Un approvisionnement sûr : programme de distribution de comprimés d’hydromorphone au centre de prévention des surdoses Molson

Un approvisionnement sûr : programme de distribution de comprimés d’hydromorphone au centre de prévention des surdoses Molson

Vancouver, C.-B.
2020

Le site de prévention des surdoses (SPS) Molson de Vancouver abrite un service de consommation de drogues supervisée, un service de contrôle des drogues, un service de traitement par des agonistes opioïdes injectables et un programme de distribution de comprimés d’hydromorphone. Le programme de distribution de comprimés d’hydromorphone est un programme d’approvisionnement sûr qui offre une solution de rechange encadrée aux personnes les plus susceptibles de faire une surdose de produits opioïdes contenant du fentanyl provenant du marché illicite. Les facteurs qui favorisent la participation au programme d’approvisionnement sûr sont notamment le modèle dont les critères d’accessibilité sont peu exigeants, le regroupement de services au SPS, la souplesse et les possibilités de choix accordées aux participants. Les obstacles à la participation sont notamment les horaires d’ouverture limités du SPS, les restrictions liées à la distribution des doses, les délais d’attente pour bénéficier des services du SPS et le malaise auquel peuvent être confrontés les clients qui veulent en bénéficier. Dans l’ensemble, le programme a été bien accueilli par les participants et a permis de tirer des enseignements utiles pour la mise en œuvre d’autres programmes d’approvisionnement sûr et de réduction des méfaits au Canada.

Description du programme

Le programme de distribution de comprimés d’hydromorphone est dispensé au SPS Molson dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, au Canada. Le programme a été lancé en 2019 par la Portland Hotel Society (PHS), une agence de logement et de services sociaux qui dirige le SPS Molson. L’objectif de ce programme d’approvisionnement sûr est d’offrir une solution de rechange encadrée à la consommation d’opioïdes illicites afin de réduire le risque de surdose.

Le SPS Molson est un centre de réduction des méfaits agréé par la province. En plus du programme de distribution d’hydromorphone, le SPS Molson dispense un service de consommation de drogues supervisée, un service de contrôle des drogues (permettant de déterminer quelles substances sont présentes dans un échantillon de drogue) et un service de traitement par des agonistes opioïdes injectables (fourni par une clinique PHS adjacente). Le SPS Molson est considéré comme un modèle de services particulièrement facile d’accès car il permet le partage de substances et l’injection assistée par les pairs.

Le programme est dispensé par la clinique de soins primaires PHS, qui est rattachée au SPS. Il s’adresse aux personnes qui présentent un risque élevé de surdose mortelle et qui ne sont pas actuellement inscrites ou désireuses de s’inscrire à des programmes de traitement médicamenteux comme le traitement par agonistes opioïdes. Les participants bénéficient du programme par le biais du SPS, pendant les heures d’ouverture (de 13 h 30 à 22 h 30 tous les jours). Les comprimés d’hydromorphone sont distribués aux participants par une fenêtre coulissante par des infirmières occupant un poste de soins infirmiers à l’intérieur du SPS. Les participants sont autorisés à interrompre leur participation au programme à tout moment et à la reprendre sans avoir à être réinscrits sur la liste d’attente.

Les participants sont inscrits au programme par des médecins de soins primaires de la clinique PHS, qui se présentent également au SPS deux fois par semaine. Les participants se voient prescrire une dose hebdomadaire pouvant totaliser jusqu’à l’équivalent de 80 milligrammes par jour. Les participants peuvent recevoir jusqu’à 2 comprimés de 8 milligrammes à la fois et peuvent revenir pour obtenir des doses supplémentaires au plus 5 fois par jour, avec une période d’attente minimale d’une heure entre deux prises.

Pour éviter que les comprimés ne soient détournés vers le marché illicite, les participants doivent les prendre sur place sous surveillance (qu’ils prennent la dose par voie orale, qu’ils la reniflent ou se l’injectent). Cependant, depuis avril 2020, les doses « à emporter » sont autorisées en vertu des directives de prescription d’urgence liées à la pandémie de COVID-19 en vigueur en Colombie-Britannique. Un petit sous-groupe de participants reçoit de l’hydromorphone sous forme de solution injectable au lieu de comprimés pour des raisons de préférence personnelle, notamment ceux qui ont déjà suivi un programme de traitement par agonistes opioïdes injectables.

En février 2020, 69 participants étaient inscrits au programme.

