L'importance de la CD14 soluble par rapport à l'inflammation

La recherche porte à croire que l’organisme est muni d'un capteur appelé CD14 soluble, s’écrivant sCD14, qui lui permet de détecter les bactéries envahissantes. Le taux de cette protéine est élevé chez les personnes séronégatives souffrant de graves infections bactériennes. La recherche laisse croire que la sCD14 est libérée par un groupe de cellules appelées monocytes. Il s'agit de cellules du système immunitaire qui jouent de nombreux rôles pour aider à détecter et à combattre les infections.

Depuis les années 1990, les chercheurs observent que le taux de sCD14 est plus élevé que la normale chez les personnes séropositives, y compris celles aux prises avec une grave infection bactérienne.

L'intérêt pour la sCD14 resurgit depuis quelques années à mesure que les chercheurs poursuivent leur étude de l'inflammation liée au VIH et de son effet sur le système immunitaire et la survie. Voici un résumé de quelques résultats de recherche se rapportant à la sCD14 et au VIH :

  • Les traitements combinés comportant l'inhibiteur de l'intégrase raltégravir (Isentress) peuvent réduire modestement le taux de sCD14 dans le sang, particulièrement chez les femmes vivant avec le VIH. Il faut souligner, toutefois, que le taux de sCD14 demeure relativement élevé même chez les patients prenant le raltégravir, comparativement aux personnes séronégatives en bonne santé;
  • Un taux élevé de sCD14 dans le sang est associé à un risque accru de mortalité parmi les personnes vivant avec le VIH;
  • Lors d'une étude, les femmes séropositives présentant un taux élevé de sCD14 couraient des risques accrus de maladies cardiovasculaires.

Désaccord concernant l'inflammation persistante

Certains chercheurs sont d'avis que l'élévation du taux de sCD14 dans le sang est causée par des bactéries. Cette hypothèse a du sens vu que les premiers travaux visant à comprendre la sCD14 chez les personnes séronégatives ont trouvé un lien entre cette protéine et les infections bactériennes.

Les intestins jouent un rôle important dans la santé des humains. Non seulement ils absorbent la nourriture, mais ils sont également entourés de tissus et ganglions lymphatiques qui interceptent tous les microbes qui y entrent. Il se peut aussi que ces composants du système contiennent des cellules CD4+. Lorsque l'infection par le VIH a lieu, le système immunitaire entourant les intestins perd un grand nombre de ses cellules CD4+. Par conséquent, certains chercheurs soutiennent que les intestins s'affaiblissent sur le plan immunologique et sont moins en mesure de se défendre contre les microbes.  Lorsqu’affaiblis, les intestins risquent de permettre à davantage de microbes de les traverser et d'entrer dans l'organisme. Il est également possible que les intestins et les ganglions et tissus lymphatiques avoisinants produisent davantage de signaux chimiques qui favorisent l'inflammation.

Les chercheurs appellent cette fuite de bactéries des intestins vers le sang la « translocation bactérienne ». Des essais cliniques sont prévus ou en cours pour éprouver des suppléments de bactéries favorables aux intestins (probiotiques) dans une tentative de réduire l'inflammation liée au VIH.

Au-delà des bactéries

Des chercheurs de San Francisco ont réalisé des expériences élégantes et sophistiquées dans le but de comprendre pourquoi les monocytes produisaient de la sCD14 chez des personnes séropositives qui n'avaient même pas d'infection bactérienne. Ils ont prélevé des échantillons de sang auprès de personnes séropositives et séronégatives dans le cadre de cette étude.

Les chercheurs ont découvert que les monocytes des personnes séropositives semblaient être activés à cause de l'exposition à de l'interféron-alpha et non à des bactéries ou à des protéines bactériennes. De plus, l'activation des monocytes observée au cours de leurs expériences a donné lieu à la libération de sCD14. L'activation des monocytes dans ces expériences était causée par l'exposition au VIH.

D'autres chercheurs à Londres ont constaté que l'activation persistante d'un autre groupe de cellules, soit les cellules tueuses naturelles (NK), qui aident à lutter contre les cellules infectées par le VIH et les cancers, se produisait chez les personnes ayant le VIH. Dans ce cas, l'activation n'était pas causée par des infections bactériennes.

Retour aux ganglions lymphatiques

Toutes ces études sur la sCD14 ont ceci en commun qu'elles ont recherché la présence de cette protéine dans le sang. Or la majorité du VIH (et des cellules CD4+ de l'organisme) ne se trouvent pas dans le sang, mais dans les ganglions lymphatiques, les organes lymphoïdes (comme la rate et le thymus) et les tissus lymphatiques situés près des intestins, de la bouche, du nez, de l'anus et du rectum.

Récemment, des chercheurs aux États-Unis ont constaté que les cellules infectées par le VIH continuaient de produire du VIH dans les ganglions lymphatiques chez des patients sous TAR qui suivaient très fidèlement leur traitement et qui avaient une charge virale inférieure à 50 copies/ml dans le sang.

Cette découverte inspirera sans doute de nombreuses recherches explorant l'impact du VIH et de l'inflammation qui y est associée. Ces recherches pourraient fournir d'autres indices sur les moyens de réduire l'inflammation liée au VIH et le taux de sCD14.

—Sean R. Hosein

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