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Angleterre
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Ce programme reposait sur une approche de prise en charge adaptable et ambulante de l’hépatite C pour les personnes itinérantes de Londres-Sud. Dans le cadre de ce programme, une équipe pluridisciplinaire a assuré la sensibilisation, le dépistage, le traitement et le suivi des personnes atteintes d’hépatite C. Parmi les personnes recensées comme participant·e·s possibles, 99,3 % (933 personnes) ont accepté de bénéficier d’une sensibilisation et d’un dépistage en matière d’hépatite C. Parmi les personnes ayant passé le test de dépistage de l’hépatite C, 17,4 % (162 personnes) présentaient une infection chronique par l’hépatite C, et 70,4 % d’entre ces dernières (114 personnes) ont entamé un traitement de l’hépatite C. Parmi les personnes atteintes d’hépatite C chronique qui ont entamé un traitement, 72,8 % (83 personnes) ont guéri.

Description du programme

Le programme reposait sur une stratégie de « recherche et de dépistage » consistant en des services ambulants de sensibilisation, de dépistage et de traitement en matière d’hépatite C destinés aux personnes itinérantes, et notamment aux personnes vivant dans des logements temporaires (p. ex., foyers ou hôtels) ou dans la rue. Du fait du caractère ambulant du programme, le personnel pouvait se déplacer vers divers « points chauds », qu’il s’agisse de locaux (p. ex., refuges, centres d’hébergement temporaire, soupes populaires) ou de rues (p. ex., lieux de repos connus, campements de fortune). Le personnel stationnait à ces endroits une camionnette adaptée à la prestation de tous les services médicaux, et offrait les services aux client·e·s à partir de la camionnette.

Le programme est le fruit d’un partenariat entre un organisme de lutte contre l’hépatite C dirigé par des pairs intervenants et un hôpital, les services d’intervention de proximité étant assurés par des pairs intervenants. Des organismes communautaires (services de lutte contre l’alcoolisme, centres de réduction des méfaits, organismes d’hébergement) ont aidé à recenser les participants possibles.

Les soins étaient dispensés par une équipe pluridisciplinaire composée de :

  • prescripteur·trice·s (c.-à-d., hépatologues);
  • pharmacien·ne·s spécialistes du foie;
  • personnel infirmier clinicien·ne spécialisé·e dans l’hépatite;
  • pairs intervenants;
  • coordonnateur·trice·s de projets.

Dépistage

Le dépistage de l’hépatite C était effectué dans une camionnette qu’on stationnait à différents endroits. Les participant·e·s étaient encouragé·e·s à passer un test de dépistage en échange d’une somme d’argent, qui leur était remise au moment où ils prenaient connaissance des résultats de leur test. Un test de détection des anticorps anti-VHC était réalisé sur place à l’aide d’un test rapide au point de service par piqûre au doigt. Un test à ARN de confirmation était effectué soit sur place à l’aide de l’appareil Cepheid GeneXpert, soit à partir d’une goutte de sang séché ou d’une prise de sang envoyées à un laboratoire de l’hôpital partenaire pour y être analysée.

Les client·e·s dont le test de détection des anticorps produisait un résultat positif passaient une échographie FibroScan dans la camionnette.

Les personnes atteintes d’une infection chronique par l’hépatite C étaient invitées à effectuer des analyses de sang visant à évaluer leur fonction hépatique et à déterminer si elles étaient atteintes d’autres hépatites virales; ces échantillons de sang étaient également envoyés au laboratoire de l’hôpital partenaire aux fins d’analyses.

Traitement

Le traitement était approuvé à distance par les prescripteur·trice·s (à savoir les hépatologues), puis les antiviraux à action directe (AAD) par voie orale ainsi que les instructions pour le traitement étaient remis aux patient·e·s sur place par le personnel du programme. La fréquence de la délivrance des médicaments était déterminée par un·e infirmier·ère et des pairs intervenants, et adaptée aux besoins de chaque participant·e.

