Souhaitez-vous recevoir nos publications directement dans votre boîte de réception?

États-Unis
Image

Le modèle de soins tripartite pharmacien·ne, médecin et intervenant·e pivot [(PPP-CCM) pour Pharmacist, Physician, and Patient Navigator Collaborative Care Model] a permis d’offrir un traitement de l’hépatite C en milieu communautaire pour les personnes qui s’injectent des drogues. Le modèle de soins PPP-CCM était dirigé par des pharmacien·ne·s avec le soutien de médecins et d’un·e intervenant·e pivot. Quarante personnes ont été sélectionnées pour l’étude pilote et 38 d’entre elles ont effectivement rencontré un·e pharmacien·ne pour une première évaluation de traitement de l’hépatite C. De ce nombre, 21 personnes (55 %) ont reçu des antiviraux à action directe (AAD) et 16 d’entre elles (76 %) ont achevé le traitement. Sur les 11 personnes pour lesquelles nous avons pu obtenir une analyse de la réponse virologique soutenue 12 semaines après le début du traitement (RVS12), 10 (91 %) étaient guéries1.

Description du programme1,2

Le modèle PPP-CCM mobilise des pharmacien·ne·s pour la prestation de soins relatifs à l’hépatite C directement dans les locaux des organismes communautaires offrant des services aux personnes qui s’injectent des drogues. L’équipe de soins comprend deux pharmacien·ne·s de proximité, deux médecins (un·e médecin spécialisé·e en maladies infectieuses et un·e médecin formé·e en soins primaires et traitement des dépendances ayant une expérience dans le traitement des personnes atteintes d’hépatite C) et un·e intervenant·e-pilote. Afin de recruter les participant·e·s, les organismes communautaires suivants ont posé des affiches et parlé de l’étude à leur clientèle : un organisme axé sur la sensibilisation à l’hépatite C qui offre également un programme de seringues et aiguilles; un programme de traitement par opioïdes; et plusieurs centres d’hébergement d’urgence. Les pharmacien·ne·s rencontraient les participant·e·s et offraient les traitements sur les lieux mêmes de ces organismes. Les participant·e·s étaient des adultes qui s’injectaient des drogues au moment de l’étude (au cours des 90 derniers jours), qui étaient atteint·e·s d’une infection chronique au virus de l’hépatite C, qui ne prenaient pas déjà un traitement pour l’hépatite C et qui n’avaient pas déjà reçu un traitement par AAD pour l’hépatite C.

Les pharmacien·ne·s ont pu offrir la gamme complète de soins relatifs à l’hépatite C, y compris le diagnostic, le counseling, la sensibilisation, les bilans préparatoires (p. ex. les tests de laboratoire et l’évaluation du stade de fibrose), le traitement et l’évaluation de la RVS12 après le traitement. Les pharmacien·ne·s ont traité toutes les personnes qui n’avaient pas de besoins médicaux complexes (p. ex. qui n’avaient pas le VIH ou une cirrhose avancée). Les pharmacien·ne·s et les médecins ont élaboré ensemble, sur la base de directives cliniques établies, une entente de pratique collaborative décrivant les protocoles de soins.

Les participant·e·s ont été jumelé·e·s avec un·e pharmacien·ne par un·e intervenant·e pivot. Lors de l’évaluation initiale, les pharmacien·ne·s procédaient à un examen complet des antécédents, et à une évaluation qui comprenait les tests de laboratoire préalables au traitement de l’hépatite C. Les pharmacien·ne·s ont suivi une formation en ligne sur l’hépatite C et étaient des phlébotomistes autorisé·e·s. Les pharmacien·ne·s – ou d’autres membres du personnel ayant la formation requise en phlébotomie – se chargeaient de faire les prises de sang pour les tests préalables au traitement de l’hépatite C. La formation de plusieurs personnes à faire des prises de sang faisait partie d’une stratégie visant à offrir plus d’options pour les prélèvements sanguins et à élargir la portée du programme.

Les pharmacien·ne·s fournissaient directement aux participant·e·s des médicaments contre l’hépatite C pour une durée de quatre semaines et les conseillaient sur les effets secondaires et l’observance du traitement. Toutes les quatre semaines, les pharmacien·ne·s réévaluaient les patient·e·s et leur fournissaient les médicaments pour les quatre semaines suivantes. L’équipe clinique du modèle PPP-CCM (les pharmacien·ne·s et les médecins) se réunissait chaque semaine pour discuter des questions cliniques, et les médecins avaient accès aux dossiers médicaux des participant·e·s si des suivis supplémentaires étaient nécessaires.

L’intervenant·e pivot était un·e travailleur·euse social·e qui aidait à trouver des personnes admissibles à l’étude et était formé·e pour assurer la gestion des dossiers médicaux, notamment :

  • la communication de renseignements sur le diagnostic et le traitement de l’hépatite C;
  • l’évaluation du risque de réinfection et l’accès à du counseling et des services en réduction des méfaits;
  • l’aiguillage vers des ressources (p. ex. assurances, hébergement, emploi);
  • une assistance avec la prise de rendez-vous et les rappels;
  • une assistance avec l’observance du traitement entre les visites avec les pharmacien·ne·s;
  • la gestion des médicaments, y compris de l’aide pour le rangement des médicaments et l’évaluation des effets secondaires et de l’observance du traitement.

