Le dépistage du VIH aux points de service par des pharmaciens

Le dépistage du VIH aux points de service par des pharmaciens

Terre-Neuve-et-Labrador et Alberta, Canada
2020

Un programme pilote offrant le dépistage du VIH aux points de service (DPS) s’est tenu dans deux provinces canadiennes, soit Terre-Neuve-et-Labrador et l’Alberta, dans le but d’élargir l’accès au dépistage du VIH et d’assurer l’arrimage aux soins. Le programme a fait appel aux pharmaciens de quatre pharmacies communautaires afin d’offrir le DPS du VIH, y compris du counseling prétest et post-test. Les trois quarts des personnes testées couraient un risque modéré à élevé de contracter le VIH, et 27 % d’entre elles se faisaient tester pour la première fois. Les pharmacies se sont révélées être des endroits acceptables pour faire le DPS du VIH aux yeux des pharmaciens et des clients; les pharmaciens se sentaient prêts à offrir le dépistage et avaient confiance en leur capacité à le faire, et les clients se disaient à l’aise de se faire tester par des pharmaciens. Presque tous les participants (99 %) à une étude sur le programme pilote ont indiqué que le DPS du VIH devrait être offert régulièrement dans les pharmacies.

Description du programme

Des comités consultatifs ont été créés en Alberta et à Terre-Neuve pour aider à la conception du programme pilote. Les comités se composaient de divers intervenants, dont des responsables de la santé publique, des décideurs de politiques, des pharmaciens, des travailleurs de la santé spécialisés dans la prise en charge des personnes séropositives et des personnes vivant avec le VIH.

En vertu de ce programme, le dépistage gratuit du VIH aux points de service était offert par des pharmaciens travaillant dans quatre pharmacies communautaires urbaines ou rurales de l’Alberta et de Terre-Neuve. Pour faire la promotion du programme, on a eu recours aux journaux, aux médias sociaux (p. ex., Grindr), à la distribution d’affiches dans les communautés, ainsi qu’aux organismes desservant des personnes potentiellement à risque de contracter le VIH. Pour demander un DPS du VIH, les clients pouvaient s’adresser à l’un des quatre sites en prenant rendez-vous ou en se présentant durant les heures de dépistage sans rendez-vous.

Au moins un pharmacien ou une pharmacienne dans chaque pharmacie avait suivi une formation pour participer au programme, laquelle incluait un volet sur le consentement et le counseling prétest et post-test et un autre sur le mode d’emploi du test et l’interprétation des résultats. Les pharmaciens recevaient de l’information pour faciliter l’aiguillage des clients recevant un résultat réactif au test de dépistage, y compris une liste de services de soutien dans leur région.

Les pharmacies participantes avaient une salle privée où les clients et les pharmaciens se rencontraient pour faire le counseling prétest et post-test et le test de dépistage. Ils utilisaient régulièrement le test rapide de dépistage des anticorps INSTI VIH-1/VIH-2 (pour lequel on prélève un échantillon de sang par piqûre du doigt). Les résultats, qui étaient prêts en moins d’une minute, étaient interprétés par les pharmaciens puis partagés avec les clients. Les pharmaciens effectuaient le counseling prétest et post-test, qui incluait de l’information sur le dépistage d’autres infections transmissibles sexuellement et par le sang.

Advenant un résultat réactif, les pharmaciens remplissaient une demande qu’ils donnaient aux clients pour effectuer des prélèvements de sang additionnels servant aux tests de confirmation, en plus de leur offrir du counseling et de les diriger vers des soutiens connexes. On envoyait les résultats des tests de confirmation à une infirmière praticienne ou à un médecin désigné, selon le plan d’arrimage aux soins établi dans chaque province.

Résultats

Pour évaluer le programme pilote, on a mené l’étude APPROACH afin de déterminer, à l’aide d’une méthodologie mixte, la faisabilité et l’acceptabilité d’un programme de DPS du VIH offert par un pharmacien. L’étude a eu lieu entre février et septembre 2017. On a demandé aux clients de remplir deux questionnaires, le premier avant et le deuxième après le test, et de participer à une entrevue téléphonique semi-structurée sur leur expérience du dépistage. Pour connaître la perspective des pharmaciens, on a tenu des groupes de discussion afin qu’ils partagent leurs impressions sur la formation et les soutiens fournis, ainsi que leurs idées concernant le potentiel d’expansion et la durabilité éventuelle du programme.

