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Nous avons demandé à quatre experts si le CBD vaut tout le battage publicitaire qu’on en fait.

Le cannabis contient plus de 100 composantes : les cannabinoïdes. La plus connue est le tétrahydrocannabinol (THC), responsable des effets psychotropes attribués à cette plante. Un autre extrait du cannabis a reçu beaucoup d’attention, soit le cannabidiol (CBD). On le vante comme drogue miracle pour tout traiter, de diverses douleurs à l’inflammation, sans vous faire planer. Mais en quoi consiste cet extrait et comment fonctionne-t-il? La pharmacienne Maria Zhang, la clinicienne Cecilia Costiniuk, le scientifique Mohammad-Ali Jenabian et la directrice générale d’une entreprise de cannabis Alison Gordon nous mettent au parfum pour tout ce qui touche au CBD.

Pourquoi utilise-t-on le CBD?

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Maria : La dépression, l’anxiété et les problèmes de sommeil sont les principales raisons pour lesquelles les personnes utilisent le cannabis. Il existe des anecdotes de personnes qui ont tiré avantage du CBD (ou du cannabis) pour ces problèmes, mais, il n’existe aucun produit dérivé du CBD approuvé pour ces utilisations. Les données probantes ne sont pas assez solides pour recommander le CBD comme traitement de première ligne pour tout trouble médical.

Cecilia : Dans ma pratique, je rencontre des personnes qui utilisent déjà du cannabis, maintenant que c’est légal. Ça semble les aider. Les rapports anecdotiques positifs se rapportent surtout à l’humeur — l’utilisation de cannabis donne aux personnes le sentiment d’être plus heureuses et de prendre la vie du bon côté. Elles soutiennent qu’elles peuvent plus facilement gérer leurs relations avec les autres. Nous savons que les personnes vivant avec le VIH semblent davantage souffrir d’anxiété et de dépression que la population générale, et le cannabis est considéré comme étant très efficace à cet effet. En outre, de nombreuses personnes indiquent que ça les aide pour leur insomnie et leurs douleurs chroniques. Même si, selon les anecdotes, le cannabis semble avoir des effets positifs sur les gens, il est difficile de déterminer quelle molécule en est responsable parce que l’on ne sait pas exactement ce que les gens consomment.

Comment consomme-t-on le CBD?

Maria : On extrait le CBD du cannabis. On peut le prendre en capsules, huiles et vaporisateurs distribués par des producteurs autorisés. On peut le prendre seul ou avec d’autres ingrédients, comme le THC. Santé Canada a homologué certains médicaments contenant du CBD pour certains usages, disponibles sur ordonnance dans les pharmacies.

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Cecilia et Mohammad-Ali : La plupart des personnes ont tendance à fumer du cannabis et à consommer du CBD avec du THC de cette façon. Lorsqu’elles broient le plant, il s’en dégage un « effet d’entourage », ce qui signifie que d’autres molécules à l’intérieur de la plante influencent le CBD ou le THC et contribuent à l’effet produit. On estime qu’ingérer son huile est l’une des façons les plus sécuritaires de consommer le CBD, car il n’y a aucun effet secondaire sur les poumons. Nous n’encourageons aucune forme de tabagisme.

Alison : Il existe plusieurs façons de consommer le CBD. En octobre 2019, le Canada a élargi le nombre de produits contenant du CBD et (ou) du THC pouvant être achetés légalement. Des aliments comestibles, des boissons, des liquides pour vapoter et des médicaments topiques (crèmes ou baumes) sont en vente auprès de détaillants autorisés. Cependant, chaque province détermine ce qu’elle autorise à être vendu. Le Québec a élaboré sa propre réglementation et il permet les boissons, mais a interdit les aliments comestibles et les médicaments topiques.

Au Canada, on retrouve surtout des produits contenant deux parts de CBD pour une part de THC ou des quantités égales des deux. Certains consommateurs veulent des produits contenant du CBD sans l’effet psychotrope, mais, quand vous possédez un permis pour cultiver du cannabis, c’est beaucoup plus lucratif quand ce dernier contient du THC. Au Canada, il existe peu de produits contenant seulement du CBD, et les personnes à la recherche d’un produit n’ayant aucun effet psychotrope ont de la difficulté à en trouver. Le Canada, même s’il a une longueur d’avance sur la légalisation du cannabis, se retrouve maintenant en retard pour ce qui est du CBD.

Qu’en dit la recherche?

Maria : Les données probantes associées aux effets du CBD pour soulager l’anxiété proviennent de modèles animaux. Le CBD n’a pas fait l’objet d’études poussées chez les humains. De plus, il n’a pas été beaucoup étudié dans le traitement de la dépression. Pour ce qui est du sommeil, on en sait davantage sur les effets du THC que sur ceux du CBD : de faibles doses de THC peuvent accroître la durée totale de sommeil, mais de fortes doses peuvent causer des troubles du sommeil. Par contre, nous ne savons pas ce qui constitue une dose « faible » ou une dose « élevée ». Il est clair qu’il faut faire beaucoup plus de recherche.

