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  • Des traitements injectables à longue durée d’action contre le VIH sont apparus sur le marché au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé
  • Selon une étude américaine portant sur 383 personnes qui ont demandé un traitement à longue durée d’action, 47 % ne l’ont pas commencé
  • Les principales raisons étaient des rendez-vous manqués et des difficultés à contacter les patient·e·s

Cabenuva est le nom d’un traitement injectable contre le VIH qui consiste en deux médicaments : cabotégravir + rilpivirine. Le cabotégravir existe également sous forme de comprimé et porte le nom de Vocabria. Ce dernier est utilisé en association avec Edurant (rilpivirine), également sous forme de comprimé. La formulation injectable possède une activité de longue durée.

Lorsque Cabenuva a été approuvé, les patient·e·s devaient d’abord faire la transition entre leur schéma thérapeutique oral en cours vers les formulations orales de la combinaison cabotégravir + rilpivirine. Les comprimés en question se prenaient une seule fois par jour. Les patient·e·s devaient prendre ces médicaments par voie orale pendant plusieurs semaines afin de confirmer leur tolérance avant de recevoir la formulation injectable. On appelait celle-ci la période d’induction orale.

Si tout se passait bien après plusieurs semaines de traitement d’induction oral, les patient·e·s pouvaient commencer à recevoir des injections intramusculaires une fois par mois pendant deux mois consécutifs. Il s’agissait d’une injection dans chaque fesse, pour un total de deux injections chaque mois. Une fois cette période terminée, il suffisait ensuite de se faire injecter tous les deux mois.

Période d’induction facultative

Depuis l’approbation de Cabenuva, des données d’essais cliniques additionnelles ont été publiées et examinées par les autorités réglementaires du Canada et d’autres pays à revenu élevé. À la lumière de ces données, les autorités ont déclaré facultative la période d’induction orale. De nos jours, avec l’accord de leur médecin, les patient·e·s peuvent faire directement la transition entre leur schéma thérapeutique oral en cours et la formulation injectable à longue durée d’action de Cabenuva.

Cabenuva est un traitement complet destiné aux personnes séropositives dont la charge virale est inhibée ou « indétectable » (moins de 50 copies/ml) grâce au schéma thérapeutique utilisé avant Cabenuva.

Contrairement à de nombreux autres traitements contre le VIH, Cabenuva n’est pas actif contre le virus de l’hépatite B (VHB). Par conséquent, les personnes utilisant Cabenuva qui ont la co-infection au VHB devront prendre d’autres médicaments en même temps pour traiter cette infection.

Il importe de noter que Cabenuva ne doit pas être utilisé par des personnes dont le VIH a acquis une résistance au cabotégravir ou à la rilpivirine.

Comme Cabenuva élimine la nécessité de prendre une dose quotidienne d’un traitement contre le VIH, de nombreuses personnes le considèrent comme une option attrayante.

Sud de la Californie

Dans une clinique VIH de San Diego, une équipe de recherche a mené une étude pour comprendre les raisons se rapportant à l’amorce d’un traitement par Cabenuva. Elle a passé au peigne fin les dossiers médicaux de 383 personnes séropositives qui avaient manifesté le souhait de changer leur schéma thérapeutique oral en cours pour un traitement à longue durée d’action. La collecte de données s’était déroulée entre avril 2021 et juin 2022.

Sur 383 personnes, 201 (53 %) ont commencé à recevoir Cabenuva. Selon l’équipe de recherche, les personnes qui ont changé leur traitement pour ce dernier étaient plus susceptibles d’avoir le profil suivant que les personnes n’ayant pas changé de traitement :

  • plus jeunes
  • avant Cabenuva, leur schéma thérapeutique contenait deux médicaments

Principales raisons pour ne pas commencer de traitement à longue durée d’action

Selon l’équipe de recherche, les principales raisons pour ne pas amorcer un traitement à Cabenuva étaient les suivantes :

  • antécédents de rendez-vous manqués en clinique et au laboratoire
  • difficultés éprouvées par le personnel de la clinique à contacter les patient·e·s

Une fois le traitement par Cabenuva commencé, chaque rendez-vous subséquent doit avoir lieu dans les sept jours précédant ou suivant la date fixée pour les prochaines injections. Il est donc nécessaire que toute personne recevant Cabenuva respecte ses rendez-vous à échéance régulière après que le traitement a commencé. Si les rendez-vous prévus pour recevoir les injections sont manqués, il est possible que les patient·e·s se voient obligé·e·s de prendre des formulations orales de Cabenuva pendant quelques semaines pour minimiser le risque que le VIH acquière une résistance au cabotégravir ou à la rilpivirine.

Une équipe de recherche des États-Unis et du Danemark a examiné les résultats d’études sur les conséquences des rendez-vous manqués dans le contexte des soins aux personnes séropositives. Dans un éditorial publié dans la revue AIDS, cette équipe a commenté que les antécédents de rendez-vous manqués étaient généralement associés à un risque accru de rendez-vous manqués à l’avenir.

Dans les renseignements posologiques se rapportant à Cabenuva, son fabricant, ViiV Healthcare, affirme ceci : « Avant la mise en route du traitement par CABENUVA, le professionnel de la santé doit bien s’assurer que le patient accepte de se soumettre aux injections requises et l’informer de l’importance de respecter le calendrier d’administration prévu afin de favoriser le maintien de la suppression virale et de réduire les risques de rebond virologique et d’apparition d’une résistance en raison de doses omises ». 

