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CATIE
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  • L’amorce précoce du traitement du VIH (TAR) procure des bienfaits cliniques et immunologiques
  • Une étude américaine a révélé que la plupart des personnes séropositives trouvaient l’amorce rapide du TAR acceptable
  • Chez certaines personnes, les problèmes psychologiques et la stigmatisation intériorisée peuvent retarder l’amorce du TAR

Nombre d’essais cliniques ont révélé que le fait de commencer le traitement du VIH (TAR) tôt dans le cours de l’infection donne généralement de bons résultats quant à l’amélioration de la santé immunologique et à la réduction des risques de complications graves et de décès. Ces bienfaits du TAR sont si importants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes utilisant le TAR.

Des essais cliniques ont également permis de constater que les personnes qui atteignent et maintiennent une charge virale supprimée (dite couramment « indétectable ») sous l’effet du TAR ne transmettent pas le VIH lors des relations sexuelles avec leurs partenaires. Pour décrire ce bénéfice du TAR, on emploie couramment l’expression « I=I » ou encore « indétectable = intransmissible ».

Selon une équipe de médecins et de scientifiques travaillant dans deux cliniques VIH importantes de San Francisco et de Chicago, la majeure partie de la recherche consacrée à l’amorce précoce du TAR (appelée également TAR rapide ou TAR immédiat) s’est concentrée sur l’efficacité biomédicale de cette approche. Cette équipe maintient cependant que peu de recherches ont porté sur l’impact psychologique du TAR immédiat sur les patient·e·s. Pour remédier à cette situation, l’équipe a mené des entrevues auprès de 40 personnes dans les deux villes. Toutes celles-ci ont eu lieu environ un an après le début du TAR. L’équipe a invité les participant·e·s à décrire la discussion qu’ils ou elles avaient eue lorsque le TAR leur avait été proposé, ainsi que l’impact que cette expérience avait eu sur eux ou elles.

L’équipe de recherche a constaté trois thèmes principaux :

  • « Les individus se sont sentis soutenus lors des rencontres [cliniques] se rapportant au TAR immédiat ».
  • « Les individus ont considéré le TAR immédiat comme un choix sensé ».
  • « Le TAR immédiat a offert un soulagement émotionnel en dissipant la peur de la mort et en donnant un sentiment de pouvoir sur sa santé ».

L’équipe de recherche a affirmé ceci : « Notre étude a permis de constater des taux élevés d’acceptabilité en ce qui concernait l’amorce immédiate du TAR, ce qui a atténué quelque peu, mais sans toutefois éliminer, le fort impact psychologique du diagnostic de VIH ».

Pour aider les cliniques à mieux soutenir les personnes séropositives nouvellement diagnostiquées, l’équipe de recherche a fait des recommandations concernant les soins, lesquelles nous examinerons plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE. De plus, elle avait des suggestions à faire concernant les recherches futures.

Détails de l’étude

Sur les lieux de l’étude de San Francisco et de Chicago, des personnes séropositives nouvellement diagnostiquées ont rencontré une équipe composée du personnel soignant suivant :

  • infirmier·ère autorisé·e
  • assistant·e médical·e ou éducateur·trice en santé
  • prescripteur·trice
  • travailleur·euse de la santé

L’équipe a effectué une évaluation psychosociale et dirigé au besoin les participant·e·s vers des services de soutien se rapportant au logement, à la réduction des méfaits et autres.

Dans chaque ville, 20 personnes ont participé à une entrevue d’une durée de 60 à 90 minutes. Elles avaient le profil moyen suivant :

  • fourchette d’âge : 19 à 52 ans
  • 73 % étaient des hommes cisgenres, 27 % étaient des femmes cis ou transgenres
  • principaux groupes ethnoraciaux : Hispaniques – 38 %; Noirs – 35 %; Blancs – 15 %
  • compte de CD4+ lors du diagnostic : 477 cellules/mm3 (aucune donnée sur la charge virale n’était disponible)
  • 50 % avaient un trouble de santé mentale diagnostiqué (anxiété, trouble bipolaire, dépression, trouble de la personnalité, psychose)

Résultats : première consultation pour parler du TAR

Selon l’équipe de recherche, « la vaste majorité des participant·e·s se sont senti·e·s soutenu·e·s par les prestataires de soins, et ce soutien allait au-delà du diagnostic de VIH pour répondre à d’autres besoins (tels des services en santé mentale, en réduction des méfaits et d’accès au logement) ».

