- Une étude ontarienne a examiné les différences entre les femmes et les hommes cisgenres en matière d’autodépistage du VIH
- Les taux de séropositivité étaient semblables, mais les femmes cis étaient moins enclines à déclarer leurs résultats
- Les femmes cis disaient se faire tester moins souvent pour le VIH que pour d’autres ITS
Le dépistage du VIH contribue de façon importante à l’amélioration de la santé. Une personne qui reçoit un résultat positif peut être dirigée vers des soins et un traitement. De nos jours, les traitements contre le VIH sont très efficaces et sûrs, et il peut s’agir simplement de prendre un seul comprimé par jour ou encore de se faire injecter tous les deux mois.
Si une personne reçoit un résultat négatif au test de dépistage du VIH, elle peut discuter de ses options pour rester séronégative avec un·e prestataire de soins de santé, telle la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Celle-ci consiste généralement en la prise quotidienne d’un comprimé ou en une injection effectuée tous les deux mois.
L’autodépistage pourrait être un moyen d’encourager davantage de femmes cisgenres à obtenir des soins, que ce soit pour faire traiter le VIH ou faciliter l’accès à la PrEP.
Étude GetaKit
Une équipe de recherche de l’Université d’Ottawa a mené une étude appelée « GetaKit ». Dans celle-ci, les participant·e·s avaient la possibilité d’obtenir gratuitement des trousses d’autotest du VIH. La promotion de l’étude s’est faite sur les médias sociaux et Internet, ainsi que dans le cadre d’évènements communautaires et par le biais d’affiches placées dans des organismes locaux de services centrés sur le VIH.
Les participant·e·s étaient des adultes qui rendaient visite au site Web de l’étude pour examiner et signer électroniquement un formulaire de consentement et s’inscrire en fournissant leurs coordonnées à l’équipe. Après avoir rempli un questionnaire sur leur risque de VIH, les participant·e·s à risque pouvaient obtenir une trousse d’autotest gratuite par courrier ou en se rendant dans un des organismes de services VIH, des pharmacies ou des cliniques de santé sexuelle partenaires. Pour effectuer l’autotest, il fallait faire une piqûre du doigt pour obtenir du sang. L’équipe de recherche fournissait la trousse INSTI fabriquée par la compagnie BioLytical.
L’équipe de recherche demandait à l’équipe d’infirmier·ère·s autorisé·e·s affiliée à l’étude de communiquer avec les participant·e·s ayant signalé un résultat positif au test de VIH. Le personnel infirmier dirigeait ces personnes vers des services de dépistage de confirmation, ainsi que vers un soutien psychosocial.
Détails de l’étude
L’équipe de recherche a analysé des données recueillies entre avril 2021 et mai 2023. Durant cette période, l’équipe a reçu des demandes de trousses d’autotest des populations suivantes :
- hommes cisgenres : 3 934
- femmes cisgenres : 1 277
- personnes non binaires : 379
- personnes transgenres : 145
Dans cet article, nous nous intéressons particulièrement aux femmes cisgenres.
Les femmes cis qui se procuraient des trousses d’autotest avaient le profil moyen suivant :
- résidantes de l’Ontario : 94 %
- principale orientation sexuelle : hétérosexuelle – 71 %; 2ELGBTQIA+ – 24 %
- principaux groupes ethnoraciaux : Blanc·he·s – 41 %; Africain·e·s, Caraïbéen·ne·s ou Noir·e·s – 29 %; Asiatiques de l’Est ou du Sud-Est – 14 %; Arabes/Asiatiques de l’Ouest – 6 %; Hispaniques – 4 %; Autochtones – 3 %; Asiatiques du Sud – 3 %
- travailleur·e·s du sexe – 8 %
- utilisateur·trice·s de drogues injectables : 9 %
- aucun test de dépistage du VIH antérieur : 40 %
- diagnostic antérieur d’infections transmissibles sexuellement (ITS) : 28 %
- ITS courantes diagnostiquées antérieurement : chlamydiose (infection à Chlamydia) – 81 %; gonorrhée – 17 %
Résultats
Sur 1 277 femmes cis, 736 (58 %) ont inscrit les résultats de leur autotest dans le site Web « Getakit ». Cette proportion est plus faible que ce que l’équipe de recherche a constaté chez les hommes cis (70 %). Cependant, la différence entre les taux de résultats positifs — 0,2 % chez les femmes cis et 0,3 % chez les hommes cis — n’était pas significative du point de vue statistique.
