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Même si les rapports sexuels vaginaux sans condom sont une activité à risque élevé quant à la transmission du VIH, la majorité des expositions au virus ne causent pas en fait l’infection. Cela est sans doute attribuable au système de défense inné de l’appareil génital féminin (également appelé tractus génital féminin), qui aide à lutter contre l’infection par le VIH. Il n’empêche que l’appareil génital féminin demeure vulnérable au VIH, et la recherche porte à croire que les femmes sont plus à risque de contracter l’infection que les hommes lors des rapports sexuels pénis-vagin.
Cet article parle des vulnérabilités biologiques particulières de l’appareil génital féminin face au VIH et de son système de défense contre ce dernier. Il revoit également les approches de prévention du VIH à la disposition des femmes et adresse des messages clés aux fournisseurs de services travaillant auprès des femmes à risque.
Remarque : Cet article parle de la transmission du VIH en fonction de son rapport avec la biologie de l’appareil génital féminin; cette information peut s’appliquer autant aux femmes cisgenres (non trans) qu’aux hommes trans.
À l’échelle mondiale, les femmes et les filles se font infecter le plus souvent par le VIH lors des rapports sexuels avec des hommes. En 2014 au Canada, 79 % des nouvelles infections par le VIH au sein de cette population ont été attribuées aux rapports hétérosexuels.1 Il importe toutefois de souligner que toutes les expositions au VIH ne causent pas nécessairement l’infection.2 En moyenne, le risque d’infection par le VIH chez les femmes est d’environ 1 sur 1 200 pour les expositions au virus survenant lors des rapports sexuels vaginaux.3 L’appareil génital féminin est muni d’un système de défense inné qui peut piéger, désactiver ou lutter contre le VIH avant qu’il cause l’infection, de sorte que la plupart des expositions ne causent pas l’infection.
Pour que la transmission sexuelle du VIH ait lieu, il faut qu’il se produise une exposition au virus comportant un risque de transmission. Trois éléments sont nécessaires à la transmission sexuelle du VIH : un liquide, une voie et une activité. En premier lieu, il faut qu’un liquide corporel provenant d’une personne ayant le VIH soit présent et qu’il contienne suffisamment de VIH pour causer l’infection. Ensuite, le liquide a besoin d’une voie d’entrée dans le corps de la personne séronégative. Enfin, il faut qu’une activité ait lieu pour mettre en contact le liquide et la voie de transmission. Voici un exemple : le sexe vaginal est une activité qui peut mettre en contact un liquide provenant d’une personne séropositive – tel que le sperme ou le liquide prééjaculatoire – et le revêtement de l’appareil génital féminin, dont le VIH se sert comme voie pour causer l’infection.
L’appareil génital féminin inclut la vulve, le vagin, le col utérin, l’utérus, les trompes de Fallope et les ovaires. Dans cet article, le terme « appareil génital féminin » désigne principalement le vagin et le col utérin (y compris l’exocol, soit la partie que l’on peut toucher et voir à travers le vagin, et l’endocol, une espèce de canal formant la partie interne du col et s'ouvrant dans l'utérus). La recherche nous dit que ces derniers sont les principales parties de l’appareil génital féminin ciblées par le VIH afin qu’il puisse entrer dans le corps et causer l’infection. L’appareil génital féminin est tapissé de muqueuses humides composées de cellules épithéliales qui sont étroitement liées les unes aux autres afin de créer une barrière partiellement protectrice contre le VIH. On appelle celle-ci la couche de cellules épithéliales.
Après que le vagin ou le col utérin d’une personne séronégative a été exposé à un liquide contenant du VIH, le virus doit franchir deux étapes importantes afin de causer l’infection :
L’appareil génital féminin est muni de plusieurs mécanismes de défense biologiques qui l’aident à se protéger naturellement contre l’infection par le VIH : les muqueuses, les couches de cellules épithéliales, les cellules immunitaires et les bactéries. Même si tous ces mécanismes de défense biologiques aident à protéger le corps contre l’infection permanente par le VIH, ils ne réussissent pas toujours à le faire.