Résultats

Cette étude a consisté en des entretiens avec 42 participants au programme, combinés à une observation ethnographique menée au SPS tout au long de l’année 2019. L’objectif était de déterminer les principaux facteurs qui entravent et favorisent la participation des bénéficiaires au programme de distribution de comprimés d’hydromorphone.

L’étude a permis d’établir que les principaux facteurs qui favorisent la participation au programme sont les suivants :

  • L’accès à une source fiable et régulière d’opioïdes permet aux participants d’avoir plus de contrôle sur leur consommation de drogues, et a pour effet d’atténuer considérablement leur crainte d’une surdose et de limiter leurs activités illicites visant à se procurer de la drogue dans la rue.
  • Le programme est dispensé au SPS Molson, un lieu central, sûr et très accessible, où de nombreux participants bénéficiaient déjà d’autres services de réduction des méfaits.
  • Les participants ont de la latitude et du choix en ce qui concerne les modalités d’utilisation du programme, par exemple pour ce qui est des diverses méthodes de consommation (p. ex., par voie orale, intranasale ou par injection), des périodes et de la fréquence de recours au programme.

L’étude a permis d’établir que les principaux facteurs qui entravent la participation au programme sont les suivants : 

  • Les horaires de service limités du programme, en particulier le matin, lorsque les effets de sevrage peuvent se déclarer, ont fait en sorte que de nombreux participants se sont tournés vers des sources d’opioïdes illicites en dehors des heures de service du programme (toutefois, ce problème est peut-être moins marqué maintenant que des doses à emporter sont disponibles).
  • Le regroupement avec les services du SPS impliquait des délais d’attente parfois longs pour ce qui est de l’accès au programme, notamment pendant les heures de pointe.
  • Les intervalles horaires exigés entre les doses distribuées impliquaient également que les participants ne pouvaient pas recevoir leur dose quotidienne complète sans se présenter plusieurs fois dans la journée. Très peu de participants ont reçu la quantité maximale de cinq doses quotidiennes.
  • Le SPS, dans lequel les participants doivent entrer pour bénéficier du programme, peut également constituer un environnement déclencheur ou source de malaise pour les personnes qui essayent de réduire leur consommation de drogues, ou celles qui n’ont pas eu recours à des services de consommation supervisée avant de prendre part au programme.
  • Certaines personnes se sont plaintes du fait que l’hydromorphone en comprimés de marque générique distribuée pendant un temps où le médicament de marque n’était pas disponible, était moins puissante et difficile à injecter.

Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?

Cette étude a mis en évidence un certain nombre de facteurs clés qui favorisent et entravent la participation des bénéficiaires du programme de distribution de comprimés d’hydromorphone. Ces éléments peuvent être mis à profit dans la planification et la mise en œuvre d’autres programmes d’approvisionnement sûr et, plus généralement, d’autres programmes de réduction des méfaits facilement accessibles. Plus précisément, le regroupement avec d’autres services et la flexibilité du programme permettent d’assouplir les critères d’accessibilité, surtout en ce qui concerne les personnes les plus marginalisées.

Un certain nombre d’obstacles sont par ailleurs directement ou indirectement liés à des facteurs individuels, sociaux et structurels tels que le logement, la mobilité et la pauvreté. Le recoupement de ces facteurs est à prendre en compte au moment de concevoir et de mettre en œuvre d’autres programmes d’approvisionnement sûr et de prévention des surdoses.

Cela étant, l’étude révèle que les programmes d’approvisionnement sûr peuvent constituer une intervention de santé publique réalisable en vue de faire face à la crise des surdoses. Certains obstacles existent, mais ils peuvent être surmontés si l’on examine les modalités de prestation du programme. Selon les auteurs, dans l’ensemble, le programme a été très bien accueilli par les participants. Au regard du nombre élevé d’inscriptions et des longues listes d’attente, ils ont souligné la nécessité d’étendre la portée des programmes d’approvisionnement sûr.

Ressources connexes

Service de consommation supervisée keepSIX (CATIE)

Programme de traitement de l’hépatite C au Service de consommation et de traitement de Moss Park (CATIE)

La réduction des méfaits à l’œuvre : Services de consommation supervisée et sites de prévention des surdoses (CATIE)

Références

  1. Ivsins A, Boyd J, Mayer S et al. Barriers and facilitators to a novel low-barrier hydromorphone distribution program in Vancouver, Canada: a qualitative study. Drug and Alcohol Dependence. 2020 Sep 15: 108202.
  2. Olding M, Ivsins A, Mayer S et al. A low-barrier and comprehensive community-based harm-reduction site in Vancouver, Canada. Public Health Practice. 2020; 110(6): 833-5.