Les pharmacien·ne·s et l’intervenant·e pivot étaient disponibles sur place pour discuter avec les patient·e·s qui se présentaient sans rendez-vous dans les centres offrant le programme de seringues et aiguilles et le programme de traitement par opioïdes, et pour les demandes de consultations provenant des centres d’hébergement d’urgence.

Le modèle de soins PPP-CCM a été développé sur la base de consultations avec des personnes ayant une expérience vécue de l’utilisation de drogues injectables et de l’hépatite C afin d’évaluer leurs expériences passées et leurs préférences en lien avec le traitement de l’hépatite C.

Résultats1

De novembre 2020 à octobre 2021, 45 personnes qui s’injectaient des drogues ont passé des tests de dépistage et 40 ont été sélectionnées pour une étude pilote sur le modèle de soins tripartite PPP-CCM. Parmi les 40 participant·e·s :

  • l’âge moyen était de 43,6 ans
  • 12 (30 %) étaient des femmes
  • 20 (50 %) n’étaient pas des personnes blanches
  • 15 (38 %) étaient sans domicile

Au début de l’étude, 80 % des participant·e·s ont déclaré avoir consommé de l’héroïne, 68 % avoir consommé des méthamphétamines, et 38 % avoir échangé du matériel d’injection, le tout au cours des 30 derniers jours.

Parmi les 40 participant·e·s sélectionné·e·s, 38 ont pu être jumelé·e·s avec un·e pharmacien·ne pour une évaluation initiale de traitement de l’hépatite C. De ces personnes, 21 (55 %) ont reçu un traitement aux AAD et 16 de ces 21 personnes (76 %) ont achevé le traitement. Parmi les 21 personnes qui ont suivi un traitement, nous avons pu obtenir l’analyse de la RVS12 de 11 personnes, dont 10 (91 %) étaient guéries. Pour la plupart des participant·e·s qui n’ont pas pu commencer le traitement, la raison était que le personnel n’avait pas été en mesure d’obtenir des prélèvements sanguins pour les évaluations préalables au traitement. 

Pour un sous-échantillon de personnes ayant répondu à un sondage six mois après leur participation à l’étude (10 participant·e·s), 100 % ont répondu être « en accord » ou « fortement en accord » avec les énoncés disant que leur expérience auprès des pharmacien·ne·s avait été positive, que les pharmacien·ne·s avaient une approche sans jugement et qu’elles recommanderaient les pharmacien·ne·s à d’autres personnes qui s’injectent des drogues pour un traitement.

Quelles sont les implications pour les prestataires de services1?

Cette étude pilote montre la pertinence de recourir à des pharmacien·ne·s dans des sites communautaires pour la prestation de traitements contre l’hépatite C aux personnes qui s’injectent des drogues. Il est connu que les personnes qui s’injectent des drogues rencontrent souvent des obstacles au traitement en raison du manque de prestataires spécialisé·e·s et du fait que le traitement est souvent dispensé dans un cadre médical plus traditionnel qui peut parfois être stigmatisant. Cette approche a permis de dispenser le traitement dans les milieux communautaires (p. ex., un programme de traitement par opioïdes) où les personnes ont déjà recours à des services, en utilisant une approche dirigée par des non-spécialistes (c.-à-d. des pharmacien·ne·s).

Il conviendrait dans de futurs travaux de se pencher sur les moyens d’augmenter le nombre de participant·e·s qui vont faire leurs prises de sang pour les tests préalables au traitement de l’hépatite C, car c’est l’une des principales raisons pour lesquelles certain·e·s participant·e·s à l’étude pilote n’ont pas commencé le traitement contre l’hépatite C. Les cas perdus de vue ont également été un enjeu, malgré la présence d’un·e intervenant·e pivot; il serait donc pertinent dans le cadre d’approches similaires d’envisager d’autres façons de retenir les participant·e·s dans le traitement et les soins de suivi.

Ressources connexes

Regroupement du dépistage et de la prise en charge de l’hépatite C dans un service de consommation supervisée

Une approche de prise en charge adaptable et ambulante de l’hépatite C pour les personnes itinérantes

Références

  1. Tsui JI, Gojic AJ, Pierce KA et al. Pilot study of a community pharmacist led program to treat hepatitis C virus among people who inject drugs. Drug and Alcohol Dependence Reports. Mars 2024;10:100213.
  2. Austin EJ, Gojic Aj, Bhatraju EP et al. Barriers and facilitators to implementing a Pharmacist, Physician, and Patient Navigator-Collaborative Care Model (PPP-CCM) to treat hepatitis C among people who inject drugs. International Journal of Drug Policy. Janvier 2023;111:103924.