Les muqueuses (ou membranes muqueuses) qui tapissent l’appareil génital féminin constituent une ligne de défense naturelle importante contre le VIH et d’autres microbes.2,4 La couche de mucus produite par le vagin et le col utérin agit comme une barrière physique naturelle qui peut piéger le VIH et l’empêcher de traverser la couche de cellules épithéliales et d’atteindre les cellules en dessous.4,5 De plus, le mucus lubrifie le revêtement cellulaire et protège ainsi la couche de cellules épithéliales contre les dommages causés potentiellement par la friction générée lors de l’acte sexuel. Cela est important parce que le VIH peut exploiter les petites déchirures ou d’autres dommages afin de traverser plus facilement la couche cellulaire.6
En dessous du mucus, les cellules épithéliales du vagin et de l’exocol, qui composent la majorité de la superficie de l’appareil génital féminin, ont une épaisseur de plusieurs couches. Cela crée une barrière plus épaisse et offre une protection plus importante contre le VIH que celle fournie par le revêtement du rectum, qui ne compte qu’une seule couche de cellules.
L’appareil génital féminin est doté d’un système immunitaire local complexe qui peut aider à combattre le VIH et à l’éliminer du corps. Ce système inclut des anticorps et des cellules immunitaires dans le mucus vaginal, ainsi qu’un revêtement épithélial qui est capable d’attaquer et de désactiver le VIH.
Enfin, le vagin est colonisé par des bactéries qui jouent un rôle protecteur contre l’infection par le VIH. Ces bactéries « amicales » dans le vagin produisent de l’acide lactique, qui contribue à maintenir un faible taux de pH (milieu acide) dans le revêtement vaginal, ce qui peut aider à attraper et à désactiver le VIH, selon la recherche.7
Malheureusement, nous savons que le VIH réussit parfois à surmonter les mécanismes de défense de l’appareil génital féminin. En moyenne, il semblerait que le risque de transmission du VIH lors des rapports sexuels vaginaux soit près de deux fois plus élevé pour les femmes que pour les hommes.3 Il existe plusieurs facteurs biologiques inhérents qui pourraient expliquer la vulnérabilité accrue de l’appareil génital féminin à l’infection par le VIH, y compris des caractéristiques physiques et le système immunitaire.
Notons d’abord que le vagin et l’exocol ont une superficie beaucoup plus grande que celle du prépuce et de l’urètre, soit les parties de l’appareil génital masculin où la transmission du VIH peut avoir lieu. Lorsque la superficie est plus grande, le VIH a plus de chances de trouver un moyen de traverser la couche de cellules épithéliales et de causer l’infection.6,8
De plus, il est possible que l’appareil génital féminin soit exposé à une plus grande quantité de liquide contenant du VIH que le pénis. Ce liquide (sperme) peut rester longtemps en contact avec l’appareil génital féminin après l’éjaculation. Le contact prolongé avec cette plus grande quantité de liquide infecté par le VIH donne au virus plus de chances de traverser la couche de cellules épithéliales du vagin ou du col et de causer l’infection.
Enfin, même si le système immunitaire est conçu pour protéger le corps contre les infections, les cellules immunitaires situées dans l’appareil génital féminin contribuent aussi à accroître la vulnérabilité à l’infection par le VIH parce que le virus cible des cellules immunitaires présentes dans la muqueuse et le revêtement épithélial du vagin.8,9
L’appareil génital féminin est un environnement dynamique qui peut être modifié par des facteurs internes et externes qui provoquent des changements biologiques susceptibles d’augmenter ou de réduire la vulnérabilité des femmes à l’infection par le VIH.
La présence d’inflammation dans la muqueuse de l’appareil génital féminin peut accroître le risque d’infection par le VIH.10 L’inflammation est la réponse naturelle du système immunitaire à une présence nuisible dans le corps, telle que des dommages tissulaires ou des bactéries « non amicales » (nuisibles). La réponse inflammatoire dirige des cellules immunitaires vers la région touchée et les active afin qu’elles aident à réparer les tissus endommagés ou à combattre les organismes nuisibles.2 Comme le VIH préfère cibler ces cellules immunitaires activées, l’inflammation fournit au VIH une grande quantité de cellules vulnérables à infecter et dans lesquelles se répliquer.
Les états qui peuvent causer de l’inflammation dans l’appareil génital féminin incluent les infections transmissibles sexuellement (ITS comme l’herpès ou la syphilis) et certaines affections vaginales (telles que la vaginose bactérienne ou les infections à levures). De plus, la friction générée lors des rapports sexuels, les méthodes de nettoyage vaginal comme les douches et certains lubrifiants peuvent causer des dommages tissulaires qui donnent lieu à l’inflammation.
