On trouve un lien entre le tabagisme, les problèmes de santé mentale et une charge virale détectable

Plusieurs sondages ont révélé que les taux de tabagisme sont généralement plus élevés parmi les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives. Il est donc important de comprendre le tabagisme et les comportements reliés afin de pouvoir concevoir des programmes de cessation du tabagisme efficaces destinés aux personnes séropositives.

Des chercheurs œuvrant dans plusieurs cliniques aux États-Unis ont collaboré à une étude sur le tabagisme et sa relation avec d’autres problèmes de santé. L’étude a porté sur presque 3 000 personnes séropositives. Les participants ont rempli des sondages sur des ordinateurs ou tablettes électroniques. Les chercheurs ont trouvé que certains fumeurs étaient plus susceptibles de souffrir de dépression « modérée à grave » et d’utiliser des drogues, en plus d’être moins susceptibles d’avoir une charge virale indétectable.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont recruté 2 952 participants séropositifs dans des cliniques situées dans les villes suivantes :

  • Birmingham, Alabama
  • Boston, Massachusetts
  • San Diego, Californie
  • Seattle, Washington

Les participants ont rempli des sondages sur leur usage de tabac et d’autres comportements entre 2005 et 2009. Les chercheurs ont également interrogé les participants au sujet de l’anxiété, de la dépression, de la consommation de substances et de leur observance thérapeutique (capacité de prendre le TAR tous les jours en respectant toutes les prescriptions et consignes). Les chercheurs avaient également accès aux données des dossiers médicaux des participants.

Les participants avaient le profil moyen suivant au moment de s’inscrire à l’étude :

  • âge : 43 ans
  • 84 % d’hommes, 16 % de femmes
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 64 %; Noirs – 32 %
  • 77 % des participants prenaient un TAR
  • compte de CD4+ : 472 cellules/mm3
  • 44 % des participants sous TAR disaient avoir des problèmes d’observance
  • 51 % des participants sous TAR avaient une charge virale inférieure à 50 copies/ml
  • 41 % des participants fumaient encore du tabac
  • 42 % des fumeurs fumaient depuis plus de 20 ans

Résultats : charge virale

En tant que groupe, les fumeurs qui suivaient un TAR étaient moins susceptibles (60 %) d’avoir une charge virale supprimée que les anciens fumeurs (69 %) et les personnes qui n’avaient jamais fumé (65 %).

Tabagisme et son lien avec la santé mentale

Les chercheurs ont constaté les associations suivantes :

Dépression

Les fumeurs étaient plus susceptibles d’éprouver des symptômes intenses de dépression que les anciens fumeurs et les personnes qui n’avaient jamais fumé qui souffraient également de dépression.

Anxiété

Les fumeurs étaient plus susceptibles d’éprouver des symptômes d’anxiété que les anciens fumeurs et les personnes qui n’avaient jamais fumé.

Consommation de substances

Les fumeurs étaient plus susceptibles de dévoiler qu’ils consommaient actuellement des drogues que les anciens fumeurs et les personnes qui n’avaient jamais fumé.

Point à retenir

La présente étude a révélé un taux élevé de tabagisme parmi les personnes séropositives; ce résultat rappelle celui d’autres études sur le tabagisme menées auprès de cette population.

Les chercheurs ont trouvé que, dans leur étude, le tabagisme était associé à « d’autres symptômes de dépendance et de troubles psychologiques, ce qui démontre l’impact négatif du tabagisme sur les personnes infectées par le VIH, particulièrement son influence quant à la charge virale détectable ».

De nombreuses autres études ont trouvé des associations entre le tabagisme et la réduction de l’observance du TAR. Cela ne veut pas dire que le tabagisme lui-même cause la non-observance. On peut considérer plutôt le tabagisme comme un voyant rouge signalant la présence de problèmes de santé mentale sous-jacents et sans doute mal gérés qui peuvent déstabiliser la capacité d’une personne à suivre fidèlement son TAR et à atteindre et à maintenir une charge virale indétectable. Les études sur le tabagisme menées chez des personnes séronégatives ont révélé que cette habitude était relativement courante parmi les personnes souffrant de problèmes de santé mentale, alors il n’est pas surprenant que le tabagisme soit associé à des problèmes semblables chez les personnes séropositives.

Vers l’avenir

Les résultats de la présente étude soulignent la nécessité de concevoir et de mener d’autres études qui tiennent compte des problèmes de santé mentale dans le cadre des programmes de cessation du tabagisme destinés aux personnes séropositives. En traitant les causes sous-jacentes de la consommation de substances, il sera possible d’aider les gens à connaître une meilleure qualité de vie et de les mettre sur la voie d’une meilleure santé et d’une meilleure observance thérapeutique, ce qui permettra de maximiser les bienfaits du TAR. Si l’on aide les personnes séropositives à se libérer de l’emprise du tabac, elles pourront améliorer leur qualité de vie et réduire leurs risques de cancer, de crise cardiaque, d’AVC, de problèmes pulmonaires et d’autres affections, ce qui prolongera probablement leur espérance de vie.

Ressources

Tabagisme, dépendance et cessation

—Sean R. Hosein

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