Un total de 123 dépistages a été réalisé (10 % en collectivités rurales), et un seul test réactif a été recensé. On a dirigé la personne en question vers un service de dépistage de confirmation et ensuite vers le programme du VIH provincial dans les 72 heures suivant son test de dépistage. Voici d’autres résultats à signaler :

  • Les pharmaciens passaient en moyenne 30 minutes à compléter le processus de dépistage, y compris le counseling prétest et post-test.
  • 27 % des clients ont souligné qu’il s’agissait de leur premier test de dépistage du VIH. Sur ce nombre, 69 % couraient un risque modéré à élevé d’avoir une infection au VIH non diagnostiquée.
  • 75 % des participants couraient un risque modéré à très élevé d’avoir une infection au VIH1 (47 % s’identifiaient comme des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, 7 % avaient échangé auparavant des actes sexuels contre de l’argent ou des drogues, et 5 % avaient des antécédents de consommation de drogues intraveineuses).

Les questionnaires des clients ont donné les résultats suivants :

  • Les clients se sentaient à l’aise de se faire tester à la pharmacie et faisaient totalement confiance en la capacité des pharmaciens à effectuer le test.
  • Les clients se faisaient tester à la pharmacie parce qu’ils pouvaient recevoir le résultat immédiatement, et car le test avait lieu dans une salle privée.
  • 99 % des clients affirmaient que le dépistage du VIH devrait être offert régulièrement dans les pharmacies.
  • 78 % des clients indiquaient qu’ils seraient prêts à payer le DPS du VIH dans une pharmacie.

Selon les résultats des groupes de discussion, les pharmaciens trouvaient que :

  • la formation les préparait bien à participer au programme
  • le plan d’arrimage aux soins établi par le comité consultatif était un élément clé du programme
  • il serait important de former plusieurs pharmaciens à effectuer le dépistage afin d’accroître l’accessibilité
  • l’absence de rémunération posait un défi majeur en ce qui concernait l’expansion et la durabilité du programme
  • le DPS du VIH faisait partie de leur rôle et de leur identité professionnels.

Quelles sont les implications pour les prestataires de services?

Les prestataires de services devraient envisager des moyens d’offrir le DPS du VIH à divers endroits de la communauté afin qu’il soit possible de joindre plus de gens à tester et d’éliminer les obstacles rencontrés par des clients éventuels (p. ex., les préoccupations relatives à la vie privée et à la discrétion). Les pharmacies offrent un moyen de normaliser l’expérience du dépistage dans un milieu qui est familier aux gens. Les pharmaciens qui ont participé à cette étude ont indiqué que l’offre du DPS du VIH se conformait à la vision qu’ils avaient de leur rôle et de leur identité professionnels.

Les prestataires de services qui s’intéressent à créer un programme semblable devraient prendre en considération les changements qu’il faudrait apporter aux processus de travail afin de le mettre sur pied dans une pharmacie (p. ex., personnel de soutien, documentation des résultats, plan de suivi). Ils devraient également envisager de rémunérer les pharmaciens pour offrir ce service de dépistage, ainsi que la nécessité de se doter d’un personnel adéquat afin qu’un pharmacien formé puisse être disponible et offrir plus de flexibilité aux clients par rapport aux heures de service sans rendez-vous. Il est également important que les prestataires de services mettent en place un plan adéquat d’arrimage aux soins pour les clients recevant un résultat réactif au DPS. L’assurance de la qualité du processus de dépistage et les normes de pratique régissant la capacité des pharmaciens à effectuer le DPS du VIH dans chaque province ou territoire devraient également être prises en compte lors de la création du programme.

Ressources connexes

Le transfert des tâches dans les services de dépistage du VIH

Dépistage rapide du VIH aux points de service : Un examen des données probantes

Référence

Kelly DV, Kielly J, Hughes C et al. Expanding access to HIV testing through Canadian community pharmacies: findings from the APPROACH study. BMC Public Health. 2020;20:639.

  1. Le risque de VIH était fondé sur le Denver HIV Risk Score se servant des données captées par le premier questionnaire rempli par les participants. Un score de 30 points ou plus indiquait un risque accru d’avoir une infection au VIH non diagnostiquée et la nécessité d’offrir à la personne des tests de dépistage du VIH régulièrement.

