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Les immigrant·e·s, les nouveaux·elles arrivant·e·s et les réfugié·e·s sont confronté·e·s à des facteurs particuliers qui augmentent leur risque de transmission de l’hépatite virale. Il est essentiel de comprendre ces facteurs et d’apprendre à mieux atteindre ces communautés grâce à des services de lutte contre l’hépatite virale afin d’améliorer la santé des migrant·e·s vivant au Canada. CATIE a discuté avec deux expertes au sujet des facteurs liés à la transmission de l’hépatite virale chez les migrant·e·s, des obstacles auxquels ces personnes sont confrontées pour accéder au dépistage, au traitement et aux soins liés à l’hépatite virale, et de la manière d’arrimer efficacement ces personnes aux services cliniques et de soutien.

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Pour en savoir plus, consultez l’article Combler les lacunes dans les soins liés à l’hépatite virale chez les immigrant·e·s et les nouveaux·elles arrivant·e·s au Canada

Rachel Talavlikar, médecin généraliste et directrice médicale, Calgary Refugee Health Clinic; coprésidente, Canadian Refugee Health Network

Selon vous, quels sont les principaux obstacles auxquels se heurtent les réfugié·e·s lorsqu’ils et elles tentent d’accéder aux soins liés à l’hépatite virale dans la communauté? Quels sont les principaux facteurs favorisant l’accès aux soins?

Lorsqu’ils et elles tentent d’accéder à ces soins, les réfugié·e·s sont confronté·e·s à plusieurs obstacles qui se recoupent. La barrière linguistique et les problèmes de communication restent l’un des obstacles les plus importants. De nombreux·ses patient·e·s parlent une langue différente de celle de leur prestataire de soins de santé et, en l’absence d’un accès régulier à des interprètes professionnel·le·s, il existe un risque de malentendu concernant les diagnostics, les médicaments et les soins de suivi. La navigation dans le système de santé est un autre obstacle majeur : comprendre comment accéder aux soins, quels services sont couverts par le Programme fédéral de santé intérimaire (PFSI) ou les régimes d’assurance maladie provinciaux [ou territoriaux], et comment il peut être très difficile pour les nouveaux·elles arrivant·e·s d’obtenir un suivi. La stigmatisation liée à l’hépatite B, souvent enracinée dans les perceptions culturelles, peut dissuader les patient·e·s d’aller consulter un·e médecin. L’instabilité sociale, telle que l’insécurité du logement, la pénurie alimentaire ou le statut précaire d’immigrant·e, peut reléguer les problèmes de santé à l’arrière-plan.

D’un autre côté, d’importants facteurs favorisants ont émergé grâce à une conception intentionnelle et intégrée des soins. La continuité avec des prestataires compétent·e·s sur le plan culturel et sensibilisé·e·s aux traumatismes renforce la confiance envers ces prestataires et favorise l’arrimage à long terme. Le fait de dispenser les soins dans la langue de la personne, que ce soit par du personnel bilingue ou par le biais d’interprètes professionnel·le·s, améliore considérablement la communication. Les équipes multidisciplinaires et les services regroupés sous un même toit (p. ex. soins primaires, travail social, santé mentale) réduisent le cloisonnement et permettent un soutien global. Les partenariats communautaires, en particulier avec les organismes d’aide à l’établissement ou les organismes culturels, contribuent à réduire la stigmatisation et à fournir de l’information adaptée à la culture. Les services d’orientation des patient·e·s et la flexibilité des horaires contribuent également à combler les lacunes en rendant les soins plus accessibles et moins intimidants. Une approche centrée sur le·la patient·e et respectueuse des cultures s’est avérée essentielle pour réduire les obstacles et favoriser l’arrimage à long terme aux soins liés à l’hépatite.

Quels sont les services de santé et les services sociaux les plus couramment fournis par votre clinique pour aider les réfugié·e·s à se faire tester et traiter contre l’hépatite virale? 

