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Les gens cherchent souvent à connaître leur risque d’infection par le VIH et dans quelle mesure diverses stratégies de prévention permettent de réduire ce risque. Notre compréhension du risque et des effets des stratégies de prévention sur celui-ci a beaucoup progressé. Les prestataires de services peuvent aider leurs client·e·s à mieux comprendre et à évaluer le risque, mais ils doivent le faire en gardant à l’esprit que les comportements d’une personne ne sont qu’une vue partielle de la situation. Pour cerner le risque d’infection par le VIH auquel une personne est exposée, il faut tenir compte de nombreux facteurs individuels, comportementaux et contextuels. Si les décisions et les actions personnelles (comme l’utilisation de condoms) peuvent avoir une incidence en cette matière, d’autres facteurs sociaux et structurels (comme les rapports de force dans les relations, la précarité du logement ou l’insuffisance des revenus) peuvent également déterminer la vulnérabilité au VIH. Il peut être complexe et difficile d’expliquer comme il se doit la notion de risque. Toutefois, comprendre les nombreux facteurs qui entrent en jeu dans le risque d’infection par le VIH permet non seulement d’aider les personnes concernées à estimer elles-mêmes la nature de ce risque, mais aussi de mieux soutenir celles qui font appel aux prestataires de services.

Qu’est-ce que le risque et pourquoi est-ce un enjeu important?

Le risque désigne la probabilité que quelque chose se produise. En matière de prévention de l’infection par le VIH, le risque est la probabilité que des activités ou des faits particuliers donnent lieu à la transmission du VIH. Saviez-vous qu’aucune activité ne comporte un risque de transmission du VIH de 100 %? Le risque est soumis à des incertitudes et ne survient pas en vase clos. Il dépend de facteurs nombreux et divers qui peuvent évoluer dans le temps. De manière générale, les facteurs suivants peuvent influer sur le risque de contracter le VIH auquel une personne est exposée :

  • Sa participation à des types d’activités comportant un risque de transmission du VIH (p. ex. certains types de relations sexuelles, le partage de matériel d’injection de drogue).
  • La fréquence à laquelle elle participe à ces activités (p. ex. la fréquence à laquelle elle a des relations sexuelles sans recourir à une méthode efficace de prévention du VIH, la fréquence à laquelle elle partage du matériel d’injection de drogues).
  • Les facteurs biologiques de nature à accroître le risque de transmission du VIH (p. ex. une infection transmissible sexuellement).
  • La présence d’autres facteurs personnels tels que des problèmes de santé mentale ou l’utilisation de substances, qui peuvent influer sur le risque de diverses manières, par exemple, en affectant le jugement ou la capacité de faire des choix et de négocier le consentement.
  • L’accès et le recours à différentes stratégies de prévention de la transmission du VIH (p. ex. un traitement anti-VIH visant à maintenir une charge virale indétectable, les condoms, la prophylaxie pré-exposition [PrEP] et la prophylaxie post-exposition [PPE]).
  • Certains facteurs sociaux et structurels (c.-à-d. les formes d’oppression qui créent des inégalités en matière de santé, comme le racisme et l’homophobie).

Il est important que les prestataires de services comprennent bien tous les facteurs qui influent sur le risque de transmission du VIH, et qu’ils ou elles soient en mesure d’en discuter avec les client·e·s. Les prestataires de services peuvent aider ces dernier·ère·s à comprendre et à évaluer le risque d’infection par le VIH afin qu’ils ou elles disposent des éléments nécessaires pour prendre des décisions éclairées concernant les activités auxquelles ils ou elles participent et les stratégies de prévention à utiliser. En outre, si les prestataires de services comprennent que le risque de transmission du VIH est suscité et accentué par des inégalités sur le plan de la santé liées à des facteurs sociaux et structurels, ils ou elles pourront mieux répondre à l’ensemble des besoins des usagers et usagères de leurs services (p. ex. en les l’aidant à accéder à d’autres services, notamment à des consultations ou à des aides au logement) et promouvoir des changements systémiques plus larges (p. ex. des changements de politiques).

Mise en garde concernant la notion de risque

Certaines populations sont touchées de manière disproportionnée par le VIH

Au Canada, certains groupes et certaines communautés marginalisés présentent des taux disproportionnés d’infection par le VIH1,2. Ces populations comprennent les hommes gais, bisexuels et les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (gbHARSAH), les personnes bispirituelles, les personnes transgenres, les peuples autochtones (Premières Nations, Inuits et Métis), les communautés africaines, caraïbéennes et noires, et les personnes qui utilisent des drogues. Toutefois, cela ne se signifie pas que le fait d’appartenir à l’une de ces populations constitue en soi un « facteur de risque » de transmission du VIH. Cela signifie plutôt que d’autres facteurs contribuent à accroître le risque au sein de cette population. Au Canada, les populations qui présentent des taux élevés d’infection par le VIH subissent de façon disproportionnée une série de formes sociales et structurelles de discrimination et d’exclusion (p. ex. racisme, homophobie, transphobie) qui influent sur leurs déterminants sociaux en matière de santé (p. ex. itinérance, pauvreté, isolement social) et sur leur capacité d’accéder aux services de santé, ce qui entraîne des inégalités sur le plan de la santé. En ce qui concerne le VIH, les inégalités en matière de santé au sein de ces populations se traduisent par une vulnérabilité accrue à l’infection par le VIH et par des résultats de santé inférieurs pour les personnes vivant avec le VIH.

