Intégration de la prise en charge de l’hépatite C dans les cliniques communautaires de traitement de la dépendance aux drogues et à l’alcool

Melbourne, Australie
2021

Le programme consistait à intégrer le dépistage et le traitement de l’hépatite C dans des services communautaires et de soins primaires, notamment ceux qui sont axés sur le traitement de la dépendance aux drogues et à l’alcool. Des infirmières et infirmiers externes ont tenu des cliniques mobiles d’information, de dépistage et de traitement afin d’atteindre les personnes marginalisées, notamment celles qui sont logées précairement ou qui consomment des drogues. Dans le cadre de ce programme, 341 personnes ont reçu un diagnostic d’infection active par le virus de l’hépatite C sur une période de deux ans et demi, et 74 % d’entre elles ont entamé un traitement. Cette étude permet d’établir qu’un modèle de prise en charge de l’hépatite C intégré et mis en œuvre par du personnel infirmier est à la fois réalisable et efficace, s’agissant d’atteindre les groupes marginalisés.

Description du programme

Sites de mise en œuvre du programme

Dans le cadre du programme, du personnel infirmier spécialisé dans la prise en charge de l’hépatite C s’est rendu dans sept cliniques et un refuge pour sans-abri dans la banlieue de Melbourne, en Australie. Les sept cliniques offraient des services de traitement de la dépendance aux drogues ou à l’alcool et proposaient des programmes de traitement par agonistes opioïdes (TAO) ou des programmes de seringues et d’aiguilles (PSA). Ces sites accueillaient principalement des personnes présentant un risque élevé d’hépatite C, notamment des personnes qui consomment des drogues, sans-abri ou ayant des problèmes de santé mentale.

Cliniques mobiles de dépistage et de traitement

Le personnel infirmier a tenu des cliniques mobiles toutes les deux semaines ou toutes les semaines à chaque site. Les personnes étaient orientées vers l’infirmier ou l’infirmière par le personnel de la clinique, ou étaient directement abordées par l’infirmier ou l’infirmière durant leur passage. Le personnel infirmier a fourni des conseils concernant la réduction des méfaits, des services de dépistage de l’hépatite C et une orientation en vue d’un traitement.

Aux fins de l’orientation, le personnel infirmier effectuait un bilan de prise en charge pour les personnes prêtes à entamer un traitement. Il utilisait notamment un échographe portatif pour évaluer les lésions hépatiques, et organisait des consultations téléphoniques avec des spécialistes des maladies infectieuses ou des hépatologues, si nécessaire.

Dans la plupart des sites, un·e omnipraticien·ne ou un·e infirmier·ère praticien·ne était présent·e sur place ou à proximité, prêt·e à prescrire un traitement une fois que le personnel infirmier externe avait terminé le bilan de prise en charge. Un·e spécialiste participait aussi occasionnellement aux cliniques mobiles et pouvait prescrire un traitement si un·e prestataire de soins n’était pas présent·e. Toute personne chez qui on soupçonnait une cirrhose ou qui présentait une infection concomitante par l’hépatite B ou le VIH était orientée vers un spécialiste.

Le personnel infirmier effectuait des tests 12 semaines après la fin du traitement pour confirmer la guérison de l’hépatite C (réponse virologique soutenue ou RVS12).

Résultats

Diagnostic de l’hépatite C

Sur une période de deux ans et demi entre 2017 et 2019, 640 personnes ont participé aux cliniques mobiles. Sur les 518 personnes qui ont passé un test de dépistage de l’hépatite C, 381 (74 %) ont obtenu un résultat positif au test diagnostique d’une infection chronique par le virus de l’hépatite C. Parmi les personnes ayant obtenu un résultat positif :

  • 62 % avaient des antécédents établis de consommation de drogues injectables, et près de 70 % d’entre elles avaient utilisé des drogues injectables au cours des six derniers mois;
  • 47 % suivaient actuellement ou avaient déjà suivi un TAO;
  • 16 % consommaient plus de six boissons alcoolisées par jour;
  • 22 % étaient sans abri ou en situation de logement précaire;
  • 55 % avaient un problème de santé mentale diagnostiqué.

