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CATIE
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  • La plupart des études sur les personnes séropositives ont lieu dans de grands centres urbains
  • Une équipe de recherche albertaine a comparé la santé de personnes séropositives vivant en milieux urbains ou non urbains
  • Dans les milieux non urbains, l’équipe a trouvé que les gens mettaient plus de temps à obtenir des soins et à commencer un traitement du VIH

L’accessibilité étendue du traitement du VIH (TAR) a donné lieu à des baisses spectaculaires de la morbidité et de la mortalité liées au sida au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. Les bienfaits à long terme du TAR sont tellement importants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes utilisant ce genre de traitement.

Au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé, la plupart des essais cliniques sur le VIH ont lieu dans de grands centres urbains. Cela n’a rien de surprenant vu qu’un grand nombre de personnes séropositives habitent des villes où il se trouve d’importantes cliniques VIH. Certaines personnes séropositives vivent cependant dans des régions rurales où l’accès aux services liés au VIH peut être inhibé par des obstacles particuliers.

Située à Calgary, la Southern Alberta HIV Clinic est la référence régionale en matière de soins pour les personnes séropositives. Selon une équipe de recherche de la clinique, « la majorité (86 %) des patient·e·s vit dans la région même de Calgary, alors que 14 % d’entre eux et elles habitent des zones semi-rurales ou rurales situées à une distance de 80 à 300 km, voire plus, de [la clinique] ».

L’équipe de recherche albertaine a mené une étude pour comparer des données recueillies auprès de personnes séropositives vivant en milieux urbains ou non urbains. Se concentrant sur l’évolution des soins et de la santé des participant·e·s, l’équipe a constaté que les personnes vivant en milieux non urbains étaient plus susceptibles d’avoir le profil suivant :

  • retard dans l’obtention de soins pour le VIH
  • retard dans l’amorce du TAR à la suite d’un diagnostic de VIH

De plus, une fois les soins commencés, les personnes vivant en milieux non urbains étaient légèrement moins susceptibles de maintenir le contact avec la clinique. Elles étaient en outre plus nombreuses à avoir une charge virale non supprimée jusqu’à trois ans après le diagnostic de VIH.

Détails de l’étude

Cette étude s’est déroulée entre janvier 2008 et janvier 2020. Durant cette période, l’équipe de recherche a suivi 719 personnes séropositives nouvellement diagnostiquées dont la répartition géographique était la suivante :

  • personnes vivant en milieux urbains : 86 %
  • personnes vivant en milieux non urbains : 14 %

Voici un résumé des caractéristiques des participant·e·s au moment de leur admission à l’étude :

  • 79 % d’hommes, 21 % de femmes, 0,4 % de personnes trans
  • âge : 38 ans
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 65 %; Autochtones – 11 %; Africains, Caraïbéens ou Noirs – 11 %
  • compte de CD4+ : 300 cellules/mm3

Résultats

L’équipe de recherche n’a constaté aucune différence significative entre le compte de cellules CD4+ des deux groupes (urbain ou non urbain) au moment du diagnostic de VIH. Elle a toutefois signalé les différences suivantes par rapport à l’évolution des soins et de la santé :

Arrimage aux soins et amorce du TAR

À la suite de tout diagnostic de VIH, il est important que la personne concernée soit dirigée vers un service de soins afin que des tests de laboratoire, un counseling et une discussion sur l’amorce du TAR puissent avoir lieu. Selon l’équipe de recherche, 52 % des personnes vivant en milieux urbains ont eu leur première consultation dans une clinique VIH dans le mois suivant leur diagnostic. Dans les milieux non urbains, le chiffre correspondant était de 25 %. L’équipe a également constaté que, à la suite de la première consultation dans une clinique VIH, les personnes vivant en milieux non urbains ont mis plus de temps à commencer un TAR que celles habitant des milieux urbains.