Suivi et orientation

Les participant·e·s ayant obtenu un résultat positif au test de confirmation de l’hépatite C ont été invité·e·s à prendre au moins six rendez-vous : avant le traitement en vue d’une évaluation, au début du traitement, aux semaines 4 et 8 du traitement, à la fin du traitement et à la semaine 12 après le début du traitement (en vue d’évaluer la réponse virologique soutenue [RVS12]), mais ils ou elles pouvaient consulter le personnel du programme plus fréquemment si nécessaire (p. ex., tous les jours, toutes les semaines ou tous les mois). Les consultations avec le personnel du programme pouvaient se dérouler en personne dans les lieux de passage (p. ex., un refuge) ou par téléphone; à cette occasion, on abordait les effets secondaires, les doses manquées et l’importance de l’observance thérapeutique. Si les participant·e·s changeaient d’emplacement, on pouvait convenir d’un autre lieu de rendez-vous afin d’assurer la continuité du suivi.

Les personnes faisant une consommation courante de substances ou d’alcool ont reçu du counseling dans les stations ambulantes et ont été orientées vers des services de réduction des méfaits pendant le traitement ou durant le suivi ultérieur (dans la mesure du possible). Les personnes qui s’injectaient activement des drogues ont été informées du risque de réinfection et invitées à passer un test de dépistage de l’hépatite C tous les 6 à 12 mois. En cas de réinfection, les personnes pouvaient être retraitées dans le cadre du programme. Les personnes atteintes de fibrose hépatique avancée ont été invitées à participer à un programme de dépistage du cancer du foie tous les six mois.

Résultats

Le programme s’est déroulé entre janvier 2018 et septembre 2021 dans les quartiers de Londres-Sud. Sur une période de 44 mois, 940 personnes itinérantes ont été recensées comme participant·e·s possibles, et 99,3 % (933 personnes) ont accepté de bénéficier d’une sensibilisation et d’un test de dépistage en matière d’hépatite C. Parmi elles, 56,6 % (528 personnes) ont passé un test de dépistage dans la rue ou dans des soupes populaires et 43,4 % (405) dans des centres d’hébergement temporaire. Globalement, 78,1 % des participant·e·s à l’étude étaient des hommes et 21,9 % des femmes; 62,2 % s’identifiaient comme Blanc·he·s, 20 % comme Noir·e·s, 15 % comme étant d’origine multiraciale, 2,8 % comme Asiatiques et 0,1 % comme Hispaniques.

Parmi les participant·e·s au programme, 26,0 % (243 personnes) ont obtenu un résultat positif au test de détection des anticorps anti-VHC et 17,4 % (162 personnes) présentaient une infection chronique par l’hépatite C.

Les participant·e·s atteint·e·s d’une infection chronique par l’hépatite C étaient plus susceptibles de présenter les caractéristiques suivantes que ceux ou celles qui n’en étaient pas atteint·e·s :

  • personnes suivant un traitement par un agoniste opioïde (TAO) (42,0 % de personnes atteintes d’une infection par l’hépatite C par rapport à 16,7 % de personnes non atteintes);
  • personnes utilisant activement des drogues (40,7 % par rapport à 27,8 %);
  • personnes utilisant activement de l’alcool (49,4 % par rapport à 34,7 %);
  • personnes présentant des troubles psychiatriques (42,6 % par rapport à 22,2 %).

En outre, les personnes atteintes d’une infection chronique par l’hépatite C étaient significativement plus susceptibles que les autres d’avoir déjà reçu un traitement contre l’hépatite C (29,2 % par rapport à 16,0 %).

Parmi les personnes atteintes d’une infection chronique par le virus de l’hépatite C, 70,4 % (114 personnes) ont commencé un traitement contre l’hépatite C et 72,8 % (83 personnes) ont guéri.