Une personne a affirmé ceci : « Ils ont même pris le temps de connaître tous les aspects de ma vie et m’ont demandé s’ils pouvaient m’aider avec quoi que ce soit d’autre ».

Selon l’équipe de recherche, « le temps et l’énergie consacrés à ces rencontres ont transmis un sentiment d’importance aux participant·e·s et créé un contexte crucial pour l’offre du TAR — [en soulignant] que le TAR était une priorité… En même temps, les participant·e·s ont affirmé clairement qu’aucune pression n’avait été exercée afin qu’ils ou elles commencent le TAR, et ce, malgré la manifestation de toutes sortes de réactions au diagnostic de VIH ».

Amorce immédiate du TAR

Selon l’équipe de recherche, les participant·e·s trouvaient l’idée de commencer le TAR aussitôt que possible comme une prochaine étape évidente. Voici l’avis de deux personnes à cet égard :

« C’était tellement logique qu’il ne semblait plus y avoir de décision à prendre, ou presque. C’était l’action évidente à entreprendre ».

« Il n’y avait pas de décision à prendre. C’était presque une évidence. Dans ma tête c’était un diagnostic positif. Le VIH, les antiviraux, ils vont de pair… »

TAR et apaisement émotionnel

Selon l’équipe de recherche, les participant·e·s trouvaient que l’idée de commencer le TAR dès que possible après un diagnostic de VIH avait un effet « stabilisant durant une période d’intenses bouleversements émotionnels parce que cela permettrait de prévenir des conséquences délétères pour la santé ».

Une personne a fait le commentaire suivant à propos de l’amorce du TAR : « Je pouvais faire quelque chose de proactif pour me sentir mieux et me motiver, au lieu de ne rien faire sauf ruminer ».

Une autre personne avait ceci à dire à l’égard de l’amorce du TAR : « J’ai pris ma santé en main. J’ai pris le contrôle de la façon de déterminer mon avenir ».

L’équipe de recherche a affirmé que les participant·e·s considéraient l’amorce du TAR comme « une manière de préserver leur bien-être ».

Importance des objectifs du traitement

Selon l’équipe de recherche, lorsque le personnel soignant décrivait aux participant·e·s leur cheminement thérapeutique à venir, dont l’objectif consisterait à atteindre et à maintenir une charge virale indétectable, cela les aidait énormément.

Une personne a affirmé ceci à cet égard : « Je suis sorti de la [clinique] avec un plan de traitement au lieu de rentrer chez moi… et continuer à m’inquiéter de ma santé… Je pense que c’est cela qui m’a vraiment donné le courage de rentrer et de parler à ma famille [de mon diagnostic] ».

Selon une autre personne, l’idée de voir une charge virale indétectable comme un objectif l’aidait à maintenir ce que l’équipe de recherche décrivait comme « un sens interne de la normalité ». À ce propos, une autre personne a fait ce commentaire : « Pour moi, [avoir une charge virale indétectable], c’est comme vivre sans le VIH… je vis normalement même si je l’ai ».

Refus du TAR immédiat

L’équipe de recherche a constaté que seule une minorité des participant·e·s a refusé l’offre d’un TAR immédiat. Les personnes en question avaient diverses raisons de reporter l’amorce du traitement.

Certaines personnes ont reporté l’amorce du TAR parce que, selon l’équipe de recherche, « elles remettaient en question la fiabilité du résultat positif du test. Il a fallu refaire le test pour les aider à accepter le diagnostic et à mettre en place des soins pour le VIH, mais une fois [l’arrimage aux soins] accompli, ces personnes ont accepté volontiers l’idée de commencer immédiatement un TAR ».

Selon l’équipe de recherche, même après avoir accepté leur diagnostic et fait exécuter leur ordonnance pour le TAR, certain·e·s participant·e·s ont reporté la prise du traitement pour se donner le temps de « surmonter leur appréhension à l’idée de commencer ».

Une personne qui avait éprouvé une telle appréhension a offert ce commentaire : « Si je n’allais pas prendre les médicaments aujourd’hui, ce serait pour quand? Si j’étais rentrée sans rien, je ne serai pas retournée. Je me suis sentie comme un parent à ce moment-là. Comme si j’étais mon propre parent. Les parents font ce qu’ils croient être la meilleure chose pour leurs enfants, surtout en matière de santé. Je ne voulais pas prendre de médicaments, mais je savais qu’ils allaient m’aider ».