Dans notre clinique, nous avons la chance de pouvoir offrir un dépistage de l’hépatite virale sur place dans le cadre d’un modèle de soins partagés intégré à un milieu de soins primaires axé sur les réfugié·e·s et tenant compte des traumatismes. Ce modèle élimine de nombreux obstacles traditionnels à l’accès en intégrant le dépistage et les soins médicaux dans le même rendez-vous, dans un environnement familier et sécurisant. Une fois l’hépatite diagnostiquée, je travaille en étroite collaboration avec un·e intervenant·e pivot qui joue un rôle essentiel dans l’arrimage aux soins des patient·e·s. Il ou elle aide à expliquer le diagnostic de manière adaptée à la culture, à lutter contre la stigmatisation ou la peur et à renforcer l’importance d’un suivi à long terme. 

Pour les patient·e·s nécessitant l’intervention d’un·e spécialiste, je collabore directement avec les services d’hépatologie, en examinant les cas afin de déterminer si une orientation vers un·e spécialiste ou une prise en charge conjointe continue est appropriée. Si nécessaire, je fais également la coordination avec les services de santé publique afin de favoriser le dépistage et la vaccination des membres de la famille, en proposant souvent d’aider à la recherche des contacts ou la prise de rendez-vous pour plusieurs personnes afin de faciliter l’accès aux soins. 

Si un·e patient·e a besoin d’un traitement, je travaille en étroite collaboration avec les pharmacien·ne·s de la communauté locale pour favoriser l’observance, offrir des conseils et promouvoir une bonne compréhension des médicaments. Comme de nombreux·ses patient·e·s réfugié·e·s ont des difficultés à obtenir une couverture, les travailleur·euse·s sociaux·ales les aident à s’y retrouver dans le programme PFSI, les régimes provinciaux d’assurance médicaments et les programmes d’accès aux médicaments à titre humanitaire de manière à garantir l’accessibilité financière et la continuité des soins. 

Comme la stigmatisation, les traumatismes et les problèmes de santé mentale accompagnent souvent un nouveau diagnostic, nous intégrons des services de soutien en santé mentale, notamment des conseiller·ère·s sensibilisé·e·s aux traumatismes et connaissant bien l’expérience des réfugié·e·s. De plus, je peux orienter les patient·e·s vers des organismes d’aide à l’établissement, des programmes d’apprentissage de langues, des conseiller·ère·s en santé mentale ou des services d’aide au logement, en fonction de leur situation générale. Ces orientations ne sont pas isolées; elles s’inscrivent dans un continuum intentionnel conçu pour garantir que les patient·e·s se sentent soutenu·e·s non seulement sur le plan clinique, mais aussi sur le plan social et émotionnel, ce qui contribue à améliorer l’accès aux soins contre l’hépatite et l’arrimage à ces soins.

Quelles techniques utilisez-vous pour arrimer les réfugié·e·s aux soins offerts par votre clinique?

Pour arrimer aux soins de manière significative les patient·e·s réfugié·e·s, il faut adopter une approche délibérée, centrée sur le·la patient·e et fondée sur l’humilité culturelle et une pratique tenant compte des traumatismes. Bon nombre de nos patient·e·s ont vécu un déplacement forcé, des traumatismes ou des interruptions dans leur parcours de soins. Nous commençons donc par privilégier les soins axés sur la relation, en prenant le temps d’établir la confiance, d’assurer la continuité et de respecter le vécu unique de chaque patient·e. 

La communication est essentielle. Nous faisons systématiquement appel à des interprètes professionnel·le·s plutôt que de compter sur les membres de la famille, ce qui permet de garantir la confidentialité et l’exactitude de l’information. En ce qui concerne la transmission d’information sur la santé, nous utilisons des supports visuels, des documents traduits et des explications en langage simple, en particulier lorsque nous abordons des maladies chroniques comme l’hépatite B. Dans la mesure du possible, nous faisons également participer les membres de la famille ou les sources de soutien communautaire (avec leur consentement), tenant ainsi compte des cultures collectivistes dont sont issu·e·s bon nombre de nos patient·e·s. Nous assurons un suivi proactif par le biais d’appels téléphoniques, de textos de rappel ou d’interventions de proximité, en particulier si un·e patient·e manque un rendez-vous ou risque de mettre fin à son parcours de soins. 