Parmi les 48 personnes qui n’ont pas entamé de traitement, 47,9 % n’ont pu être retracées, 25,0 % ont refusé le traitement, 10,4 % sont décédées avant le début du traitement, 6,3 % étaient incarcérées, 6,3 % ont été traitées dans une autre zone et 4,1 % prenaient des médicaments qui auraient pu causer des interactions graves avec les AAD.

Voici ce qui ressort des analyses multivariées :

  • Les personnes ayant passé un test de dépistage dans des centres d’hébergement temporaire avaient 3,2 fois plus de chances d’entamer un traitement que celles qui avaient passé un test de dépistage dans la rue.
  • Les personnes ayant reçu un TAO avaient 3,1 fois plus de chances d’entamer un traitement que celles qui n’en avaient pas reçu.
  • Les personnes qui observaient mieux le traitement (> 75 %) avaient 26,6 fois plus de chances de guérir que celles qui l’observaient moins (< 75 %).

Le taux de mortalité des personnes présentant une infection chronique par l’hépatite C était de 9,9 % (16 personnes); 56,3 % (9 personnes) des décès n’étaient pas liés à une maladie du foie, 25,0 % (4 personnes) étaient dus à une cause non déterminée et 18,8 % (3 personnes) étaient liés à une maladie du foie.

Conséquences pour les prestataires de services

L’étude a permis de montrer qu’une méthode adaptable et ambulante de sensibilisation, de dépistage et de traitement en matière d’hépatite C est un moyen efficace d’inciter les personnes itinérantes à recevoir des soins relatifs à l’hépatite C. Cette méthode de dépistage et de sensibilisation en matière d’hépatite C a été acceptée par 99,3 % des personnes recensées; 70,4 % de celles qui se sont révélées atteintes d’une infection chronique par l’hépatite C ont entamé un traitement. Bien que le taux d’instauration du traitement constaté durant l’étude (70,4 %) soit comparable aux résultats obtenus dans le cadre d’autres études portant sur des populations semblables, la baisse du taux pourrait s’expliquer par le délai entre le dépistage et l’instauration du traitement dans ce contexte (l’instauration du traitement le jour même n’était pas possible en raison de contraintes politiques).

L’un des atouts du programme était le modèle de prestation de services décentralisé, qui permettait aux personnes de passer un test de dépistage et d’être traitées dans des centres d’hébergement temporaire, dans les soupes populaires quotidiennes et dans la rue. Ainsi, le programme a pu être dispensé aux personnes dans les lieux qu’elles fréquentent habituellement, ce qui a sans doute contribué à lever les obstacles auxquels se heurte cette population. L’utilisation de tests réflexes et d’incitatifs monétaires peut également avoir facilité l’accès aux tests de dépistage. L’équipe pluridisciplinaire, comprenant des pairs intervenants ayant l’expérience de la prise en charge de cette population, a constitué aussi un atout du programme et a peut-être contribué à réduire la stigmatisation et les obstacles en matière de dépistage.

Les résultats de l’étude indiquent que de nombreuses personnes atteintes d’une infection active par le virus de l’hépatite C étaient plus susceptibles de consommer activement de l’alcool et des drogues et de présenter des troubles de santé mentale, ce qui fait ressortir les besoins en services pluridisciplinaires (p. ex., réduction des méfaits, services de lutte contre l’alcoolisme) de la population concernée.

Ressources connexes

Traitement de l’hépatite C au refuge du Calgary Drop-in Centre – Étude de cas

Simplifier le parcours diagnostique de l’hépatite C : le dépistage réflexe au Canada

Quelles interventions peut-on utiliser pour améliorer le dépistage de l’hépatite C et l’arrimage au traitement?

Référence

Veloz MFG, Han K, Oakes K et al. Results of a model of delivering hepatitis C care in a homeless metropolitan population in England. American Journal of Gastroenterology. 2022. Publié en ligne avant l’impression.