Dovato (dolutégravir + 3TC) pour remplacer un régime à base de TAF

Le régime contenant les deux médicaments dolutégravir et 3TC, vendus dans un seul comprimé sous le nom de Dovato, a été approuvé au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé pour le traitement de l’infection au VIH. Le régime est fondé sur la puissance de l’inhibiteur de l’intégrase dolutégravir.

Les médecins peuvent alors envisager d’utiliser Dovato à deux fins :

  • le traitement initial du VIH
  • la simplification du traitement (voir l’explication ci-dessous)

Certaines personnes qui suivent une trithérapie ou une quadrithérapie standard et dont la charge virale est supprimée de façon stable pourraient être envisagées comme candidats à une simplification de régime en faveur de Dovato, qui ne contient que deux médicaments. Il est important que les personnes visées n’aient pas de résistance préexistante au dolutégravir ou à 3TC, la co-infection à l’hépatite B ou encore des antécédents d’échec virologique.

Les médecins s’attendent de plus en plus à ce que de nombreuses personnes sous traitement antirétroviral (TAR) aient une espérance de vie quasi normale. Étant donné ce bienfait énorme du TAR, il est logique de vouloir prendre en considération le nombre de médicaments que les gens prennent et depuis combien de temps, surtout en ce qui concerne les personnes qui suivent fidèlement leur traitement et qui ont une charge virale supprimée. Une étude menée en Alberta a révélé que certains patients avaient pris des kilogrammes de TAR en quelques décennies. Les bienfaits à long terme du TAR sont clairs, soit la prolongation de la survie et un état de santé généralement bon. Ce qui est moins clair, cependant, est de savoir si la prise du TAR sur plusieurs décennies peut avoir des conséquences négatives. Il est probable que ce concept sera débattu parmi les médecins et les chercheurs dans les années à venir. Plus loin dans ce numéro de TraitementActualités, nous discutons de plusieurs enjeux qui pourraient être pertinents en ce qui a trait à l’utilisation de la bithérapie à base de dolutégravir.

Un essai clinique de phase III portant le nom de Tango est en cours. On a inscrit à cette étude des participants qui suivaient un régime standard incluant le médicament TAF (ténofovir alafénamide). Chez certains d’entre eux, ce traitement a été remplacé par un régime de deux médicaments, soit la combinaison dolutégravir + 3TC.

Après 48 semaines de traitement par dolutégravir et 3TC, les chercheurs ont constaté des taux d’efficacité semblables entre les deux régimes. Aucun cas de résistance au dolutégravir ou à 3TC n’a été signalé. De plus, la bithérapie s’est généralement révélée sûre.

Détails de l’étude

Les participants avaient une charge virale supprimée depuis au moins six mois sous l’effet du régime utilisé avant l’étude; rappelons que tous les régimes en question incluaient le médicament TAF.

Les participants n’avaient aucun des problèmes suivants :

  • co-infection au virus de l’hépatite B
  • épisodes antérieurs d’échec virologique
  • résistance aux inhibiteurs de l’intégrase ou aux analogues nucléosidiques

Les participants ont été répartis au hasard dans les deux groupes suivants :

  • changement pour le régime dolutégravir + 3TC
  • continuation du régime à base de TAF

Les participants avaient le profil moyen suivant au moment de leur admission à l’étude :

  • âge : 40 ans
  • 92 % d’hommes, 8 % de femmes
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 80 %; Noirs – 15 %; Asiatiques – 4 %
  • compte de CD4+ : 700 cellules/mm3

Régimes avant l’étude

Avant l’étude, les participants prenaient les régimes suivants dans les proportions indiquées :

  • 80 % prenaient Genvoya, un régime à doses fixes contenant l’elvitégravir, le cobicistat, TAF et FTC
  • 12 % prenaient Odefsey, un régime à doses fixes contenant la rilpivirine, TAF et FTC
  • 8 % prenaient le darunavir (Prezista) en association avec le ritonavir ou le cobicistat, ainsi que TAF et FTC

L’étude Tango est censée se poursuivre pendant quatre ans environ.