L’inflammation n’est pas la seule raison pour laquelle la présence d’une ITS accroît le risque de contracter le VIH. Certaines ITS, notamment l’herpès génital et la syphilis, causent parfois des lésions qui endommagent la couche épithéliale du vagin ou du col de l’utérus, ce qui permet au VIH de traverser plus facilement le revêtement cellulaire.4,5 L’herpès génital en particulier est associé à un risque très élevé de contracter le VIH pour la personne touchée11,12 et ce, même en l’absence de lésions. 13
La vaginose bactérienne est une infection qui survient lorsque l’équilibre des bactéries « amicales » est perturbé par la prolifération de bactéries « nuisibles ». Selon la recherche, la vaginose bactérienne augmenterait le risque de contracter le VIH de deux ou trois fois parce qu’elle peut causer de l’inflammation, perturber la protection conférée par le faible taux de pH des bactéries « amicales » normales et endommager le revêtement vaginal.14,15
Des fluctuations hormonales ont lieu naturellement pendant tout le cycle menstruel, alors il est possible que le risque d’infection par le VIH change au cours du cycle menstruel des femmes. Les taux d’hormones fluctuent également durant la ménopause et la grossesse et sous l’effet des contraceptifs hormonaux.
Il est possible que les taux élevés de progestérone provoquent des changements physiques qui augmentent la vulnérabilité à l’infection par le VIH, alors que les taux élevés d’estrogène semblent exercer un effet protecteur. Certaines études laissent croire que les taux élevés de progestérone causent l’amincissement des revêtements vaginal et cervical, réduisent la quantité de bactéries saines, affaiblissent la fonction immunitaire protectrice de l’appareil génital féminin et augmentent le nombre de cellules ciblées par le VIH dans la région.4 Par conséquent, il est possible que l’appareil génital féminin soit plus vulnérable à l’infection par le VIH lorsque les taux de progestérone sont élevés dans le corps. En revanche, la recherche porte à croire que les taux plus élevés d’estrogène augmentent l’épaisseur du revêtement vaginal, la quantité de bactéries saines et la production de mucus cervical, autant d’effets qui aident à protéger la femme contre le VIH.4
Nombre d’études ont permis de constater que certains types de contraceptifs hormonaux semblaient accroître le risque d’infection par le VIH chez les femmes qui les prenaient en prévention de la grossesse. Plusieurs études ont révélé que Depo-Provera, un contraceptif injectable contenant uniquement de la progestérone, semblait accroître le risque d’infection par le VIH, mais les données ne sont pas concluantes à l’heure actuelle.16,17
Quelles stratégies les femmes peuvent-elles utiliser pour prévenir le VIH?
La boîte à outils de prévention du VIH continue de se développer, offrant de nombreuses stratégies pour prévenir la transmission sexuelle du VIH en fonction des besoins et des préférences des individus. De nombreuses femmes s’intéressent particulièrement aux méthodes de prévention qu’elles peuvent contrôler elles-mêmes. Les progrès biomédicaux récents ont créé de nouvelles options de prévention dont l’usage repose sur l’initiative des femmes; cependant, comme l’extension de l’accès demeure un problème, il est encore important de promouvoir les stratégies de prévention plus traditionnelles ou encore celles établies depuis longtemps. Vous devriez être prêt à discuter des approches préventives suivantes avec vos clientes :
Le condom interne (parfois appelé condom féminin) et le condom externe (parfois appelé condom masculin) sont des stratégies très efficaces que les femmes peuvent utiliser pour réduire leur risque de transmission sexuelle du VIH, pourvu qu’ils soient utilisés régulièrement et correctement. Pendant longtemps, le condom interne fut la seule option de prévention du VIH dont les femmes pouvaient contrôler l’usage. Malheureusement, le condom interne n’a pas été adopté par de nombreuses femmes en raison du manque de connaissance de cette méthode et de son mode d’usage, de la réticence de certaines femmes à l’accepter et de son coût relativement élevé par rapport à celui du condom externe.9,18 De plus, la capacité d’une femme à contrôler intégralement cette méthode est limitée parce qu’elle ne peut être utilisée de façon cachée.