Il est possible, voire probable, que l’option de commencer un traitement à longue durée d’action soit attrayante pour les patient·e·s qui ont de la difficulté à respecter leurs rendez-vous en clinique et au laboratoire ou à prendre des comprimés tous les jours, pourvu qu’un soutien et des services appropriés complets soient offerts. Cela fut le cas lors d’une étude menée dans le Nord de la Californie auprès d’un nombre relativement faible de personnes à qui on offrait une large gamme de services de soutien. Notons cependant qu’un tel soutien exhaustif n’est pas couramment offert dans les cliniques VIH du Canada et d’autres pays.

Raisons personnelles

Selon l’équipe de recherche, les raisons pour ne pas commencer un traitement à Cabenuva incluaient également les suivantes :

  • personnes réfractaires à l’idée de se présenter dans une clinique pour se faire injecter
  • incertitude à l’égard de l’efficacité de Cabenuva hors du contexte d’un essai clinique
  • préoccupations concernant la douleur causée par les injections intramusculaires profondes

L’équipe de recherche a affirmé que ses résultats soulignent la nécessité de « tenir compte des préoccupations des individus qui pourraient tout de même bénéficier de [Cabenuva] », afin que les obstacles à son usage puissent être surmontés.

Résistance

Comme nous l’avons mentionné plus tôt, Cabenuva ne convient pas aux personnes dont le VIH a acquis une résistance au cabotégravir ou à la rilpivirine. Dans cette étude, l’équipe de recherche a examiné les résultats de tests de résistance passés par les participant·e·s plusieurs années auparavant. Selon l’équipe, sur les 135 personnes qui ont passé un test de résistance aux antiviraux effectué à partir de provirus, 19 % étaient porteuses d’une souche du VIH qui avait probablement acquis une résistance aux médicaments figurant dans Cabenuva. Même si les tests de résistance en question remontaient à plusieurs années en arrière, il est probable qu’une résistance virale faible aux médicaments perdurait dans les cellules infectées des ganglions lymphatiques ou d’autres tissus tels que le cerveau ou la rate. Les scientifiques affirment qu’une telle résistance est « archivée » (ou entreposée) dans les cellules infectées par le VIH dans le corps. En ce qui concerne la résistance à Cabenuva observée par l’équipe de recherche dans cette étude, il s’agissait principalement d’une résistance à la rilpivirine et non pas au cabotégravir.

Schémas thérapeutiques complexes, résistance et âge

Selon l’équipe de recherche, les personnes qui n’ont pas commencé de traitement à longue durée d’action contre le VIH étaient « plus susceptibles » d’utiliser un schéma thérapeutique complexe comportant un inhibiteur de la protéase. Un tel schéma, a-t-elle affirmé, « est choisi plus couramment pour les personnes présentant des antécédents de résistance documentée ou soupçonnée aux médicaments [contre le VIH] ».

L’équipe de recherche a laissé entendre que le VIH des personnes âgées était plus susceptible d’être partiellement ou totalement résistant aux médicaments de Cabenuva, et celles-ci étaient moins susceptibles que les personnes plus jeunes de commencer le traitement. L’équipe a toutefois affirmé que ce lien éventuel entre l’âge et la résistance virale devait être évalué formellement dans un essai clinique.

Autres raisons

L’équipe de recherche a analysé les données provenant de 182 personnes qui n’avaient pas entrepris de traitement par Cabenuva. Elle a observé qu’une proportion de personnes (8 %) qui s’intéressaient au traitement à longue durée d’action ne l’ont pas commencé parce que des tests de laboratoire ont révélé qu’elles avaient une charge virale détectable dans leurs échantillons de sang.

Un autre groupe de personnes n’ont pas fourni d’échantillons de sang afin que le laboratoire puisse déterminer si leur VIH était résistant aux médicaments compris dans Cabenuva. Ces personnes ne pouvaient conséquemment avancer dans le processus menant à l’obtention d’un traitement à longue durée d’action.

Seule une faible proportion de personnes s’inquiétaient de ne pas disposer d’une assurance médicaments qui couvrirait Cabenuva (4 %) ou d’être incapables de payer les frais d’exécution d’ordonnance ou d’autres coûts (3 %).

À retenir

Aux fins de son analyse, cette équipe de recherche a utilisé des données qui avaient été recueillies dans le passé à une fin différente; il s’agit donc d’une étude rétrospective. Les études de ce genre peuvent amener les équipes de recherche à tirer involontairement des conclusions faussées lors de l’analyse des données. Il reste que les études rétrospectives sont relativement simples à mener et coûtent moins cher. Elles peuvent servir de point de départ au processus de recherche en facilitant la collecte de données nécessaires à l’exploration d’une question. Lorsque les données rétrospectives ont été analysées, on peut s’en servir dans une proposition de financement visant la tenue d’une étude prospective d’envergure. Comme Cabenuva est utilisé depuis relativement peu de temps, l’étude menée à San Diego devrait être considérée pour le moment comme un bon premier pas sur le chemin qui nous permettra de comprendre pourquoi certaines personnes commencent un TAR à longue durée d’action et d’autres pas.

Au Canada, Cabenuva est couvert par la plupart des régimes d’assurance médicaments provinciaux.

—Sean R. Hosein

Ressources

Sommaire : Couverture des médicaments antirétroviraux au CanadaAgence de la santé publique du Canada

Une étude albertaine cherche à déterminer qui est à risque de vivre des épisodes de percée viraleNouvelles CATIE

Le traitement à longue durée d’action du VIH chez des personnes éprouvant des problèmes d’observance thérapeutiqueNouvelles CATIE

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