Rétention dans les soins

Une fois le TAR commencé, il est important que la personne sous traitement reçoive régulièrement des soins afin que le suivi clinique et en laboratoire puisse continuer et qu’un soutien à l’observance du TAR et des soins pour toute autre affection médicale puissent être offerts. Selon l’équipe de recherche, les participant·e·s vivant en milieux non urbains étaient plus susceptibles de manquer leurs rendez-vous à la clinique.

Suppression virale

Au cours des trois années suivant le diagnostic de VIH, l’équipe de recherche a constaté que les personnes vivant en milieux non urbains étaient moins susceptibles d’avoir une quantité supprimée de VIH dans leur sang que les personnes vivant en milieux urbains. L’ampleur de cette différence a diminué au cours de la période complète de l’étude, mais elle n’a pas disparu pour autant.

Survie

Soixante-neuf personnes sont décédées au cours de l’étude, et ce, dans des proportions plus ou moins égales dans les deux groupes. Cependant, selon l’équipe de recherche, les personnes vivant en milieux non urbains étaient « légèrement plus susceptibles de mourir d’affections non liées au VIH (57 % contre 51 %) ». L’équipe a ajouté que « la mortalité [globale] était plus élevée dans le groupe non urbain que dans le groupe urbain ».

Même s’il est navrant de constater le décès d’environ 10 % des participant·e·s à cette étude albertaine, ce chiffre fait écho aux données récentes d’une autre étude nord-américaine d’envergure. Dans un prochain article de Nouvelles CATIE, nous rendrons compte de recherches récentes sur les taux de survie chez les personnes séropositives de nos jours.

À retenir

Au cours des 20 dernières années, le personnel de la Southern Alberta Clinic a mis au point des « stratégies multiples » pour essayer de préserver la bonne santé des personnes séropositives et de les retenir en soins. L’une de ces stratégies consiste à offrir aux personnes vivant en milieux non urbains l’accès au personnel suivant de la clinique :

  • médecin se spécialisant dans le VIH
  • infirmier·ère autorisé·e
  • travailleur·se social·e
  • pharmacien·ne
  • diététiste agréé·e

Selon l’équipe de recherche de la clinique, « notre équipe de travail social fait un suivi auprès des patient·e·s qui ont manqué plus de cinq rendez-vous depuis deux à trois ans. Elle évalue ensuite les obstacles qui ont empêché les patient·e·s de se présenter aux rendez-vous et discutent de stratégies [pour corriger la situation] avec les patient·e·s et leurs prestataires de soins liés au VIH ».

L’équipe de recherche a indiqué que la clinique offrait une livraison gratuite du TAR au domicile des patient·e·s ou à une pharmacie locale. De plus, la clinique collabore avec un organisme rural de lutte contre le sida afin d’informer les patient·e·s sur divers sujets, dont le VIH, le dépistage et l’importance de suivre fidèlement le TAR et d’obtenir régulièrement des soins. L’organisme rural de lutte contre le sida peut également faciliter le transport à la clinique au besoin.

Malgré toutes ces stratégies, des différences demeurent entre les milieux urbains et non urbains de l’Alberta en ce qui concerne les soins et la santé des personnes séropositives. À ce propos, l’équipe de recherche a affirmé ceci : « Notre étude met en évidence les difficultés qui persistent pour optimiser le modèle de soins du VIH et trouver l’approche parfaite convenant à l’ensemble des patient·e·s ».

Cette étude est un bon point de départ dans la mesure où elle met au jour des différences entre les soins prodigués aux populations séropositives urbaines et non urbaines et leurs résultats cliniques. D’autres études et des fonds additionnels seront toutefois nécessaires pour mettre en œuvre des interventions visant une équité en matière de santé, de survie et de qualité de vie pour ces populations.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Kerkerian G, Krentz HB, Gill MJ. Longitudinal analysis of HIV outcomes for persons living with HIV in non-urban areas of southern Alberta, Canada. Journal of the Association of Medical Microbiology and Infectious Diseases Canada. 2022; sous presse.
  2. Edwards JK, Cole SR, Breger TL, et al. Mortality for adults entering HIV care under universal early treatment compared to the general U.S. population. Clinical Infectious Diseases. 2022; sous presse.