Ces disparités peuvent également créer des conditions qui permettent au VIH de se propager plus rapidement dans la population, ce qui a pour effet d’accentuer les inégalités en matière de santé. Plus le nombre de personnes vivant avec le VIH est élevé dans une population donnée, plus il est probable qu’un membre de cette population soit exposé au VIH. Par exemple, un homme qui a des relations sexuelles avec des hommes présente un risque statistiquement plus élevé de contracter le VIH qu’un homme qui n’en a qu’avec des femmes, même si les deux hommes ont les mêmes types de rapports sexuels, du fait de la prévalence plus élevée du VIH chez les hommes gbHARSAH.

Éviter la honte et les reproches dans les échanges concernant le risque

Le concept de risque sert souvent, directement ou indirectement, à reprocher aux individus les activités auxquelles ils participent. Il est important d’en être conscient lorsque vous discutez du risque de transmission du VIH avec vos client·e·s. Qualifier certaines activités de « risquées » ou dire aux gens qu’ils « ne devraient pas faire » certaines choses peut renforcer chez eux le sentiment d’oppression et d’exclusion. Par ailleurs, cette attitude revient à ignorer que les activités qui rendent possible la transmission du VIH sont parfois le résultat de facteurs indépendants de la volonté d’une personne et qui limitent ses choix. Par exemple, il se peut qu’elle doive partager le matériel de consommation de drogue parce qu’elle ne dispose pas de matériel neuf, ou qu’il y ait un rapport de force inégal dans la relation intime qui limite le recours aux stratégies de prévention de la transmission du VIH.

En outre, les activités susceptibles de propager le VIH (comme les relations sexuelles et l’utilisation de drogues) sont normales et courantes : nous les pratiquons parce que cela nous fait du bien, parce que c’est agréable, parce qu’elles peuvent contribuer à notre bien-être général et pour bien d’autres raisons encore. Les discussions concernant les risques devraient également porter sur les avantages que les gens tirent de leurs activités. Par ailleurs, il est important que les dialogues concernant la réduction des risques liés aux comportements sexuels et à l’utilisation de drogues soient extrêmement bienveillants pour éviter les préjugés que certaines personnes ont parfois de la difficulté à dissocier d’activités qui rendent possible la transmission du VIH.

Enfin, lorsqu’il est question des pratiques de ce type, il est indispensable de reconnaître que toute personne a le droit de décider des activités auxquelles elle se sent à l’aise de participer et des avantages qu’elle y trouve malgré leur caractère risqué. On peut aider les gens à faire des choix permettant de réduire, voire d’éliminer, le risque de transmission du VIH, mais la décision d’utiliser telle ou telle stratégie de prévention leur revient. Les niveaux de tolérance au risque et la perception du danger de contracter le VIH et d’autres infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS), comme l’hépatite C, varient d’une personne à l’autre. Certaines personnes sont prêtes à prendre plus de risques que d’autres : la tolérance au risque dépend souvent de multiples facteurs comme les convictions et les expériences de vie.

Deux types de risques : le risque absolu et le risque relatif

Dans la suite de cet article, nous examinerons certaines façons de prendre en compte les risques et de les expliquer aux client·e·s, en nous servant des concepts de risque absolu et de risque relatif. Il importe de comprendre qu’en ce qui concerne le risque de transmission du VIH, certaines choses sont incertaines. Toutefois, une chose est absolument sûre : « indétectable égale intransmissible » (ou I=I). Cela signifie qu’une personne vivant avec le VIH qui suit un traitement anti-VIH et maintient une charge virale indétectable ne transmettra pas le VIH par voie sexuelle3,4. D’une manière générale, plus la charge virale est faible, plus le risque de transmission du VIH est bas; lorsque la charge virale est indétectable, le risque de transmission sexuelle est nul. Les prestataires de services doivent expliquer clairement ce fait à leurs client·e·s afin de les aider à comprendre le risque de transmission sexuelle du VIH auquel ils ou elles sont exposé·e·s et de promouvoir une confiance généralisée dans le message « I=I ».