Résultats

Les participants avaient une charge virale indétectable (moins de 50 copies/ml) à la semaine 48 dans les proportions suivantes :

  • bithérapie à base de dolutégravir : 93 % (344 personnes sur 369)
  • régime à base de TAF : 93 % (346 personnes sur 372)

Cette étude a été conçue pour évaluer la non-infériorité de la bithérapie à base de dolutégravir par rapport à des régimes fondés sur TAF (qui contiennent habituellement trois ou quatre médicaments anti-VIH). L’étude a permis de constater que les deux régimes avaient une efficacité semblable sur le plan statistique. En d’autres mots, la bithérapie à base de dolutégravir ne s’est révélée ni plus efficace ni moins efficace que les régimes à base de TAF.

Effets secondaires et complications

De nombreux événements malheureux peuvent se produire durant les essais cliniques. Ces événements peuvent être causés par les médicaments à l’étude, le processus pathologique sous-jacent ou encore par des facteurs n’ayant rien à voir avec l’essai clinique. Les chercheurs appellent tous ces événements malheureux des « événements indésirables ». Dans l’ensemble, les événements indésirables se sont produits dans les proportions suivantes durant cette étude :

  • bithérapie à base de dolutégravir : 80 %
  • régimes à base de TAF : 79 %

Notons cependant que les événements indésirables dont l’intensité était au moins modérée et qui étaient les effets secondaires des médicaments se sont produits dans les proportions suivantes :

  • bithérapie à base de dolutégravir : 6 % (17 personnes sur 295)
  • régimes à base de TAF : 1 % (trois personnes sur 292)

Voici des exemples d’effets secondaires qui se sont produits chez plus de 0,5 % des participants :

Problèmes de sommeil

  • bithérapie à base de dolutégravir : 1 %
  • régimes à base de TAF : 0 %

Constipation

  • bithérapie à base de dolutégravir : 1 %
  • régimes à base de TAF : 0 %

Flatulence

  • bithérapie à base de dolutégravir : 1 %
  • régimes à base de TAF : 0 %

Maux de tête

  • bithérapie à base de dolutégravir : 1 %
  • régimes à base de TAF : 0 %

Les participants ont quitté prématurément l’étude à cause d’effets secondaires dans les proportions suivantes :

  • bithérapie à base de dolutégravir : 2 %
  • régimes à base de TAF : moins de 1 %

Poids corporel

À la semaine 48, les participants qui recevaient les deux sortes de régimes à l’étude avaient pris à peu près un kilogramme (environ 2,2 livres), et cette prise pondérale a été ajoutée à la liste des effets indésirables généraux possibles. La prise de poids a toutefois été signalée comme un effet secondaire des médicaments chez trois personnes (1 %) recevant le dolutégravir et chez six personnes (2 %) recevant un régime à base de TAF.

Retrait prématuré de l’étude

Des personnes appartenant aux deux groupes ont quitté prématurément l’étude à cause d’événements indésirables. Dans les cas ci-dessous concernant les participants recevant la bithérapie à base de dolutégravir, il est à noter que certaines personnes ont vécu plus d’un événement indésirable, ce qui les a poussées à quitter l’étude. Dans certains cas, une enquête a permis de déterminer la cause du problème :

  • anxiété : 3 cas
  • problèmes de sommeil : 3 cas
  • prise de poids : 2 cas
  • manque d’énergie : 2 cas
  • malaise abdominal : 1 cas
  • brûlures gastriques : 1 cas
  • nausées : 1 cas
  • sensations d’engourdissement ou de picotement dans la bouche : 1 cas
  • hypersensibilité aux médicaments : 1 cas
  • blessure par balle : 1 cas; cet événement n’avait rien à voir avec les médicaments utilisés dans l’étude
  • lymphome : 1 cas; aucun lien avec les médicaments à l’étude
  • cancer du poumon : 1 cas; aucun lien avec les médicaments à l’étude
  • problèmes de concentration : 1 cas
  • sensations de fourmillement, diminution du sens du toucher : 1 cas
  • irritabilité : 1 cas
  • pensées suicidaires : 1 cas; aucun lien avec les médicaments à l’étude
  • perte de sensation dans les organes génitaux : 1 cas
  • sensations de picotement ou d’engourdissement dans les organes génitaux : 1 cas
  • démangeaisons de la peau : 1 cas

Un grand nombre des cas ci-dessus n’avaient vraisemblablement rien à voir avec les médicaments à l’étude. Il est plus probable qu’ils étaient attribuables à un processus pathologique sous-jacent ou encore à des médicaments que les participants prenaient pour des affections autres que le VIH.

