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Le Canada fait partie des nombreux pays qui se sont engagés à atteindre les objectifs de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) visant à éliminer l’hépatite C en tant que menace pour la santé publique d’ici 20301. Bien qu’il existe des traitements curatifs de l’hépatite C, le recours aux tests de dépistage et au traitement demeure faible à l’échelle mondiale2. Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé, 58 millions de personnes vivaient avec l’hépatite C dans le monde en 20223; en 2017, on estimait que près de 200 000 personnes vivaient avec l’hépatite C chronique au Canada4.

La cascade des soins liés à l’hépatite C désigne le parcours emprunté pour accéder au traitement de l’hépatite C et guérir de cette infection. Ce parcours comprend les étapes suivantes : dépistage de l’hépatite C, arrimage au traitement, instauration du traitement et confirmation de la guérison. Grâce aux traitements très efficaces à base d’antiviraux à action directe (AAD), la simplification des démarches en matière de dépistage et d’arrimage au traitement grâce à des solutions fondées sur des données probantes peut contribuer à atteindre les objectifs d’élimination de l’hépatite C2.

Cet article est un résumé d’une revue systématique et d’une méta-analyse visant à repérer des interventions fondées sur des données probantes pour améliorer les soins liés à l’hépatite C. Ces interventions incluent les tests de dépistage (appelés tests de dépistage d’anticorps dans le présent article), les tests de confirmation (appelés tests de dépistage de l’ARN dans le présent article), l’arrimage aux soins et l’instauration du traitement par des AAD2.

Quels types d’études de recherche sont inclus dans cette revue systématique?

La revue systématique porte sur des recherches concernant les interventions visant à améliorer l’accès aux tests de dépistage de l’hépatite C, l’arrimage aux soins et l’instauration du traitement.

En tout, 148 études ont été incluses dans la revue systématique (47 essais contrôlés et randomisés et 101 études non randomisées). Une étude était incluse dans la revue systématique si elle :

  • incluait des personnes exposées à un risque de contracter l’hépatite C, ou qui avaient déjà contracté l’hépatite C;
  • mettait en œuvre une intervention;
  • comprenait un groupe témoin ou de comparaison;
  • portait sur au moins l’un des résultats suivants : le recours au test de dépistage des anticorps, le recours au test de dépistage de l’ARN du VHC, l’arrimage aux soins et l’instauration d’un traitement par des AAD.

Quatre-vingt-sept études portaient sur le test de dépistage des anticorps anti-VHC, 23 sur le test de dépistage de l’ARN du VHC, 37 sur l’arrimage aux soins et 41 sur l’instauration du traitement; certaines études portaient sur plusieurs de ces interventions.

Les études ont été menées dans des cabinets de soins primaires ou de médecine générale, des cliniques de soins tertiaires ou de consultation externe d’hôpitaux, des établissements de traitement des dépendances, des services axés sur la population, des services d’urgence, des unités de soins d’hôpitaux, des prisons et autres. Quarante-quatre études portaient sur des cohortes de naissances, 44, sur la population générale, 13, sur des personnes incarcérées, 24, sur des personnes qui utilisent des drogues (dont 17 comprenaient des personnes qui s’injectent des drogues), 9, sur des personnes recevant un traitement par des agonistes opioïdes, 6, sur des personnes fréquentant des services de traitement de la dépendance aux drogues ou à l’alcool, 7, sur des populations mixtes, et 43, sur d’autres populations.

Quelles interventions ont amélioré le recours aux tests de dépistage de l’hépatite C, l’arrimage aux soins et l’instauration du traitement?

Le test de dépistage des anticorps anti-VHC permet de détecter des anticorps dans le sang et de déterminer si une personne a déjà été infectée par l’hépatite C. Un résultat positif au test signifie qu’une personne est porteuse d’anticorps anti-VHC et qu’elle a déjà eu l’hépatite C auparavant. Le test de dépistage des anticorps ne permet pas à lui seul de déterminer si une personne est atteinte d’une infection active par le VHC, mais il constitue généralement la première étape du dépistage de l’hépatite C et sert de point d’entrée dans la cascade de soins.

