L’intégration du traitement de l’hépatite C dans le Programme de seringues et d’aiguilles de Malmö

Malmö, Suède
2021

Le Programme de seringues et d’aiguilles de Malmö intègre le dépistage et le traitement de l’hépatite C dans un contexte de réduction des méfaits facilement accessible aux personnes qui utilisent des drogues. Lors d’une étude sur ce programme, des patient·e·s ont reçu un traitement de huit semaines administré directement au site du programme de seringues et d’aiguilles tout en recevant un soutien hebdomadaire de la part d’une équipe infirmière. L’étude a permis de constater un taux de guérison de 96 % chez les personnes qui ont suivi le traitement jusqu’au bout, ainsi que des taux élevés d’observance thérapeutique. Cette étude révèle comment l’intégration du traitement de l’hépatite C dans un contexte de réduction des méfaits peut réduire les obstacles aux soins de l’hépatite C et guérir efficacement cette infection chez des personnes qui utilisent des drogues.

Description du programme

Programme de seringues et d’aiguilles de Malmö

Les soins de l’hépatite C sont prodigués dans le cadre du Programme de seringues et d’aiguilles de Malmö (PSAM), un programme bien établi desservant des personnes qui utilisent des drogues. Le programme est offert par le département des maladies infectieuses de l’Université hospitalière de Skåne. Outre la distribution de matériel d’injection neuf, le programme offre de l’information sur la prise en charge des surdoses, distribue des trousses de naloxone, prodigue des soins de santé de base (y compris des soins gynécologiques) et fournit des services de counseling social. Le PSAM dirige également sa clientèle vers des services de traitement des dépendances, y compris le traitement de substitution aux opioïdes.

Les personnes inscrites au PSAM passent régulièrement des tests de dépistage d’infections transmissibles sexuellement et à diffusion hématogène. Le dépistage de l’hépatite C se fait au moyen de veinopunctures effectuées sur place, et les échantillons sont analysés dans un laboratoire de microbiologie central.

Les participant·e·s au programme de traitement de l’hépatite C du PSAM vivaient avec une infection à l’hépatite C chronique depuis au moins six mois et déclaraient avoir utilisé récemment des drogues injectables. Les personnes qui avaient également la co-infection au VIH ou à l’hépatite B se faisaient offrir un traitement en dehors de l’étude. Les femmes susceptibles de tomber enceintes devaient utiliser une forme de contraception.

Programme de traitement du Programme de seringues et d’aiguilles de Malmö

Une première consultation avait lieu pour confirmer la présence d’une infection à l’hépatite C chronique. Les personnes admissibles se faisaient offrir un traitement contre l’hépatite C, peu importe le génotype en question ou l’ampleur des lésions hépatiques. Le traitement commençait dès la semaine suivant la consultation initiale. Une évaluation du foie et d’autres tests se rapportant au traitement étaient effectués par le personnel médical, qui incluait du personnel infirmier et des spécialistes des maladies infectieuses. Tous les participants recevaient une dose quotidienne d’un médicament anti-hépatite C pendant huit à 12 semaines.

Deux rencontres avec des spécialistes des maladies infectieuses avaient lieu, la première au début du traitement et la deuxième à la fin. Tout au long du traitement, les participant·e·s rencontraient l’équipe infirmière du programme pour recevoir leurs médicaments dans un pilulier personnel, faire évaluer leur observance thérapeutique, rendre compte des effets indésirables éventuels et faire le suivi de leurs autres médications. L’équipe infirmière rappelait aux patient·e·s leurs rendez-vous par téléphone ou messagerie texte. Si l’équipe ne pouvait joindre les patient·e·s, elle communiquait avec des établissements de traitement des dépendances, des cliniques de substitution aux opioïdes ou leurs partenaires ou proches, ou encore elle effectuait des visites à domicile pour faire le suivi.

Résultats

Entre avril 2018 et mai 2019, 62 personnes ont passé des entrevues de sélection. Sur celles-ci, 50 personnes ont été jugées admissibles et ont consenti à participer à l’étude. Quarante-sept personnes ont suivi le traitement jusqu’au bout. Deux autres ont choisi de cesser prématurément le traitement, et une personne a échappé au suivi.

Les personnes qui ont suivi le traitement jusqu’au bout ont connu des taux de guérison élevés. Sur 47 personnes ayant terminé le traitement, la guérison de 45 d’entre elles a été confirmée 12 semaines après la fin du traitement. Un cas de réinfection s’est produit durant le traitement, et une personne a échappé au suivi après avoir terminé le traitement.

Le taux d’observance a été élevé durant le programme. Pour mesurer l’observance thérapeutique, l’équipe comptait chaque semaine le nombre de comprimés non pris que les participant·e·s lui rendaient, ainsi que le nombre de doses quotidiennes qu’ils déclaraient avoir oubliées. Le taux moyen d’observance hebdomadaire a été de 98 % (selon le nombre de comprimés non pris rendus) et de 88 % (selon l’autodéclaration des doses oubliées). Aucun effet secondaire grave des médicaments anti-hépatite C n’a été signalé.

Quelles sont les implications pour les prestataires de services?

Cette étude révèle que les sites des programmes de seringues et d’aiguilles peuvent être des lieux précieux pour favoriser la mise sous traitement et la guérison subséquente des personnes atteintes d’hépatite C qui utilisent des drogues. En offrant la possibilité de se faire traiter ailleurs, l’intégration des soins de l’hépatite C dans les services de réduction des méfaits permet de réduire l’obstacle que peut constituer la navigation d’un système de santé complexe et potentiellement stigmatisant. Les personnes inscrites au PSAM s’entretenaient régulièrement avec le personnel du programme et établissaient avec ce dernier des relations fondées sur le soutien et le non-jugement. En plus de faciliter la mise sous traitement et le suivi, cela permettait d’assurer la continuité du counseling sur la réduction des méfaits et du dépistage des cas de réinfection.

Cette étude révèle également des taux de guérison élevés chez les personnes qui utilisent des drogues lorsque les soins sont offerts dans un contexte de réduction des méfaits. Selon les auteurs, l’obstacle principal à la confirmation d’une réponse virologique soutenue 12 semaines après la fin du traitement a été l’impossibilité de continuer le suivi et non l’échec du traitement. Dans cette étude, le taux d’observance du traitement s’est révélé très élevé grâce à ce modèle de traitement multidisciplinaire à bas seuil, à la légèreté des effets secondaires des médicaments anti-hépatite C et à la durée de traitement relativement courte.

Même si cette étude a été menée dans le cadre d’un programme de seringues et d’aiguilles, ses résultats pourraient s’appliquer à d’autres services communautaires à bas seuil dont bénéficient régulièrement des personnes qui utilisent des drogues. Il pourrait s’agir, entre autres, des sites de prévention des surdoses, des sites de consommation sécuritaire, des services de traitement de substitution aux opioïdes et d’autres programmes de distribution de matériel de réduction des méfaits.

Ressources connexes

Le traitement de l’hépatite C dans des programmes de réduction des méfaits pour les personnes qui consomment des drogues

Déclaration de CATIE sur l’efficacité du traitement de l’hépatite C chez les personnes qui consomment des drogues

Programme de traitement de l’hépatite C au Service de consommation et de traitement de Moss Park

Référence

Blomé MA, Bråbäck M, Alsterberg S et al. Hepatitis C treatment at a Swedish needle exchange program, a successful model of care — the ACTIONNE study. International Journal of Drug Policy. 2021;103407.