Départs prématurés parmi les utilisateurs de TAF

Dans les cas ci-dessous, il importe de noter que certaines personnes ont vécu plus d’un événement indésirable, ce qui les a poussées à quitter l’étude. Dans certains cas, une enquête a permis de déterminer la cause du problème :

  • prise de poids : 1 personne
  • dépression : 1 personne
  • tentative de suicide : 1 personne; aucun lien avec le médicament à l’étude

Accent sur les lipides, les reins et les os

Dans l’ensemble, quel que soit le régime utilisé, les taux des marqueurs suivants étaient généralement acceptables ou bons dans les échantillons de sang et d’urine d’un grand nombre de participants :

  • lipides (cholestérol, triglycérides)
  • marqueurs de la santé osseuse
  • marqueurs de la santé rénale

Un mot à propos des virus « archivés »

Avant de s’inscrire à cette étude, il est possible que certaines personnes aient été infectées par une souche du VIH qui avait acquis une résistance partielle ou totale à des médicaments comme 3TC, FTC ou TAF. Rappelons aussi que la résistance aux médicaments peut également se produire lorsque les patients ne prennent pas fidèlement leurs médicaments. Comme l’usage d’un régime puissant permet de supprimer le VIH dans le sang, les cellules infectées par une souche virale qui est potentiellement résistante à 3TC et à FTC ne produisent pas activement de virus; ces cellules peuvent circuler en très faible quantité dans le sang ou encore se loger dans les régions profondes des ganglions et tissus lymphatiques. Dans le contexte d’une charge virale supprimée, les virologistes affirment que les cellules infectées par le VIH qui possèdent la capacité de résister partiellement au traitement sont « archivées » quelque part dans le corps. Les souches archivées (et pharmacorésistantes) du VIH peuvent émerger de leurs cachettes et se propager dans l’organisme si des doses sont sautées ou oubliées.

Quelle importance ont les souches du VIH pharmacorésistantes archivées chez les personnes dont la charge virale est supprimée par des médicaments puissants comme le dolutégravir utilisé en bithérapie? Afin d’étudier cette question, les chercheurs affiliés à l’étude Tango ont analysé des échantillons de sang entreposés, ce qui leur a permis de découvrir un faible nombre de cellules infectées qui pouvaient résister à 3TC et/ou à FTC. Les souches du VIH qui possèdent la capacité de résister à ces médicaments portent dans leur génome des mutations appelées M184V et/ou M184I. Au début de l’étude, les participants avaient ces mutations dans les proportions suivantes :

  • bithérapie à base de dolutégravir : 4 personnes (environ 1 %)
  • régimes à base de TAF : 3 personnes (environ 1 %)

À la semaine 48, chacune de ces sept personnes avait une charge virale inférieure à 50 copies/ml.

Parmi les participants qui n’avaient pas de mutations archivées conférant la résistance à 3TC et/ou à FTC au début de l’étude, la charge virale était supprimée à la semaine 48 dans les proportions suivantes :

  • bithérapie à base de dolutégravir : 100 %
  • régimes à base de TAF : 99 %

Le chiffre inférieur se rapportant aux utilisateurs de TAF est dû au fait que deux personnes avaient une charge virale supérieure à 50 copies/ml à la fin de l’étude. Notons toutefois que les mutations M184V/M184I n’ont pas eu d’impact sur l’efficacité du traitement durant cette étude.

À retenir

La plupart des participants à l’étude Tango n’avaient pas de mutations archivées conférant la résistance à 3TC, et ceux qui en avaient ont généralement été exclus de l’étude (seulement environ 1 % des personnes inscrites à Tango avaient de telles mutations). Il reste cependant que l’analyse des mutations et de la charge virale dans cette étude a donné des résultats rassurants en ce qui concerne la puissance de la combinaison dolutégravir + 3TC lorsque celle-ci est utilisée pour remplacer le régime des personnes dont la charge virale est supprimée (moins de 50 copies/ml). Notons qu’une autre étude appelée Salsa est prévue. Dans celle-ci, les chercheurs évalueront l’efficacité de la combinaison dolutégravir + 3TC pour remplacer des régimes différents.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

van Wyk J, Ajana F, Bisshop F, et al. Switching to DTG+3TC fixed dose combination (FDC) is non-inferior to continuing a TAF-based regimen (TBR) in maintaining virologic suppression through 24 weeks (TANGO Study). In: Proceedings and abstracts of the 10th IAS Conference on Science, 21–24 July 2019. Mexico City, Mexico. Abstract WEAB0403LB.