Black PRAISE : Une intervention pour sensibiliser les congrégations noires à l’impact du VIH dans les communautés noires

Black PRAISE : Une intervention pour sensibiliser les congrégations noires à l’impact du VIH dans les communautés noires

Ontario, Canada
2020

Black PRAISE (Pastors Raising Awareness and Insight of Stigma through Engagement) est un programme de sensibilisation dont l’objectif consiste à accroître les connaissances sur le VIH et à contrer la stigmatisation en renseignant les congrégations noires sur le VIH en Ontario, Canada. Le programme présente de l’information sous la forme d’un livret, d’un sermon et d’un court-métrage afin de renforcer la conscience critique des fidèles des congrégations à l’égard des enjeux liés au VIH touchant les communautés noires. Dans le volet quantitatif d’une étude ayant évalué le programme, Black PRAISE a été associé à une augmentation des connaissances sur le VIH et à une réduction de la stigmatisation parmi les fidèles des congrégations qui ont bénéficié de l’intervention1. Dans le volet qualitatif de l’étude, les fidèles ont exprimé leur appréciation pour Black PRAISE même si le programme remettait en question certaines de leurs croyances et de leurs idées à l’égard du VIH et des personnes touchées2.   

Description du programme1

Black PRAISE avait pour but d’accroître les connaissances sur le VIH et à réduire la stigmatisation au sein des Églises noires. Employant une approche centrée sur les congrégations, le programme s’efforçait d’inciter les fidèles à faire une évaluation critique de leurs croyances et de leurs connaissances individuelles se rapportant au VIH et à la stigmatisation liée au VIH. Le programme visait aussi à renforcer la capacité des Églises à aborder les enjeux de santé importants touchant les communautés noires.

Le programme Black PRAISE utilisait une approche participative qui lui permettait de solliciter l’implication des pasteurs et des fidèles. Le programme s’est déroulé dans six Églises noires de l’Ontario (Toronto, Mississauga, Ottawa) qu'une consultation communautaire avait permis de cerner. Les pasteurs/chefs de chaque Église étaient des hommes d’origine caraïbéenne ou africaine.

Aux fins de ce programme, on a créé un contenu facile à utiliser se rapportant à l’impact du VIH dans les communautés noires sous la forme d’un livret, d’un sermon et d’un court-métrage. On présentait les composantes de l’intervention en séquence au fil du temps afin d’aborder de nombreux enjeux liés à la stigmatisation. Les ressources suivantes portaient sur les connaissances et la stigmatisation liées au VIH et visaient à promouvoir la conscience critique :

  • Livret : Pour contrer la peur du VIH, le livret offrait de l’information sur les modes de transmission du virus, les méthodes de dépistage et la prévention dans les communautés noires. Il abordait également les questions de l’équité, de la justice et des déterminants sociaux de la santé, en plus de fournir des données de recherche sur l’impact disproportionné du VIH sur les communautés noires et des renseignements spécifiques sur les programmes de lutte contre le VIH ciblant les communautés noires de l’Ontario.
  • Sermon : Les pasteurs prononçaient un sermon sur l’amour, la compassion et la justice sociale devant les membres de leur congrégation. Le sermon faisait référence à des enseignements bibliques se rapportant à la réduction de la stigmatisation et incluait des anecdotes sur les expériences de la stigmatisation dans les congrégations. Grâce à ces anecdotes, le sermon faisait entendre la voix de personnes vivant avec le VIH.
  • Court-métrage : Dans un petit film de huit minutes, des Canadiens de race noire discutaient de la stigmatisation liée au VIH et des façons dont l’Église pourrait aider à réduire cette stigmatisation. Le film illustrait également comment la stigmatisation liée au VIH coexistait avec d'autres dimensions de l’oppression sociale comme le racisme, le sexisme et l’hétérosexisme, en plus de montrer la diversité des populations noires touchées directement par le VIH. Le film était présenté durant les offices religieux.

Les ressources étaient distribuées et/ou présentées aux fidèles pendant leur office régulier du samedi ou du dimanche selon un horaire convenu.

Résultats

On a mené une étude sur le programme entre octobre 2016 et mars 2017 afin d’évaluer, à l’aide de sondages, les connaissances et la stigmatisation avant l’intervention, immédiatement après celle-ci et de nouveau trois mois plus tard. Même si l’intervention s’adressait à toutes les personnes présentes lors des offices du samedi et du dimanche où les ressources (livret, sermon, court-métrage) étaient partagées, seuls les membres s’identifiant comme Africains, Caraïbéens ou Noirs étaient invités à participer aux sondages. Les connaissances se rapportant au VIH et à la stigmatisation liée au VIH étaient évalués à l’aide d’outils validés distincts1.