 

Le dépistage du VIH aux points de service par des pharmaciens

Le dépistage du VIH aux points de service par des pharmaciens

Terre-Neuve-et-Labrador et Alberta, Canada
2020

Un programme pilote offrant le dépistage du VIH aux points de service (DPS) s’est tenu dans deux provinces canadiennes, soit Terre-Neuve-et-Labrador et l’Alberta, dans le but d’élargir l’accès au dépistage du VIH et d’assurer l’arrimage aux soins. Le programme a fait appel aux pharmaciens de quatre pharmacies communautaires afin d’offrir le DPS du VIH, y compris du counseling prétest et post-test. Les trois quarts des personnes testées couraient un risque modéré à élevé de contracter le VIH, et 27 % d’entre elles se faisaient tester pour la première fois. Les pharmacies se sont révélées être des endroits acceptables pour faire le DPS du VIH aux yeux des pharmaciens et des clients; les pharmaciens se sentaient prêts à offrir le dépistage et avaient confiance en leur capacité à le faire, et les clients se disaient à l’aise de se faire tester par des pharmaciens. Presque tous les participants (99 %) à une étude sur le programme pilote ont indiqué que le DPS du VIH devrait être offert régulièrement dans les pharmacies.

Description du programme

Des comités consultatifs ont été créés en Alberta et à Terre-Neuve pour aider à la conception du programme pilote. Les comités se composaient de divers intervenants, dont des responsables de la santé publique, des décideurs de politiques, des pharmaciens, des travailleurs de la santé spécialisés dans la prise en charge des personnes séropositives et des personnes vivant avec le VIH.

En vertu de ce programme, le dépistage gratuit du VIH aux points de service était offert par des pharmaciens travaillant dans quatre pharmacies communautaires urbaines ou rurales de l’Alberta et de Terre-Neuve. Pour faire la promotion du programme, on a eu recours aux journaux, aux médias sociaux (p. ex., Grindr), à la distribution d’affiches dans les communautés, ainsi qu’aux organismes desservant des personnes potentiellement à risque de contracter le VIH. Pour demander un DPS du VIH, les clients pouvaient s’adresser à l’un des quatre sites en prenant rendez-vous ou en se présentant durant les heures de dépistage sans rendez-vous.

Au moins un pharmacien ou une pharmacienne dans chaque pharmacie avait suivi une formation pour participer au programme, laquelle incluait un volet sur le consentement et le counseling prétest et post-test et un autre sur le mode d’emploi du test et l’interprétation des résultats. Les pharmaciens recevaient de l’information pour faciliter l’aiguillage des clients recevant un résultat réactif au test de dépistage, y compris une liste de services de soutien dans leur région.

Les pharmacies participantes avaient une salle privée où les clients et les pharmaciens se rencontraient pour faire le counseling prétest et post-test et le test de dépistage. Ils utilisaient régulièrement le test rapide de dépistage des anticorps INSTI VIH-1/VIH-2 (pour lequel on prélève un échantillon de sang par piqûre du doigt). Les résultats, qui étaient prêts en moins d’une minute, étaient interprétés par les pharmaciens puis partagés avec les clients. Les pharmaciens effectuaient le counseling prétest et post-test, qui incluait de l’information sur le dépistage d’autres infections transmissibles sexuellement et par le sang.

Advenant un résultat réactif, les pharmaciens remplissaient une demande qu’ils donnaient aux clients pour effectuer des prélèvements de sang additionnels servant aux tests de confirmation, en plus de leur offrir du counseling et de les diriger vers des soutiens connexes. On envoyait les résultats des tests de confirmation à une infirmière praticienne ou à un médecin désigné, selon le plan d’arrimage aux soins établi dans chaque province.

Résultats

Pour évaluer le programme pilote, on a mené l’étude APPROACH afin de déterminer, à l’aide d’une méthodologie mixte, la faisabilité et l’acceptabilité d’un programme de DPS du VIH offert par un pharmacien. L’étude a eu lieu entre février et septembre 2017. On a demandé aux clients de remplir deux questionnaires, le premier avant et le deuxième après le test, et de participer à une entrevue téléphonique semi-structurée sur leur expérience du dépistage. Pour connaître la perspective des pharmaciens, on a tenu des groupes de discussion afin qu’ils partagent leurs impressions sur la formation et les soutiens fournis, ainsi que leurs idées concernant le potentiel d’expansion et la durabilité éventuelle du programme.

