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À l’arrivée de la COVID-19 au Canada, les professionnels de la santé sont passés en mode virtuel, une forme de prestation de soins qui répond mieux aux besoins des patients, selon Susanne Nicolay, une infirmière de Regina. Susanne est coordonnatrice clinique et infirmière en chef chez Wellness Wheel, un service mobile de soins pour les Autochtones de la Saskatchewan.

Avant la pandémie, l’équipe de Wellness Wheel dirigée par Susanne offrait des soins contre le VIH et l’hépatite C dans 19 communautés autochtones, ainsi que des soins généraux et plus diversifiés dans environ quatre de ces communautés. Vu qu’il s’agit d’un service mobile, l’équipe offrait déjà des soins virtuels (confirmation de rendez-vous par texto, consultations par vidéo), même si ceux-ci étaient limités. En effet, les patients devaient quand même prendre rendez-vous et se rendre à un centre médical désigné pour leur consultation vidéo avec Wellness Wheel. Ce n’était donc pas une solution idéale pour les personnes vivant loin d’un point de service ou n’ayant pas accès à un véhicule, mais c’était la seule option virtuelle facturable dans la province.

En novembre 2019, Wellness Wheel a décidé d’essayer une plateforme virtuelle appelée OnCall, qui permet un échange sécurisé de messages textes et vidéos entre patient et équipe de soins. À ce moment-là, Wellness Wheel ne pouvait pas facturer les visites par OnCall à la province. Susanne se déplaçait donc pour voir un patient au centre de santé ou ailleurs dans sa communauté, et utilisait ensuite OnCall pour consulter le médecin au besoin. Cette façon de faire permettait de voir plus de gens à l’endroit de leur choix, comme chez eux ou dans leur voiture. De même, le médecin de Wellness Wheel n’avait plus besoin de se déplacer aussi souvent et pouvait utiliser le temps ainsi économisé à soigner plus de patients.

Quand la pandémie s’est déclarée en mars 2020, les conseils de bande des Premières Nations ont fermé l’accès à leurs communautés. Au début, Wellness Wheel se demandait comment adapter ses services pour continuer à répondre aux besoins des clients, mais le ministère de la Santé de la Saskatchewan a rapidement autorisé les fournisseurs de soins à facturer les services offerts par d’autres moyens. Résultat, Wellness Wheel était tout à coup en mesure de facturer ses services virtuels prodigués par téléphone, par des plateformes virtuelles et par textos. Comme de nombreux centres de santé dans les communautés autochtones ont fermé ou ont réduit leurs activités au début de la pandémie, Wellness Wheel comblait le vide. L’entreprise a élargi sa gamme de services et est passée en mode virtuel.

Par exemple, Wellness Wheel traitait beaucoup de patients atteints de diabète, qui lui envoyaient souvent par texto des photos de lésions causées par cette maladie. « Ce n’était pas à 100 % dans les règles de l’art, et dans un monde idéal, ça ne passerait pas, affirme Susanne. Mais en situation d’urgence, on ne peut pas refuser de prodiguer des soins sous prétexte qu’il y a risque de violation de la confidentialité. » Pour protéger la vie privée des patients, le personnel a trouvé différentes façons de s’assurer d’envoyer le texto à la bonne personne, tout en tenant compte du fait que le message pourrait être lu par quelqu’un d’autre. Comme le dit Susanne : « En période de pandémie, il nous a fallu devenir créatifs. Au lieu de dire “Comment ça se passe avec votre traitement anti-VIH?”, j’écri­vais “Comment ça se passe avec les trois pilules roses qu’on vous a données?” »

De bien des façons, la pandémie a amené une simplification des soins. Les soins virtuels sont accessibles à ceux qui ne peuvent pas facilement se déplacer en raison de leur état de santé ou du manque de moyen de transport. Et ils permettent d’obtenir des soins médicaux exactement quand on est prêt et quand on se sent en sécurité pour le faire, selon Susanne, qui ajoute que les soins virtuels protègent la vie privée des patients et réduisent la stigmatisation. En effet, plus besoin d’aller dans une clinique ou un centre de soins contre le VIH où d’autres pourraient vous voir, ce qui est encore plus important dans les endroits où tout le monde se connaît.

En Amérique du Nord, les soins de santé sont offerts à la convenance des fournisseurs de soins. En revanche, le mode virtuel permet d’adapter les soins aux besoins des patients. Souvent, les fournisseurs de soins offrent des consultations à la clinique ou à l’hôpital pendant certaines heures, et ne travaillent ni la fin de semaine ni les soirs, ni sur l’heure du dîner. « Les fournisseurs de soins veulent quatre murs et un lit d’examen; ils veulent avoir leurs outils à portée de main, explique Susanne. Mais en fait, on peut faire beaucoup sur le siège arrière d’une voiture. »

« C’est sûr qu’il arrive qu’un examen soit requis. Je n’en nie pas l’importance. Mais est-il raisonnable qu’un patient conduise quatre heures pour un rendez-vous de 20 minutes? Ne pourrions-nous pas plutôt valoriser son temps? Tout le monde n’est pas à l’aise d’aller à l’hôpital. Tout le monde n’a pas des congés de maladie ou un moyen de transport à sa disposition. Nous pensons qu’il nous faut voir nos patients tous les quelques mois, mais si on les voit en personne une fois par année, entre-temps, on peut communiquer avec eux par téléphone ou par OnCall. C’est désormais possible, et nous devons être réceptifs à cette option. »

Le virtuel permet aussi d’accroître l’accès aux soins par la collaboration de divers fournisseurs. Par exemple, Wellness Wheel a remis une tablette à une pharmacie de Regina située près d’un organisme communautaire offrant des repas gratuits et du matériel de réduction des méfaits dans une ambiance sécuri­taire et accueillante. Quand quelqu’un est prêt à entreprendre ou à reprendre son traitement anti-VIH, les pharmaciens utilisent la tablette pour prendre un rendez-vous virtuel immédiat avec Wellness Wheel.

Les fournisseurs de soins doivent être ouverts à ce type de partenariats, ajoute Susanne. « Si quelqu’un ne vient jamais à votre cabinet, conclure à de l’indifférence ne mènera à rien. Ce n’est d’ailleurs habituellement pas le cas. Cette personne n’a peut-être tout simplement pas les moyens financiers ou physiques de se déplacer. »

Jennifer McPhee est une auteure de Toronto qui collabore régulièrement à Vision positive.