Un total de 173 participants ont rempli le sondage initial, ainsi qu’au moins un des sondages réalisés après l’intervention. Les participants s’identifiaient majoritairement comme Caraïbéens (54 %) ou Noirs (52 %), de sexe féminin (74 %), hétérosexuels (98 %) et nés à l’étranger (68 %). De plus, 48 % des participants disaient avoir été testés pour le VIH au moins une fois, et 95 % d’entre eux affirmaient être séronégatifs ou n’avaient jamais fait l’objet d’un diagnostic de VIH. Environ 47 % des participants indiquaient avoir été exposés à une composante de l’intervention, et 38 % disaient avoir été exposés aux trois composantes. Les chercheurs ont observé ce qui suit1 :

  • Une augmentation significative des connaissances sur le VIH a été constatée lorsque les connaissances du début ont été comparées à celles qui ont été rapportées immédiatement après l’intervention et lors du suivi effectué après trois mois.
  • Une analyse a révélé une baisse significative de la stigmatisation après l’intervention chez les participants qui avaient rapporté un niveau de stigmatisation élevé au début (c’est-à-dire les personnes dont le score de stigmatisation dépassait la moyenne du groupe).
  • Le score de stigmatisation a diminué significativement chez les participants exposés aux trois composantes de l’intervention, par rapport aux participants exposés à deux composantes ou à une seule.

Une étude qualitative du programme Black PRAISE a eu lieu entre juin et août 2017. Elle a consisté en 18 entrevues menées auprès de fidèles et de pasteurs des congrégations afin de comprendre leur expérience du programme, laquelle s’est généralement révélée positive. Certains fidèles ont avoué que le fait d’aborder la stigmatisation dans un contexte centré sur la foi créait un dilemme pour eux (p. ex., lorsqu’ils considéraient des comportements qui pouvaient exposer les gens au VIH à travers le prisme de leur religion). L’étude portait à croire que des interventions efficaces devraient favoriser une réflexion critique sur les thèses et les croyances implicites sous-jacentes qui motivent les organismes de foi, les chercheurs et les décideurs de la santé publique. De plus, ce processus de réflexion critique devrait se poursuivre à long terme afin d’assurer la longévité des interventions semblables2

Quelles sont les implications pour les prestataires de services?

Les prestataires de services pourraient envisager d’inviter les communautés de foi noires à jouer un rôle plus actif dans leur travail afin de mobiliser les communautés africaines, noires et caraïbéennes dans la réponse au VIH. L’utilisation d’une approche participative communautaire pour élaborer les programmes et les ressources pourrait aider à assurer la pertinence des ressources pour les populations ciblées, en plus de solliciter le soutien des chefs religieux et des membres des congrégations participantes. Les prestataires de services devraient également envisager l’emploi de nombreuses ressources pour aborder une variété de facteurs contribuant à la stigmatisation liée au VIH (p. ex., les croyances personnelles, les conditions systémiques) lorsqu’ils tentent de mobiliser les membres de la communauté dans ces efforts de sensibilisation critiques. La phase 2 du programme Black PRAISE s’adressera à un groupe plus nombreux et plus diversifié d’Églises noires situées partout en Ontario, en utilisant un processus simplifié que les Églises pourront employer afin d’administrer le programme.

Ressources connexes

Opération SprayNet (CATIE)

Many Men, Many Voices (3MV) (CATIE)

Programme de gestion de cas en promotion de la santé (CATIE)

Références

  1. Husbands W, Kerr J, Calzavara L et al. Black PRAISE: engaging Black congregations to strengthen critical awareness of HIV affecting Black Canadian communities. Health Promotion International 2020.  Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.1093/heapro/daaa057
  2. Husbands H, Nakamwa J, Tharao W et al. Love, judgement and HIV: congregants’ perspectives on an intervention for Black churches to promote critical awareness of HIV affecting Black Canadians. Journal of Racial and Ethnic Health Disparities 2020. Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.1007/s40615-020-00808-5

 

Dépistage de l’hépatite C au point de service par des travailleurs communautaires pairs

Dépistage de l’hépatite C au point de service par des travailleurs communautaires pairs

Toronto, Ontario
2020

Dans le cadre de ce programme, mis en œuvre à Toronto, en Ontario, des travailleurs communautaires pairs ont fait passer un test de dépistage aux personnes qui s’injectent des drogues en vue de leur faciliter l’accès aux soins contre l’hépatite C. Les travailleurs communautaires pairs étaient d’anciens ou d’actuels bénéficiaires d’un programme communautaire ayant une expérience concrète de l’hépatite C et de la consommation de drogues. Ils ont fait passer des tests de détection des anticorps de l’hépatite C au point de service aux membres de groupes marginalisés qui se heurtent à des obstacles en matière d’accès aux services de santé classiques et qui, malgré un risque élevé d’infection par l’hépatite C, ne connaissent pas leur état sérologique ou ne reçoivent pas de soins.