Un total de 123 dépistages a été réalisé (10 % en collectivités rurales), et un seul test réactif a été recensé. On a dirigé la personne en question vers un service de dépistage de confirmation et ensuite vers le programme du VIH provincial dans les 72 heures suivant son test de dépistage. Voici d’autres résultats à signaler :

  • Les pharmaciens passaient en moyenne 30 minutes à compléter le processus de dépistage, y compris le counseling prétest et post-test.
  • 27 % des clients ont souligné qu’il s’agissait de leur premier test de dépistage du VIH. Sur ce nombre, 69 % couraient un risque modéré à élevé d’avoir une infection au VIH non diagnostiquée.
  • 75 % des participants couraient un risque modéré à très élevé d’avoir une infection au VIH1 (47 % s’identifiaient comme des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, 7 % avaient échangé auparavant des actes sexuels contre de l’argent ou des drogues, et 5 % avaient des antécédents de consommation de drogues intraveineuses).

Les questionnaires des clients ont donné les résultats suivants :

  • Les clients se sentaient à l’aise de se faire tester à la pharmacie et faisaient totalement confiance en la capacité des pharmaciens à effectuer le test.
  • Les clients se faisaient tester à la pharmacie parce qu’ils pouvaient recevoir le résultat immédiatement, et car le test avait lieu dans une salle privée.
  • 99 % des clients affirmaient que le dépistage du VIH devrait être offert régulièrement dans les pharmacies.
  • 78 % des clients indiquaient qu’ils seraient prêts à payer le DPS du VIH dans une pharmacie.

Selon les résultats des groupes de discussion, les pharmaciens trouvaient que :

  • la formation les préparait bien à participer au programme
  • le plan d’arrimage aux soins établi par le comité consultatif était un élément clé du programme
  • il serait important de former plusieurs pharmaciens à effectuer le dépistage afin d’accroître l’accessibilité
  • l’absence de rémunération posait un défi majeur en ce qui concernait l’expansion et la durabilité du programme
  • le DPS du VIH faisait partie de leur rôle et de leur identité professionnels.

Quelles sont les implications pour les prestataires de services?

Les prestataires de services devraient envisager des moyens d’offrir le DPS du VIH à divers endroits de la communauté afin qu’il soit possible de joindre plus de gens à tester et d’éliminer les obstacles rencontrés par des clients éventuels (p. ex., les préoccupations relatives à la vie privée et à la discrétion). Les pharmacies offrent un moyen de normaliser l’expérience du dépistage dans un milieu qui est familier aux gens. Les pharmaciens qui ont participé à cette étude ont indiqué que l’offre du DPS du VIH se conformait à la vision qu’ils avaient de leur rôle et de leur identité professionnels.

Les prestataires de services qui s’intéressent à créer un programme semblable devraient prendre en considération les changements qu’il faudrait apporter aux processus de travail afin de le mettre sur pied dans une pharmacie (p. ex., personnel de soutien, documentation des résultats, plan de suivi). Ils devraient également envisager de rémunérer les pharmaciens pour offrir ce service de dépistage, ainsi que la nécessité de se doter d’un personnel adéquat afin qu’un pharmacien formé puisse être disponible et offrir plus de flexibilité aux clients par rapport aux heures de service sans rendez-vous. Il est également important que les prestataires de services mettent en place un plan adéquat d’arrimage aux soins pour les clients recevant un résultat réactif au DPS. L’assurance de la qualité du processus de dépistage et les normes de pratique régissant la capacité des pharmaciens à effectuer le DPS du VIH dans chaque province ou territoire devraient également être prises en compte lors de la création du programme.

Ressources connexes

Le transfert des tâches dans les services de dépistage du VIH

Dépistage rapide du VIH aux points de service : Un examen des données probantes

Référence

Kelly DV, Kielly J, Hughes C et al. Expanding access to HIV testing through Canadian community pharmacies: findings from the APPROACH study. BMC Public Health. 2020;20:639.

  1. Le risque de VIH était fondé sur le Denver HIV Risk Score se servant des données captées par le premier questionnaire rempli par les participants. Un score de 30 points ou plus indiquait un risque accru d’avoir une infection au VIH non diagnostiquée et la nécessité d’offrir à la personne des tests de dépistage du VIH régulièrement.