Traitement de l’hépatite C

Sur les 381 personnes chez qui une hépatite C chronique avait été établie, 74 % (281 personnes) ont entamé un traitement. C’est au refuge pour sans-abri que le taux de participation était le plus faible : 44 % seulement ont commencé un traitement. Dans tous les autres organismes, plus de 70 % des personnes ont entamé un traitement.

Les personnes qui suivaient un TAO étaient plus susceptibles de commencer un traitement, tandis que celles qui étaient logées précairement étaient moins susceptibles de le faire.

Parmi les 281 personnes qui ont entamé un traitement, seulement 57 % (161 personnes) sont revenues passer un test 12 semaines après la fin du traitement pour vérifier si elles étaient guéries (test de la RVS12). Parmi ces personnes, 98 % étaient guéries. Parmi les quatre personnes qui n’ont pas été guéries, une réinfection a été soupçonnée chez deux d’entre elles, et l’inobservance du traitement a été confirmée chez les deux autres. Dans tous les sites, le pourcentage de personnes revenues passer le test de la RVS12 n’a pas dépassé 70 %.

Type de prescripteur

Plus de 70 % des ordonnances ont été rédigées par des omnipraticiens·nes ou des infirmières ou infirmiers praticien·ne·s. Parmi les cas ayant nécessité l’intervention de spécialistes (p. ex. des médecins spécialisés dans les maladies infectieuses), 44 % concernaient des personnes atteintes d’une cirrhose établie ou soupçonnée.

Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?

Cette étude a permis de démontrer la faisabilité et l’efficacité d’un programme de lutte contre l’hépatite C dirigé par des infirmières et infirmiers et intégré à d’autres services de santé. Dans le cadre de ce programme, on a réussi à diagnostiquer, à traiter et à guérir un nombre relativement important de personnes à risque élevé de contracter l’hépatite C, y compris des personnes qui consommaient des drogues. L’intégration de la prise en charge de l’hépatite C dans des lieux où les usager·ère·s ont déjà accès à d’autres services est un moyen efficace d’atteindre les personnes les plus marginalisées.

Alors que nous nous efforçons d’atteindre l’objectif d’élimination de l’hépatite C au Canada, l’intégration d’infirmières et infirmiers externes dans de nouveaux cadres peut constituer un moyen efficace et rapide d’élargir la portée des services de lutte contre l’hépatite C. Les modèles mis en œuvre par du personnel infirmier sont également essentiels en vue de la prestation de soins centrés sur la clientèle et accessibles, en particulier pour les groupes marginalisés. Si l’on ajoute à cela la participation d’un plus grand nombre de prestataires de soins de santé primaires à titre de prescripteur·trice·s, on pourrait élargir la portée des services de dépistage et de traitement bien au-delà des hôpitaux ou des cliniques spécialisées.

Bien que cette étude ait principalement concerné l’intégration dans les milieux cliniques, il existe des exemples probants d’intégration dans d’autres services communautaires, notamment les centres de réduction des méfaits et les refuges. Cependant, des mécanismes de soutien plus importants ou plus nombreux peuvent s’avérer nécessaires dans ces contextes, car cette étude a révélé que l’observance du traitement était plus faible chez les personnes en situation de logement précaire.

Ressources connexes

L’intégration du traitement de l’hépatite C dans le Programme de seringues et d’aiguilles de Malmö

Un modèle de dépistage et de traitement de l’hépatite C dirigé par du personnel infirmier dans un service communautaire de santé mentale

Le traitement de l’hépatite C dans des programmes de réduction des méfaits pour les personnes qui consomment des drogues

Déclaration de CATIE sur l’efficacité du traitement de l’hépatite C chez les personnes qui consomment des drogues

Références

Harney B.L., Whitton B, Paige E et al. A multi-site, nurse-coordinated hepatitis C model of care in primary care and community services in Melbourne, Australia. Liver International. 2021;00:1-10.