Un autre participant a reporté l’amorce du TAR parce qu’il avait peur que sa partenaire le rejette [si elle apprenait qu’il était séropositif]. Cependant, lorsque la partenaire de cet homme ne l’a pas rejeté, « il s’est senti à même d’envisager plus clairement comment il vivrait avec le VIH », selon l’équipe de recherche.

L’équipe a constaté que certain·e·s participant·e·s avaient besoin de temps afin d’accepter l’impératif de prendre des médicaments régulièrement. Dans d’autres cas, les participant·e·s ont eu de la difficulté à « intégrer cette nouvelle identité de personne vivant avec le VIH ».

Malgré l’hésitation à commencer le traitement, l’équipe de recherche a constaté que « presque toutes les personnes qui ont reporté l’amorce du TAR ont considéré [leur visite à la clinique] pour discuter du TAR immédiat comme une expérience positive ». Et d’ajouter l’équipe : « Même si certain·e·s participant·e·s comprenaient que le VIH était une maladie chronique gérable avant de recevoir leur propre diagnostic, entendre de la part des prestataires de soins que le TAR moderne pouvait prévenir la maladie et la mort était un message sans ambiguïté ».

Historiquement, les premiers traitements du VIH comportaient le risque de nombreux effets secondaires. Par contre, depuis une décennie, les nouveaux schémas plus actifs de TAR qui sont recommandés par les principales lignes directrices thérapeutiques des pays à revenu élevé sont généralement bien tolérés. Selon cette équipe de recherche, la peur d’effets secondaires a incité une seule personne à reporter l’amorce du TAR dans cette étude.

Recommandations pour améliorer les soins

À la lumière de ses résultats, l’équipe de recherche a formulé les recommandations suivantes :

  • « Les obstacles psychosociaux à l’amorce du TAR peuvent être obscurcis ou exacerbés par des barrières logistiques ou structurales, lesquelles peuvent paraître plus importantes. Il est plus nécessaire que jamais qu’une grande attention soit portée à l’état psychosocial de toute personne dans les semaines et les mois suivant le diagnostic ».
  • « Les programmes doivent tenir compte des rôles que joue potentiellement la stigmatisation intériorisée ou appréhendée envers le VIH, laquelle constitue évidemment des causes redoutables de la faible réceptivité [des gens] au TAR immédiat ».
  • « Il peut être nécessaire d’adapter l’approche centrée sur le TAR immédiat afin qu’elle convienne à des sous-populations qui ne s’intègrent pas aisément dans les sous-groupes démographiques. Par exemple, certains individus pourraient avoir besoin de counseling et de soutien additionnels, notamment les personnes n’ayant jamais connu de personnes vivant avec le VIH ou encore celles qui craignent d’être rejetées par leurs proches, mais qui ont besoin de leur soutien pour commencer le TAR ».
  • « Il faut être sensible aux circonstances particulières de chaque personne et accepter par conséquent que tout le monde ne veuille pas commencer tout de suite le TAR ».

L’équipe de recherche estime que ses conclusions pourraient avoir de la pertinence pour d’autres populations urbaines.

À l’avenir

Cette équipe de recherche a soulevé des points importants à l’intention des cliniques desservant des personnes séropositives nouvellement diagnostiquées. Espérons que ses recommandations pourront améliorer la prestation des soins et le bien-être des patient·e·s à l’avenir.

Le traitement du VIH a fait tout un chemin depuis les années 1980. Il est beaucoup plus sûr et provoque moins d’effets secondaires de nos jours. Il peut consister simplement en la prise d’un seul comprimé par jour ou encore en deux injections tous les mois ou deux mois dans le cas du TAR à action prolongée. Il n’empêche que la désinformation et la stigmatisation ont toujours le potentiel d’être reliées au diagnostic. Comme l’a affirmé cette équipe de recherche : « Nos données soulignent le fait que les facteurs psychosociaux (p. ex., la stigmatisation, les relations sexuelles et sociales) sont des éléments importants et complexes de l’expérience du TAR immédiat et méritent une étude approfondie qui dépasse la portée de cette analyse ».

—Sean R. Hosein

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  3. Danel C, Moh R, Gabillard D, et al. TEMPRANO ANRS 12136 Study Group. A trial of early antiretrovirals and isoniazid preventive therapy in Africa. New England Journal of Medicine. 2015; 373:808–22.
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  5. Rodger AJ, Cambiano V, Bruun T, et al. PARTNER Study Group. Risk of HIV transmission through condomless sex in serodifferent gay couples with the HIV-positive partner taking suppressive antiretroviral therapy (PARTNER): final results of a multicentre, prospective, observational study. Lancet. 2019; 393:2428–38.