En combinant les données de plusieurs études (données groupées), les auteur·e·s ont constaté que les interventions ayant significativement amélioré le recours aux tests de dépistage des anticorps anti-VHC étaient :

  • le test de dépistage des anticorps au point de service;
  • le test de la goutte de sang séché (combiné au test de dépistage des anticorps au point de service, il permet d’élargir l’accès aux tests dans des contextes plus diversifiés et non cliniques, et ne requiert pas de ponction veineuse);
  • le test de dépistage avec option de refus, consistant à faire passer le test de dépistage de l’hépatite C à tout le monde sauf en cas de refus;
  • des rappels dans les dossiers médicaux permettant de signaler aux prestataires de services de santé de faire passer le test de dépistage de l’hépatite C si le ou la patient·e y est admissible ou si ce test est recommandé;
  • l’information des prestataires de services de santé (p. ex. information sur les lignes directrices en matière de dépistage de l’hépatite C);
  • la coordination des soins par les prestataires de services de santé (c’est-à-dire qu’une personne est responsable de gérer les échanges entre les professionnel·le·s de la santé);
  • des rappels envoyés aux patient·e·s pour qu’ils ou elles passent un test de dépistage ou reçoivent un traitement;
  • l’information des patient·e·s;
  • des activités favorisant la remémoration par les client·e·s de l’information récemment apprise (exercice de la mémoire).

Des études individuelles ont montré que plusieurs interventions amélioraient significativement le recours au test de dépistage des anticorps anti-VHC, notamment : les écouvillonnages buccaux effectués sur place aux fins du test de dépistage des anticorps anti-VHC; les incitatifs financiers aux prestataires de services de santé; la sollicitation directe des patient·e·s (p. ex. un recruteur de l’étude aborde une personne dans la salle d’attente d’une clinique et lui propose le test); la mise en œuvre d’une politique liée à un test périodique ou plus élargi plutôt qu’à un test sur demande ou sporadique; l’utilisation d’un outil de dépistage basé sur le risque; des soins supervisés par un·e infirmier·ère; un traitement supervisé par un·e pharmacien·ne; le test de dépistage des anticorps anti-VHC au point de service; l’exercice de la mémoire; le test de la goutte de sang séché; le traitement sous observation directe (p. ex. médicaments contre l’hépatite C fournis dans un établissement de soins de santé en même temps que d’autres médicaments ou services régulièrement offerts tels que le traitement par agonistes opioïdes).

Le test de dépistage de l’ARN du VHC permet de déterminer si une personne est atteinte d’une infection active par le virus de l’hépatite C en détectant la présence du virus dans le sang (ce test permet de détecter le matériel génétique du virus de l’hépatite C).

En combinant les données de plusieurs études (données groupées), les auteur·e·s ont constaté que les interventions ayant significativement amélioré le recours aux tests de dépistage de l’ARN du VHC comprenaient :

  • des rappels dans les dossiers médicaux permettant de signaler aux prestataires de services de santé de faire passer le test de l’hépatite C si le ou la patient·e y est admissible ou si ce test est recommandé; et
  • le test réflexe de dépistage de l’ARN viral (réalisation des tests de dépistage des anticorps anti-VHC et de l’ARN du VHC à partir du sang prélevé lors d’une seule consultation).

Des études individuelles ont montré que les interventions axées sur la formation des prestataires et la coordination des soins entraînaient une hausse significative du recours au test de dépistage de l’ARN du VHC.

L’arrimage aux soins liés à l’hépatite C a lieu durant la première visite avec un prestataire de services de soins liés à l’hépatite C suivant le diagnostic.

En combinant les données de plusieurs études (données groupées), les auteur·e·s ont constaté que les interventions ayant significativement amélioré l’arrimage aux soins liés à l’hépatite C étaient :

  • des rappels dans les dossiers médicaux permettant de signaler aux prestataires de services de santé de faire passer le test de dépistage de l’hépatite C si le ou la patient·e y est admissible ou si ce test est recommandé;
  • les tests de dépistage des anticorps au point de service, qui peuvent être réalisés sur place et immédiatement;
  • l’information des prestataires de services de santé (p. ex. information sur les lignes directrices en matière de dépistage de l’hépatite C);
  • l’intégration des soins (c.-à-d. que les services liés à l’hépatite C sont offerts dans le même établissement proposant d’autres services médicaux); et
  • l’orientation des patient·e·s ou la coordination des soins (c.-à-d. du soutien ou de l’assistance pour aider les client·e·s à gérer leurs consultations médicales).

Des études individuelles ont montré que le test de la goutte de sang séché, le test réflexe de dépistage de l’ARN viral et le prélèvement par écouvillonnage buccal sur place aux fins du test de dépistage des anticorps anti-VHC amélioraient considérablement l’arrimage aux soins.

L’instauration du traitement désigne le moment auquel une personne commence un traitement contre l’hépatite C.