Black PRAISE : Une intervention pour sensibiliser les congrégations noires à l’impact du VIH dans les communautés noires

Black PRAISE : Une intervention pour sensibiliser les congrégations noires à l’impact du VIH dans les communautés noires

Ontario, Canada
2020

Black PRAISE (Pastors Raising Awareness and Insight of Stigma through Engagement) est un programme de sensibilisation dont l’objectif consiste à accroître les connaissances sur le VIH et à contrer la stigmatisation en renseignant les congrégations noires sur le VIH en Ontario, Canada. Le programme présente de l’information sous la forme d’un livret, d’un sermon et d’un court-métrage afin de renforcer la conscience critique des fidèles des congrégations à l’égard des enjeux liés au VIH touchant les communautés noires. Dans le volet quantitatif d’une étude ayant évalué le programme, Black PRAISE a été associé à une augmentation des connaissances sur le VIH et à une réduction de la stigmatisation parmi les fidèles des congrégations qui ont bénéficié de l’intervention1. Dans le volet qualitatif de l’étude, les fidèles ont exprimé leur appréciation pour Black PRAISE même si le programme remettait en question certaines de leurs croyances et de leurs idées à l’égard du VIH et des personnes touchées2.   

Description du programme1

Black PRAISE avait pour but d’accroître les connaissances sur le VIH et à réduire la stigmatisation au sein des Églises noires. Employant une approche centrée sur les congrégations, le programme s’efforçait d’inciter les fidèles à faire une évaluation critique de leurs croyances et de leurs connaissances individuelles se rapportant au VIH et à la stigmatisation liée au VIH. Le programme visait aussi à renforcer la capacité des Églises à aborder les enjeux de santé importants touchant les communautés noires.

Le programme Black PRAISE utilisait une approche participative qui lui permettait de solliciter l’implication des pasteurs et des fidèles. Le programme s’est déroulé dans six Églises noires de l’Ontario (Toronto, Mississauga, Ottawa) qu'une consultation communautaire avait permis de cerner. Les pasteurs/chefs de chaque Église étaient des hommes d’origine caraïbéenne ou africaine.

Aux fins de ce programme, on a créé un contenu facile à utiliser se rapportant à l’impact du VIH dans les communautés noires sous la forme d’un livret, d’un sermon et d’un court-métrage. On présentait les composantes de l’intervention en séquence au fil du temps afin d’aborder de nombreux enjeux liés à la stigmatisation. Les ressources suivantes portaient sur les connaissances et la stigmatisation liées au VIH et visaient à promouvoir la conscience critique :

  • Livret : Pour contrer la peur du VIH, le livret offrait de l’information sur les modes de transmission du virus, les méthodes de dépistage et la prévention dans les communautés noires. Il abordait également les questions de l’équité, de la justice et des déterminants sociaux de la santé, en plus de fournir des données de recherche sur l’impact disproportionné du VIH sur les communautés noires et des renseignements spécifiques sur les programmes de lutte contre le VIH ciblant les communautés noires de l’Ontario.
  • Sermon : Les pasteurs prononçaient un sermon sur l’amour, la compassion et la justice sociale devant les membres de leur congrégation. Le sermon faisait référence à des enseignements bibliques se rapportant à la réduction de la stigmatisation et incluait des anecdotes sur les expériences de la stigmatisation dans les congrégations. Grâce à ces anecdotes, le sermon faisait entendre la voix de personnes vivant avec le VIH.
  • Court-métrage : Dans un petit film de huit minutes, des Canadiens de race noire discutaient de la stigmatisation liée au VIH et des façons dont l’Église pourrait aider à réduire cette stigmatisation. Le film illustrait également comment la stigmatisation liée au VIH coexistait avec d'autres dimensions de l’oppression sociale comme le racisme, le sexisme et l’hétérosexisme, en plus de montrer la diversité des populations noires touchées directement par le VIH. Le film était présenté durant les offices religieux.

Les ressources étaient distribuées et/ou présentées aux fidèles pendant leur office régulier du samedi ou du dimanche selon un horaire convenu.