Cecilia et Mohammad-Ali : La grande majorité de la recherche sur le cannabis repose sur les risques et les dangers, mais un essai pilote du Réseau canadien pour les essais VIH que nous menons se concentrera sur les bienfaits potentiels des cannabinoïdes, tel que leurs propriétés anti-inflammatoires. Notre étude vise deux objectifs. Le premier souhaite démontrer que les capsules de cannabinoïde prises par voie orale sont sécuritaires et bien tolérées chez les personnes vivant avec le VIH. Le deuxième vise à déterminer si les cannabinoïdes peuvent diminuer les marqueurs de l’activation immunitaire, ou l’inflammation, dans le sang. Nous espérons que cette étude aidera à réduire la stigmatisation associée à l’utilisation du cannabis.

Mohammad-Ali : Pour notre étude de 12 semaines, nous utiliserons une forme pure de CBD et de THC extraite de la plante de cannabis par l’entreprise Tilray. Nous donnerons à deux groupes de participants des capsules contenant à la fois de l’huile de CBD et de THC, mais le ratio sera différent — les capsules contiendront soit des quantités plus faibles ou plus élevées de CBD comparativement au THC. La raison pour laquelle nous utilisons du THC est que l’on croit qu’il possède également des propriétés anti-inflammatoires et qu’utiliser ensemble ces deux composantes pourrait améliorer ces effets. Nous devons terminer cette étude et effectuer des études plus vastes pour établir de manière concluante si le CBD et le THC peuvent s’adapter à une routine de traitement du VIH pour certaines personnes. Nous croyons qu’il y a quelque chose à en tirer et nous allons le tester.

À quoi faut-il faire attention lorsqu’on consomme du CBD?

Maria : Si vous utilisez du CBD, cela peut avoir un impact sur la façon dont votre corps transforme les médicaments, et d’autres médicaments peuvent modifier les effets du CBD dans votre organisme. Les interactions médicamenteuses sont complexes à prédire. En matière de CBD, de nombreux facteurs peuvent influencer l’intensité de l’interaction médicamenteuse, ou s’il y en aura une ou non. Par exemple, de quelle façon consomme-t-on le CBD? Est-il pris par voie orale, sous la langue, inhalé ou fumé? Si on le consomme par voie orale, les repas à teneur élevée en gras peuvent accroître la quantité de CBD absorbée par l’organisme. Si on le fume, les composantes de la fumée elle-même peuvent interagir avec des choses comme la caféine et des médicaments comme l’olanzapine (Zyprexa et ses génériques) et la clozapine (Clozaril et ses génériques). De plus, que mélange-t-on avec le CBD? Est-ce un produit pur et comment s’en assurer? Toute autre chose mélangée au CBD, même en faible quantité, peut avoir des répercussions sur les interactions.

Comment le CBD est-il réglementé?

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Alison : On retrouve le CBD à la fois dans le chanvre et la marijuana. Le chanvre est du cannabis, mais du cannabis contenant moins de 0,3 % de THC. Au Canada, lorsque le gouvernement a légalisé le cannabis à usage récréatif et a instauré la Loi sur le cannabis, il a également modifié la réglementation relative au chanvre. Par conséquent, le gouvernement ne fait pas de distinction entre le CBD et tout autre cannabinoïde, estimant qu’ils sont tous pareils. Au Canada, les produits contenant du CBD sont légaux, tout comme les produits contenant du THC : c’est-à-dire lorsqu’ils sont produits par un producteur autorisé et vendus dans des dispensaires légaux. Les producteurs autorisés peuvent seulement vendre leurs produits aux dispensaires légaux et ces derniers peuvent seulement se procurer des produits auprès de producteurs autorisés.

Comme pour l’alcool, chaque province possède sa structure de distribution. En Alberta, au Manitoba, en Ontario, en Saskatchewan et à Terre-Neuve-et-Labrador, les magasins sont des entreprises privées réglementées par le gouvernement. En Colombie-Britannique, à l’Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, au Québec et dans les Territoires du Nord-Ouest, le gouvernement gère les dispensaires. Au Nunavut, les produits de cannabis sont vendus par le gouvernement en ligne ou par téléphone.

Maria Zhang est une pharmacienne et éducatrice clinique au Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) et à l’Université de Toronto.

La Dre Cecilia Costiniuk est une clinicienne spécialisée en VIH et professeure adjointe au sein de la division des maladies infectieuses et du service des maladies virales chroniques du centre universitaire de santé de l’Université McGill.

Le Dr Mohammad-Ali Jenabian est un scientifique spécialisé en VIH et professeur adjoint à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et il est titulaire de la chaire de recherche du Canada en immunovirologie.

Alison Gordon est directrice générale de 48North, une entreprise de cannabis axée sur le marché de la santé et du bien-être, et elle siège au conseil d’administration du Conseil du cannabis canadien.