En combinant les données de plusieurs études (données groupées), les auteur·e·s ont constaté que les interventions ayant significativement amélioré les taux d’instauration d’un traitement de l’hépatite C par des AAD étaient les suivantes :

  • l’intégration des soins (c.-à-d. que les services liés à l’hépatite C sont offerts dans le même établissement proposant d’autres services médicaux); et
  • l’orientation des patient·e·s (ou la coordination des soins).

Grâce à ces approches, il est possible d’offrir des services aux personnes recevant déjà des soins, et de faciliter la gestion des consultations médicales.

Des études individuelles ont montré que les rappels dans les dossiers médicaux, les tests de dépistage des anticorps au point de service, l’assouplissement des critères d’admissibilité aux tests et aux traitements (p. ex. suppression des restrictions liées au traitement de l’hépatite C), l’entrevue motivationnelle (c.-à-d. un type de consultation qui aide les client·e·s à comprendre et à résoudre leur ambivalence) et les soins supervisés par le personnel infirmier sont autant de facteurs ayant significativement augmenté la fréquence de l’instauration du traitement.

Quelles interventions ont entraîné des améliorations dans la cascade de soins liés à l’hépatite C?

Trois interventions examinées dans la revue systématique se sont avérées efficaces dans au moins trois étapes de la cascade de soins liés à l’hépatite C.

  • Il a été montré que le test de dépistage des anticorps au point de service améliore l’adoption du test de dépistage des anticorps anti-VHC (données groupées), l’arrimage aux soins (données groupées) et l’adoption du traitement par des AAD (étude individuelle) de deux façons : en facilitant la réalisation sur place des tests de dépistage de l’hépatite C à bas seuil d’accessibilité, et en simplifiant le parcours menant aux tests de dépistage par la diminution du nombre de visites nécessaires pour obtenir un diagnostic. Le test de dépistage des anticorps au point de service à l’aide d’un échantillon de sang prélevé par ponction capillaire au bout du doigt peut également éviter aux personnes de devoir subir une ponction veineuse; cette dernière peut être un obstacle aux tests de dépistage chez les personnes qui s’injectent des drogues, dont l’accès veineux peut être difficile.
  • Les rappels dans les dossiers médicaux sont des alertes signalant aux prestataires de services de santé de faire passer le test de dépistage de l’hépatite C si le ou la patient·e y est admissible ou si ce test est recommandé. Ces rappels sont relativement faciles à mettre en œuvre et permettent d’éliminer les obstacles auxquels se heurtent les prestataires de soins (p. ex. connaissances périmées sur les lignes directrices en matière de dépistage, besoins médicaux concurrents). Il a été montré que cette intervention permet de mieux gérer les tests de dépistage des anticorps anti-VHC (données groupées), les tests de dépistage de l’ARN du VHC (données groupées), l’arrimage aux soins (données groupées) et l’adoption du traitement (étude individuelle).
  • La formation des prestataires de services de santé (p. ex. séances d’information, séminaires sur les étapes de la cascade de soins) peut contribuer à consolider leurs compétences en matière de soins liés à l’hépatite C et à les inciter davantage à se consacrer à ce type de soins. Il a été montré que cette intervention améliorait les taux de test de dépistage des anticorps anti-VHC (données groupées), de tests de dépistage de l’ARN du VHC (étude individuelle) et l’arrimage aux soins (données groupées).

Quelles sont les leçons à tirer de la revue systématique par les prestataires de services?

La revue systématique et la méta-analyse ont permis de répertorier plusieurs interventions favorisant l’adoption des soins liés à l’hépatite C à différentes étapes de la cascade de soins. La plupart de ces interventions ont déjà été mises en œuvre ou explorées dans le contexte canadien (p. ex. le test de dépistage des anticorps au point de service, le test de la goutte de sang séché, les soins intégrés). Étant donné la grande efficacité des AAD contre l’hépatite C et leur vaste accessibilité au Canada, il est crucial de se concentrer sur l’élimination des obstacles au dépistage de l’hépatite C (p. ex. en offrant des tests de dépistage des anticorps au point de service, le test de la goutte de sang séché, le test réflexe), sur l’arrimage aux soins (p. ex. orientation des patient·e·s, coordination des soins, soins intégrés) et sur l’instauration du traitement pour aider les personnes infectées à guérir de l’hépatite C, et atteindre ainsi les objectifs d’élimination de l’hépatite C.