Les résultats de l’étude ont révélé que le dépistage par les travailleurs communautaires pairs et la connaissance par les individus de leur état sérologique quant aux anticorps n’amélioraient pas les niveaux d’accès aux soins contre l’hépatite C. Néanmoins, cette étude a permis d’établir que le dépistage par des personnes ayant une expérience concrète en la matière sont une solution de rechange possible aux tests effectués en clinique par les fournisseurs de soins, et qu’ils permettent de mieux servir des groupes plus marginalisés. Cette approche contribue à élargir l’accès au dépistage pour les populations marginalisées et à leur faire connaître leur état sérologique quant aux anticorps dirigés contre l’hépatite C.

Description du programme

L’objectif de ce programme consistait à ce que des travailleurs communautaires pairs fassent passer des tests de détection des anticorps contre l’hépatite C au point de service à des populations marginalisées, et à déterminer si un test au point de service serait un outil utile pour inciter les personnes concernées à recevoir des soins contre l’hépatite C. Les populations visées comprenaient les personnes confrontées à des taux élevés de pauvreté, d’instabilité des conditions de logement et de consommation de drogues injectables, qui n’ont généralement pas accès aux services sociaux et de santé classiques. Le programme a été mis en place dans le cadre d’une étude de recherche menée par le Programme communautaire sur l’hépatite C de Toronto.

Onze travailleurs communautaires ayant une expérience concrète de l’hépatite C et de la consommation de drogues, ou actuellement aux prises avec ces problèmes, ont été embauchés, formés et soutenus en vue de dispenser de l’information sur l’hépatite C et d’effectuer des tests de dépistage au point de service. Tous les travailleurs étaient d’anciens clients ayant suivi un traitement dispensé par le Programme communautaire sur l’hépatite C de Toronto. Les travailleurs communautaires pairs ont été formés en vue de faire passer des tests de dépistage au point de service (et de prodiguer des conseils avant et après le test) et de fournir de l’information sur l’hépatite C. Des réunions hebdomadaires ont eu lieu afin d’apporter un soutien aux travailleurs communautaires.

Des personnes ayant de longs antécédents de consommation de drogues injectables et qui ne savaient pas si elles étaient atteintes de l’hépatite C ont été invitées à passer un test de dépistage. Il s’agissait de personnes faisant partie des réseaux personnels de chaque travailleur communautaire pair et de personnes rencontrées dans des cadres autres que ceux des soins de santé (centres d’accueil communautaires, lieux publics, domiciles privés, etc.). En plus d’effectuer des tests de dépistage, les travailleurs communautaires pairs ont dispensé de l’information sur l’hépatite C.

Les tests de dépistage ont été effectués au point de service sur du sang prélevé au moyen d’une piqûre au doigt. Toute cette opération durait environ 30 minutes, incluant les conseils prodigués avant et après les tests. Les participants dont les résultats étaient positifs ont été informés de l’horaire d’accueil des infirmières du programme et ont été orientés en vue d’autres examens de suivi.

Résultats

L’étude reposait sur un modèle d’essai contrôlé à répartition aléatoire : la moitié des personnes abordées sur le terrain ont passé un test au point de service et l’autre moitié ont été orientées vers une infirmière du programme afin qu’elles passent le test selon les modalités habituelles. L’étude visait à évaluer si les participants ont consulté l’infirmière du programme dans les six mois qui ont suivi le test effectué au point de service par le travailleur communautaire pair, et s’ils ont pris connaissance de leur état sérologique quant aux anticorps. Ces résultats ont été comparés avec ceux obtenus dans le groupe ayant reçu les « soins habituels » et qui avaient été orientés vers une infirmière du programme par des travailleurs communautaires.

L’étude s’est déroulée entre novembre 2018 et février 2019. Pour y être admissibles, les personnes devaient être âgées de 18 ans ou plus, avoir des antécédents de consommation de drogues injectables et ne pas avoir connaissance de leur état sérologique quant à l’hépatite C. En l’espace de 14 semaines, 920 personnes ont été invitées à y participer. Au total, 380 personnes ont rempli les critères d’admissibilité de l’étude et y ont participé. Parmi elles, 195 ont passé le test de dépistage au point de service et 185 ont fait partie du groupe des « soins habituels ».