Résultats

On a mené une étude sur le programme entre octobre 2016 et mars 2017 afin d’évaluer, à l’aide de sondages, les connaissances et la stigmatisation avant l’intervention, immédiatement après celle-ci et de nouveau trois mois plus tard. Même si l’intervention s’adressait à toutes les personnes présentes lors des offices du samedi et du dimanche où les ressources (livret, sermon, court-métrage) étaient partagées, seuls les membres s’identifiant comme Africains, Caraïbéens ou Noirs étaient invités à participer aux sondages. Les connaissances se rapportant au VIH et à la stigmatisation liée au VIH étaient évalués à l’aide d’outils validés distincts1.

Un total de 173 participants ont rempli le sondage initial, ainsi qu’au moins un des sondages réalisés après l’intervention. Les participants s’identifiaient majoritairement comme Caraïbéens (54 %) ou Noirs (52 %), de sexe féminin (74 %), hétérosexuels (98 %) et nés à l’étranger (68 %). De plus, 48 % des participants disaient avoir été testés pour le VIH au moins une fois, et 95 % d’entre eux affirmaient être séronégatifs ou n’avaient jamais fait l’objet d’un diagnostic de VIH. Environ 47 % des participants indiquaient avoir été exposés à une composante de l’intervention, et 38 % disaient avoir été exposés aux trois composantes. Les chercheurs ont observé ce qui suit1 :

  • Une augmentation significative des connaissances sur le VIH a été constatée lorsque les connaissances du début ont été comparées à celles qui ont été rapportées immédiatement après l’intervention et lors du suivi effectué après trois mois.
  • Une analyse a révélé une baisse significative de la stigmatisation après l’intervention chez les participants qui avaient rapporté un niveau de stigmatisation élevé au début (c’est-à-dire les personnes dont le score de stigmatisation dépassait la moyenne du groupe).
  • Le score de stigmatisation a diminué significativement chez les participants exposés aux trois composantes de l’intervention, par rapport aux participants exposés à deux composantes ou à une seule.

Une étude qualitative du programme Black PRAISE a eu lieu entre juin et août 2017. Elle a consisté en 18 entrevues menées auprès de fidèles et de pasteurs des congrégations afin de comprendre leur expérience du programme, laquelle s’est généralement révélée positive. Certains fidèles ont avoué que le fait d’aborder la stigmatisation dans un contexte centré sur la foi créait un dilemme pour eux (p. ex., lorsqu’ils considéraient des comportements qui pouvaient exposer les gens au VIH à travers le prisme de leur religion). L’étude portait à croire que des interventions efficaces devraient favoriser une réflexion critique sur les thèses et les croyances implicites sous-jacentes qui motivent les organismes de foi, les chercheurs et les décideurs de la santé publique. De plus, ce processus de réflexion critique devrait se poursuivre à long terme afin d’assurer la longévité des interventions semblables2

Quelles sont les implications pour les prestataires de services?

Les prestataires de services pourraient envisager d’inviter les communautés de foi noires à jouer un rôle plus actif dans leur travail afin de mobiliser les communautés africaines, noires et caraïbéennes dans la réponse au VIH. L’utilisation d’une approche participative communautaire pour élaborer les programmes et les ressources pourrait aider à assurer la pertinence des ressources pour les populations ciblées, en plus de solliciter le soutien des chefs religieux et des membres des congrégations participantes. Les prestataires de services devraient également envisager l’emploi de nombreuses ressources pour aborder une variété de facteurs contribuant à la stigmatisation liée au VIH (p. ex., les croyances personnelles, les conditions systémiques) lorsqu’ils tentent de mobiliser les membres de la communauté dans ces efforts de sensibilisation critiques. La phase 2 du programme Black PRAISE s’adressera à un groupe plus nombreux et plus diversifié d’Églises noires situées partout en Ontario, en utilisant un processus simplifié que les Églises pourront employer afin d’administrer le programme.

Ressources connexes

Opération SprayNet (CATIE)

Many Men, Many Voices (3MV) (CATIE)

Programme de gestion de cas en promotion de la santé (CATIE)

Références

  1. Husbands W, Kerr J, Calzavara L et al. Black PRAISE: engaging Black congregations to strengthen critical awareness of HIV affecting Black Canadian communities. Health Promotion International 2020.  Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.1093/heapro/daaa057
  2. Husbands H, Nakamwa J, Tharao W et al. Love, judgement and HIV: congregants’ perspectives on an intervention for Black churches to promote critical awareness of HIV affecting Black Canadians. Journal of Racial and Ethnic Health Disparities 2020. Disponible à l’adresse : https://doi.org/10.1007/s40615-020-00808-5