Nous intégrons également les pratiques culturelles dans la prestation des soins, par exemple en tenant compte des périodes de jeûne, des heures de prière ou des croyances relatives à la médecine occidentale. Le fait de ne pas porter de jugement lors des conversations difficiles aide les patient·e·s à se sentir écouté·e·s, respecté·e·s et outillé·e·s. Bon nombre des membres de notre équipe ont vécu l’expérience des réfugié·e·s ou parlent plusieurs langues, ce qui améliore la qualité des soins prodigués. En fin de compte, nous nous efforçons de créer un espace accueillant et bienveillant où les patient·e·s se sentent partenaires de leur parcours de soins, et non simples bénéficiaires de services. 

L’un des outils d’arrimage les plus efficaces est notre coordonnataire de proximité, qui possède iel-même ce savoir expérientiel et joue un rôle central dans le rapprochement culturel, émotionnel et linguistique. Iel rencontre les patient·e·s pour leur expliquer ce qu’est l’hépatite, ce que signifient les tests ou le diagnostic et pourquoi le suivi est important, toujours dans le respect des cultures et avec compassion. Ce modèle de soutien par les pairs améliore considérablement la compréhension et la confiance.

Sheryl Wolfstadt, infirmière autorisée, coordonnataire des traitements hépatologiques chez Bioscript Solutions

Quels sont les principaux enjeux liés aux tests de dépistage, aux tests de confirmation et à l’arrimage aux soins liés à l’hépatite virale chez les populations d’immigrant·e·s, de nouveaux·elles arrivant·e·s et de réfugié·e·s? 

Parmi les plus grands enjeux auxquels je suis confrontée dans mon travail avec cette population, je citerais :

  • la nécessité d’encourager les client·e·s à se faire tester et les aider à comprendre pourquoi le dépistage est important; 
  • la disponibilité limitée de médecins de famille offrant des tests de dépistage de l’hépatite; 
  • le fait que les client·e·s ne reviennent pas chez leur prestataire de soins de santé pour obtenir leurs résultats de test; 
  • la compréhension limitée de l’hépatite C et de l’hépatite virale, y compris les conséquences si elles ne sont pas traitées; 
  • les problèmes de communication et la barrière linguistique;
  • la peur d’obtenir un résultat positif et de devoir suivre un traitement;
  • le manque de connaissances sur les options de traitement actuellement à leur disposition; certain·e·s client·e·s ont entendu dire que le traitement était difficile pour d’autres dans le passé et ne savent pas qu’il est désormais plus facile et plus efficace; 
  • les préoccupations concernant le coût du traitement et la méconnaissance des aides financières disponibles;
  • les inquiétudes concernant les effets secondaires du traitement et leurs répercussions sur la vie quotidienne et le travail; 
  • le sentiment de honte d’être porteur·euse d’un virus contagieux et potentiellement transmissible par voie sexuelle, et la crainte de le transmettre à d’autres. 

Quelles techniques utilisez-vous pour arrimer les immigrant·e·s, les nouveaux·elles arrivant·e·s et les réfugié·e·s à vos services cliniques? 

Pour inciter ces client·e·s à accéder aux soins et aux traitements, j’utilise les approches suivantes : 

  • avoir des conversations ouvertes et honnêtes sur la nature de l’hépatite virale et les traitements offerts;
  • fournir du matériel d’information dans une langue que le·la client·e comprend, ou remettre ce matériel à un·e membre de sa famille ou à un·e ami·e qui pourra lui expliquer le contenu;
  • examiner avec lui·elle les résultats du test de dépistage et lui expliquer les répercussions potentielles sur sa santé s’il ou elle ne reçoit pas de traitement;
  • assurer la présence d’un·e interprète lorsque les client·e·s ne parlent pas couramment l’anglais; 
  • communiquer mes coordonnées et encourager les client·e·s à discuter de leur diagnostic avec leur famille, qui peut ensuite me contacter si elle a des questions;
  • encourager les client·e·s à proposer à leurs ami·e·s et aux membres de leur famille, tant au Canada que dans leur pays d’origine, de se faire tester; 
  • utiliser les outils et les ressources offertes par la clinique pour expliquer ce qu’est l’hépatite C, comment elle se transmet et comment elle peut être prévenue et traitée.