L’usage des condoms internes et/ou externes pourrait être préférable à de nombreuses femmes parce qu’ils offrent plusieurs avantages additionnels, comme la prévention de la grossesse et des ITS, et ne provoquent pas d’effets secondaires comme il est possible d’en éprouver sous l’effet des médicaments antirétroviraux utilisés à titre préventive.9, 19
La prophylaxie pré-exposition orale (PrEP) consiste à prendre un comprimé contenant des médicaments antirétroviraux tous les jours; le traitement doit commencer avant toute exposition au VIH et se poursuivre après. Les études ont démontré que l’usage quotidien régulier et correct de la PrEP est une stratégie hautement efficace pour réduire le risque de transmission sexuelle du VIH parmi les femmes.20,21 Il semble toutefois que l’observance de la PrEP orale soit particulièrement importante pour les femmes ayant des rapports sexuels vaginaux. Certaines données de recherche indiquent que la PrEP orale met plus de temps à atteindre les concentrations de médicaments maximales dans les tissus vaginaux que dans les tissus rectaux. De plus, les taux de médicaments peuvent baisser rapidement dans le vagin si la PrEP n’est pas prise tous les jours.22,23,24
La prophylaxie post-exposition (PPE) consiste à prendre des médicaments antirétroviraux à la suite d’une seule exposition non intentionnelle au VIH. Les femmes séronégatives peuvent utiliser la PPE pour réduire leur risque d’infection par le VIH après une rencontre sexuelle lors de laquelle elles ont couru un risque important d’exposition au VIH. Certaines femmes se font proposer une PPE à la suite d’une agression sexuelle.25 Les lignes directrices recommandent de commencer la PPE dès que possible après l’exposition (délai maximal de 72 heures), et l’on doit prendre les comprimés tous les jours pendant 28 jours.26 Plus le traitement commence tôt et plus l’observance de la prise de pilules est bonne tout au long du traitement, plus les chances de succès de la PPE augmentent.26
Les femmes peuvent choisir elles-mêmes d’utiliser la PrEP ou la PPE et les prendre de façon discrète, si nécessaire. Dans certains cas, cependant, il peut être difficile de cacher son usage quotidien de la PrEP et/ou de la PPE à son partenaire intime, qui pourrait remettre en question son usage. De plus, les médicaments antirétroviraux pourraient causer des effets secondaires (temporaires) qui seraient difficiles à tolérer ou à cacher aux autres personnes. Il importe également de souligner que la PrEP et la PPE n’offrent aucune protection contre les autres ITS (telles que l’herpès, la chlamydia ou la gonorrhée) ou la grossesse.
Les médicaments antirétroviraux coûtent cher. Le coût est en effet un obstacle important à l’accès à la PrEP et à la PPE parce que ces traitements ne sont pas couverts à l’heure actuelle par tous les régimes publics et privés d’assurance maladie au Canada.
L’utilisation régulière et correcte du traitement antirétroviral (TAR) par les personnes atteintes du VIH pour obtenir et maintenir une charge virale indétectable est une stratégie hautement efficace pour aider à prévenir la transmission du VIH.19 En ce qui concerne la transmission sexuelle, les partenaires séropositifs ne transmettront pas le VIH à leurs partenaires séronégatifs tant et aussi longtemps que les partenaires séropositifs prendront régulièrement et correctement leur TAR et qu’ils maintiendront une charge virale indétectable. Une femme vivant avec le VIH peut également utiliser cette approche pour éviter de transmettre le VIH à son ou à ses partenaires séronégatifs.
Une femme séronégative qui souhaite concevoir un bébé avec un partenaire séropositif dispose maintenant de plusieurs options pour réduire énormément ou éliminer son risque de contracter le VIH pendant qu’elle essaie de tomber enceinte. Ces options incluent les suivantes : la mise sous traitement antirétroviral du partenaire séropositif et le respect d’un calendrier de rapports sexuels naturels; le « lavage du sperme » en vue d’une insémination intra-utérine ou d’une fécondation in vitro; et la PrEP. Les couples sérodifférents qui souhaitent concevoir un enfant devraient obtenir les conseils d’un expert afin qu’ils puissent adapter leurs approches de conception et de prévention du VIH à leurs besoins spécifiques. 27,28
Il est important que les fournisseurs de services travaillant auprès des femmes comprennent la biologie de la transmission du VIH chez celles-ci afin qu’ils puissent communiquer cette information aux femmes dans le cadre d’un counseling approprié en matière de prévention.
On peut communiquer plusieurs messages clés aux clientes en ce qui concerne le risque de transmission du VIH lors des rapports sexuels vaginaux :
Recommandations à l’intention des fournisseurs de services pour faciliter le counseling des femmes sur les risques de transmission du VIH lors des rapports sexuels vaginaux et les options de prévention :
Liste de ressources
Révisé en juin 2018
Références
Camille Arkell est spécialiste en connaissances, Science biomédicale de la prévention chez CATIE. Elle détient une maîtrise de santé publique en promotion de la santé de l’Université de Toronto, et travaille en éducation et recherche sur le VIH depuis 2010.