Les résultats de cette étude permettent de proposer aux prestataires de services et aux responsables des programmes une gamme d’options fondées sur des données probantes, visant à répondre aux enjeux courants en matière de tests de dépistage de l’hépatite C, d’arrimage aux soins et d’instauration du traitement. La sélection des interventions à mettre en œuvre et la manière de le faire dépendront des enjeux et besoins uniques propres à des populations et à des contextes particuliers, ainsi que de la facilité avec laquelle les interventions peuvent être adaptées efficacement pour répondre à ces besoins.

Les points saillants de cette revue systématique sont les suivants :

La plupart des études ayant évalué les tests de dépistage et l’arrimage aux soins ont été menées pendant une période où le traitement à base d’interféron était encore offert aux patients. Rappelons que le traitement de l’hépatite C à base d’interféron était moins efficace et moins tolérable, et qu’il n’est plus utilisé pour le traitement de cette infection. Il est possible que les résultats de ces études aient affecté l’arrimage aux soins et l’instauration du traitement, mais il est probable que les stratégies qui se sont avérées efficaces avec les traitements à base d’interféron soient encore utiles avec les AAD.

Par ailleurs, de nombreuses interventions incluses dans cette analyse n’avaient pas la puissance statistique nécessaire pour évaluer les résultats d’interventions complexes (p. ex. interventions axées sur le soutien par les pairs); ajoutons aussi que l’analyse n’a pas été corrigée pour tenir compte des variables confusionnelles éventuelles, ce qui réduit la qualité des données obtenues.

Qu’est-ce qu’une revue systématique et qu’est-ce qu’une méta-analyse?

Une revue systématique est une méthode de recherche documentaire fondamentale servant à éclairer les programmes fondés sur des données probantes. Une revue systématique est un résumé critique des données probantes disponibles sur un sujet précis. Elle consiste en une stratégie de recherche rigoureuse au sein de toutes les études portant sur une question de recherche précise. Elle permet ainsi d’évaluer la qualité des études pertinentes et de résumer leurs résultats afin de relever les principales observations et limites des études.

Une méta-analyse est une méthode de regroupement de données numériques provenant de plusieurs études. Si les études d’une revue systématique contiennent des données numériques, les auteur·e·s peuvent employer des méthodes statistiques pour calculer des estimations sommaires (« groupées »). Ces estimations groupées peuvent fournir une meilleure vue d’ensemble du sujet à l’étude.

Ressources connexes

Dépistage de l’hépatite C et arrimage aux soins en une visite par le biais d’une unité mobile

Traitement de l’hépatite C au refuge du Calgary Drop-in Centre

Déclaration de CATIE sur l’efficacité du traitement de l’hépatite C chez les personnes qui consomment des drogues

Hépatite C : Un guide détaillé

Références

  1. Réseau canadien sur l’hépatite C. Modèle directeur pour guider les efforts d’élimination de l’hépatite C au Canada. Montréal : Réseau canadien sur l’hépatite C, 2019. Disponible au : https://www.canhepc.ca/sites/default/files/media/documents/modele_directeur_vhc_2019_05.pdf
  2. Cunningham EB, Wheeler A, Hajarizade B et al. Interventions to enhance testing, linkage to care, and treatment initiation for hepatitis C virus infection: a systematic review and meta-analysis. Lancet Gastroenterol Hepatology. 2022;7(2):P426-45.
  3. Organisation mondiale de la Santé. Hépatite C. Genève : Organisation mondiale de la Santé, 2022. Disponible au : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/hepatitis-c#:~:text=%C3%80%20l%E2%80%99%C3%A9chelle%20mondiale,primitif%20du%20foie).
  4. Agence de la santé publique du Canada. Personnes vivant avec l’hépatite C (VHC) : Canada, 2017. Document infographique. Ottawa, Ontario : Agence de la santé publique du Canada [en ligne]; 2020. Disponible au : https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/publications/diseases-conditions/infographic-people-living-with-hepatitis-c-2017/HCV-Infographic-FR-v11.pdf.

 

 

À propos de l’auteur

Shannon Elliot est la spécialiste en connaissances sur l’hépatite C de CATIE. Elle est titulaire d’une maîtrise en santé publique et a occupé des postes dans les domaines de la mobilisation des connaissances, de l’élaboration de politiques et de recherche dans les secteurs de l’éducation médicale et de la lutte contre les agressions sexuelles et la violence conjugale.

Amanda Giacomazzo est la gestionnaire, Programmes communautaires chez CATIE. Amanda détient une maîtrise en sciences de la santé avec une formation spécialisée en services de la santé et recherche sur les politiques. Elle a déjà travaillé dans le domaine de l’application des connaissances et de la santé publique au niveau provincial.