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, toutes les personnes qui ont déclaré un résultat positif au test ont été dirigées vers un test de confirmation et des soins prodigués par des infirmier·ère·s affilié·e·s à l’étude.
À retenir
Quarante pour cent (40 %) des femmes cis inscrites à cette étude ne s’étaient jamais fait tester pour le VIH auparavant. Parmi celles qui avaient déjà passé un test de VIH, ce dernier avait eu lieu il y a relativement longtemps.
L’équipe de recherche a constaté que le résultat obtenu en matière de dépistage du VIH n’était pas le même que pour le dépistage d’ITS, « ce qui laisse croire que le manque d’accès au dépistage ne concerne réellement que le VIH. Il semble bien que les femmes cisgenres aient recours aux services de santé sexuelle, mais ne passent pas ou sont incapables de passer un test de dépistage du VIH de laboratoire, et ce, pour plusieurs raisons intersectionnelles, dont les suivantes : stigmatisation, obstacles culturels, situation géographique, faible risque perçu de VIH, manque de connaissances en matière de VIH, accès limité aux soins de santé, craintes à l’égard du dévoilement, expériences de violence ».
Selon l’équipe de recherche, « s’assurer que les femmes [cisgenres] ont accès au dépistage doit être une priorité ». Elle a ajouté que la facilitation de l’accès au dépistage est un moyen simple d’aider le Canada à atteindre les cibles fixées par l’OMS/ONUSIDA pour 2025, à savoir :
- 95 % des personnes atteintes du VIH connaissent leur statut
- 95 % des personnes recevant un test positif se font offrir et suivent un traitement contre le VIH (TAR)
- 95 % des personnes sous TAR ont une charge virale indétectable
On appelle collectivement ces trois cibles 95-95-95.
Lorsqu’il est utilisé comme il se doit, le TAR réduit la quantité de VIH (charge virale) dans le sang de la personne traitée. Des études ont révélé que, toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes ayant une charge virale indétectable peuvent vivre en bonne santé et connaître une espérance de vie quasi normale. De plus, des essais cliniques bien conçus ont révélé que les personnes ayant une charge virale indétectable ne transmettent pas le VIH à leurs partenaires sexuel·le·s, d’où l’importance d’atteindre les cibles 95-95-95 (ou mieux).
L’équipe de recherche a souligné que le dépistage était important pour assurer l’obtention de soins et d’un traitement pour les personnes séropositives, ainsi que pour faciliter l’accès aux services de prévention du VIH pour les personnes séronégatives. Ces services peuvent inclure le counseling sur les risques de VIH, l’accès au dépistage à l’avenir et l’option de suivre une PrEP contre le VIH.
Cette étude a également révélé que les méthodes d’évaluation des risques en ligne et les sites Web étaient un moyen utile d’« accroître le recours au dépistage du VIH de façon appropriée chez les femmes [cisgenres] ». Selon l’équipe de recherche, les portails en ligne qui facilitent l’évaluation des risques et l’obtention de trousses d’autotest du VIH pourraient être des outils importants « dans nos efforts collectifs pour atteindre les cibles 95-95-95 de l’ONUSIDA ».
Bien que la présente analyse ait porté spécifiquement sur des femmes cis, l’équipe de recherche souhaite que des analyses de données futures soient effectuées auprès de femmes transgenres et de personnes non binaires. De cette manière, on pourra répondre aux besoins de ces populations en matière de santé sexuelle.
—Sean R. Hosein
Ressources
Cibles 2025 en matière de sida – ONUSIDA (en anglais seulement)
Autotest du VIH – feuillet d’information
Quels sont les défis et les circonstances opportunes associés à la mise en œuvre de l'autodépistage du VIH au Canada? – Point de mire sur la prévention
Les technologies de dépistage du VIH – feuillet d’information
RÉFÉRENCE :
Orser L, Musten A, Newman H et al. HIV self-testing in cis women in Canada: The GetaKit study. Women’s Health. 2025 Jan-Dec; 21:17455057251322810.