaux, les chercheurs ont découvert que les personnes diagnostiquées lors d’un stade tardif de l’infection au VIH étaient beaucoup plus susceptibles de présenter une affection indicatrice que les personnes de la même communauté qui sont demeurées séronégatives au cours de la même période.

Cette étude néerlandaise a révélé qu’il existe probablement dans les cliniques de soins primaires des occasions pour les médecins et les infirmiers de découvrir les cas de VIH non diagnostiqués grâce à l’offre d’un dépistage et d’un counseling.

Détails de l’étude

Des chercheurs d’Amsterdam ont extrait des informations relatives à la santé des bases de données médicales de cette ville. Ils se sont concentrés sur les adultes et ont utilisé les données portant sur 102 personnes séropositives et 299 personnes séronégatives (ces dernières ont servi de groupe témoin ou de comparaison).

Les chercheurs ont examiné les dossiers médicaux à la recherche des affections indicatrices suivantes :

Infections transmissibles sexuellement générales

  • chlamydia
  • gonorrhée
  • syphilis
  • hépatite B
  • herpès génital
  • LGV (lymphogranulomatose vénérienne)
  • verrues génitales
  • trichomonase (causée par un parasite)

Autres infections ou complications

  • infection aiguë à l’hépatite A ou C
  • zona
  • variétés graves ou inhabituelles de psoriasis
  • dermatite séborrhéique
  • excroissances anormales sur le col utérin
  • pneumonie acquise dans la collectivité
  • infections buccales à levures
  • lésions nerveuses pouvant causer de la faiblesse, des sensations intermittentes, de l’engourdissement ou des picotements
  • symptômes d’une maladie ressemblant à la mononucléose (indice possible d’une infection virale) incluant au moins deux des symptômes suivants : éruption cutanée, fièvre, enflure des ganglions lymphatiques, avec ou sans douleur musculaire, mal de gorge ou malaise général
  • fièvre
  • perte de poids involontaire
  • enflure persistante des ganglions lymphatiques

Tests sanguins

  • baisse persistante des taux de globules blancs
  • taux de plaquettes inférieur à la normale
  • dysfonction ou lésions rénales chroniques

Résultats : consultations auprès d’un médecin de famille

Au cours de l’année précédant le diagnostic de VIH, la majorité des personnes (62 %) avait consulté un médecin de famille trois fois en moyenne.  Parmi les personnes dont le dépistage du VIH s’est avéré négatif, 39 % avaient consulté leur médecin à trois reprises au cours de la même période.

Lors des consultations en question, les personnes dont le dépistage subséquent du VIH s’est révélé positif étaient plus susceptibles d’avoir passé des tests sanguins de laboratoire (39 %), comparativement aux personnes séronégatives (19 %).

Affections indicatrices avant le diagnostic de VIH

Cinq ans avant le diagnostic de VIH, les chercheurs ont constaté que près de 60 % des personnes avaient reçu un diagnostic d’une affection indicatrice ou de plusieurs, comparativement à seulement 7 % des personnes séronégatives.

Au cours de cette période de cinq ans, les affections indicatrices courantes parmi ces personnes incluaient les suivantes :

  • syphilis
  • chlamydia
  • pneumonie
  • maladie ressemblant à la mononucléose
  • zona

Au cours de la même période, les médecins ont signalé les symptômes courants liés au VIH suivants :

  • perte de poids involontaire
  • enflure persistante des ganglions lymphatiques

Compte tenu de plusieurs facteurs, les affections indicatrices les plus fortement liées à un diagnostic subséquent de VIH étaient les suivantes :

  • perte de poids involontaire
  • enflure persistante des ganglions lymphatiques
  • syphilis
  • gonorrhée
  • lésions nerveuses

Résultats clés

Un an avant leur diagnostic de VIH, la plupart des patients séropositifs figurant dans cette étude avaient consulté un médecin, mais aucun dépistage du VIH n’avait été discuté lors du rendez-vous en question.

Cinq ans avant leur diagnostic de VIH, plus de la moitié des patients figurant dans cette étude avaient présenté une affection qui laissait soupçonner soit une infection au VIH sous-jacente, soit un risque élevé de contracter le VIH.

Points à retenir

Il y a plusieurs années, des chercheurs danois ont mené une étude d’envergure auprès de 2 000 personnes qui ont subséquemment reçu un diagnostic de VIH et de 35 000 personnes qui n’avaient pas cette infection. Cette équipe danoise avait obtenu des résultats comparables à ceux de l’étude néerlandaise. De plus, les Danois ont signalé l’usage d’opioïdes et/ou le diagnostic d’une dépendance comme des affections devant inciter les médecins et les infirmiers à proposer un dépistage du VIH.

Les résultats de ces deux études soulignent l’importance d’offrir un dépistage du VIH aux patients atteints d’affections indicatrices qui recherchent des soins.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Joore IK, Arts DL, Kruijer MJ, et al. HIV indicator-condition-guided testing to reduce the number of undiagnosed patients and prevent late presentation in a high-prevalence area: a case-control study in primary care. Sexually Transmitted Infections. 2015; in press.
  2. Lohse N, Gerstoft J, Kronborg G, et al. Morbidity and risk of subsequent diagnosis of HIV: a population-based case control study identifying indicator diseases for HIV infection. PLoS One. 2012;7(3):e32538.