Les participants des deux groupes ont principalement été abordés dans le cadre d’activités d’intervention dans des espaces publics (66 %) et la majorité d’entre eux étaient jusque-là inconnus des travailleurs communautaires (72 %). Soixante-six pour cent des personnes à qui on a fait passer un test de dépistage ont déclaré avoir consommé des drogues injectables au cours des 30 derniers jours. Cependant, 61 % d’entre elles n’avaient jamais passé de test de dépistage de l’hépatite C.

Le taux de résultats positifs était élevé dans le groupe des participants ayant passé un test au point de service, soit 39 % (77/195) de résultats positifs pour les anticorps dirigés contre l’hépatite C. Cependant, seuls 3 % d’entre eux (6/195) ont effectué au moins une visite de suivi chez une infirmière du programme de traitement de l’hépatite C. Dans le groupe des « soins habituels », 3 % (5/185) des participants ont effectué une visite chez une infirmière du programme de traitement de l’hépatite C. On ne dispose pas de données sur l’état sérologique quant aux anticorps dirigés contre l’hépatite C des participants du groupe des « soins habituels ».

En comparant les deux groupes, on n’a pas constaté de différence significative quant au nombre de personnes qui se sont présentées à un rendez-vous chez une infirmière traitante. D’après les auteurs, le nombre de personnes ayant fait l’objet d’un suivi était trop faible dans les deux groupes pour permettre aux chercheurs de déterminer valablement l’incidence du programme sur le recours aux soins contre l’hépatite C. Bien qu’ils n’en aient pas fait mention dans leur analyse, les auteurs ont indiqué dans un échange personnel qu’il était prévisible que les personnes ayant obtenu un résultat négatif au test de dépistage au point de service soient moins enclines à se présenter à un rendez-vous chez une infirmière.

Qu’est-ce que cela signifie pour les fournisseurs de services?

Les résultats de cette étude montrent que le dépistage par des travailleurs communautaires sans formation clinique, qui peuvent aussi fournir des conseils avant et après les tests, est une option réalisable et efficace. Cette approche est susceptible d’étendre la diffusion du dépistage de l’hépatite C en le sortant du domaine des soins de santé pour le faire entrer dans le milieu communautaire. C’est un moyen d’aider les fournisseurs de services à toucher les populations marginalisées exposées à un risque élevé de contracter l’hépatite C, comme en témoignent les taux élevés de résultats positifs aux tests de dépistage au point de service observés dans le cadre de cette étude.

Toutefois, cette étude a permis de montrer que le dépistage par des travailleurs communautaires et la connaissance par les personnes concernées de leur état sérologique quant aux anticorps n’amélioraient pas le niveau d’accès aux soins. Cet état de fait peut être lié à d’autres obstacles de la recherche de soins, notamment la stigmatisation, la méfiance à l’égard des fournisseurs de soins et le conflit des priorités en matière de pauvreté et de crise des surdoses. Cela peut aussi indiquer que des mesures de soutien supplémentaires, telles que les interventions pivots auprès des patients ou les soins infirmiers itinérants, sont nécessaires pour mieux faire participer les populations marginalisées à leurs soins. Néanmoins, le dépistage par des travailleurs communautaires a permis de faire connaître leur état sérologique quant à l’hépatite C à un grand nombre de personnes qui, autrement, n’auraient sans doute pas passé de test.

Le dépistage par les travailleurs communautaires pairs permet également de mobiliser et d’employer plus efficacement les personnes ayant déjà bénéficié d’un programme de lutte contre l’hépatite C. Ceux qui font partie de réseaux de consommateurs de drogues et qui ont personnellement été touchés par l’hépatite C sont mieux à même de faire participer les gens du fait de leur connaissance particulière de ce milieu et parce qu’ils partagent la façon de penser des clients potentiels.

Ressources connexes

Élargir le dépistage et le traitement de l’hépatite C par l’entremise de la délégation des tâches (CATIE)

Le transfert des tâches dans les services de dépistage du VIH (CATIE)

Lignes directrices de pratique pour les pairs navigateurs de la santé auprès des personnes vivant avec le VIH (CATIE)

Référence

Broad J, Mason K, Guyton M et al. Peer outreach point-of-care testing as a bridge to hepatitis C care for people who inject drugs in Toronto, Canada. International Journal of Drug Policy. 2020;80.