Dans cette optique, les prestataires de services peuvent mieux informer leurs client·e·s sur le risque de transmission du VIH les concernant. Les client·e·s veulent généralement savoir deux choses à ce sujet :

  1. leur risque de contracter ou de transmettre le VIH (également appelé risque absolu);
  2. dans quelle mesure un facteur de risque ou une stratégie de prévention peut modifier leur risque (risque relatif).

Risque absolu

Dans le contexte de la transmission du VIH, le risque absolu peut désigner le risque lié à un acte particulier (une seule exposition au VIH) ou le risque de transmission dans le temps (expositions multiples au VIH).

Le risque de transmission du VIH après une seule exposition dépend de nombreux facteurs, ce qui rend difficile l’estimation du risque à l’échelle individuelle. Les chercheurs ont réussi à estimer le risque moyen de transmission du VIH après une seule exposition, selon différents types d’exposition, en regroupant les données provenant de plusieurs études (c’est ce qu’on appelle une méta-analyse)5. Les estimations du risque présentées au tableau ci-dessous sont des estimations moyennes se rapportant uniquement à telle ou telle activité. Elles ne tiennent pas compte d’autres facteurs susceptibles de faire augmenter ou diminuer le risque, comme les relations sexuelles avec une personne dont la charge virale est indétectable ou l’utilisation d’une PrEP. En fait, ces études ont été menées avant que les conséquences d’une charge virale indétectable ne soient pleinement appréhendées et que la PrEP ne soit largement accessible.

Risque de transmission du VIH selon les différents types d’exposition

Activité/exposition

Estimation selon la méta-analyse5

Risque de contracter le VIH en fonction de l’activité

Relations sexuelles anales réceptives

1,38 %

1 sur 72

Relations sexuelles anales pénétrantes

0,11 %

1 sur 909

Relations sexuelles vaginales réceptives

0,08 %

1 sur 1250

Relations sexuelles vaginales pénétrantes

0,04 %

1 sur 2500

Sexe oral

Risque estimé beaucoup plus faible que celui de tout autre type de relations sexuelles, mais impossible à calculer

Pas d’estimation possible

Partage de seringues destinées à l’injection de drogues

0,63 %

1 sur 159

Le tableau ci-dessus indique que le risque moyen de transmission du VIH durant les relations sexuelles anales réceptives avec une personne séropositive pour le VIH est estimé à 1,38 %5. Cela signifie qu’en moyenne, avec ce type de relations sexuelles, il y aura une transmission pour 72 expositions au VIH. Comme il s’agit d’une estimation du risque moyen, cela concerne les actes sexuels entre des personnes présentant une charge virale très élevée ou très faible. Rappelons que le risque lié aux activités sexuelles peut être nul si la personne vivant avec le VIH suit un traitement et que sa charge virale est indétectable.

Lorsque les risques sont exprimés en chiffres, il peut être difficile de comprendre ce qu’ils signifient, ou encore de les interpréter correctement. Cependant, notre vision du risque s’appuie souvent sur des données issues des études. Ce que ces chiffres nous aident à comprendre c’est qu’en moyenne, certaines activités comportent un risque plus ou moins élevé de transmission du VIH que d’autres pour chaque occurrence. Par exemple, en matière de relations sexuelles, l’activité comportant le risque le plus élevé de transmission du VIH est le rapport anal réceptif. Bien que les relations sexuelles vaginales (tant réceptives que pénétrantes) comportent un risque plus faible que les relations sexuelles anales, elles sont néanmoins considérées comme une activité à risque élevé de transmission du VIH.

Une activité est considérée comme très risquée lorsqu’il existe un grand nombre de données prouvant que le VIH se transmet par cette voie. Autrement dit, il s’agit d’un mode courant de transmission du VIH lorsqu’aucune méthode de prévention efficace n’est utilisée. Dans le tableau ci-dessous, le niveau de risque associé à différents types d’exposition est exprimé en termes qualitatifs. Notons que même si l’estimation du risque est différente quant à chacune de ces activités, toutes (à l’exception des relations sexuelles orales) sont considérées comme comportant un risque élevé.

Risque de transmission du VIH selon différents types d’exposition (lorsqu’aucune méthode de prévention efficace* n’est utilisée) exprimé en termes qualitatifs

Activité/exposition

Niveau de risque

Relations sexuelles anales réceptives

Risque élevé

Relations sexuelles anales pénétrantes

Risque élevé

Relations sexuelles vaginales réceptives

Risque élevé

Relations sexuelles vaginales pénétrantes

Risque élevé

Relation sexuelle orale active

Peu ou pas de risque

Relation sexuelle orale réceptive

Aucun risque

Partage de seringues destinées à l’injection de drogues

Risque élevé

* Les stratégies très efficaces de prévention du VIH comprennent l’utilisation de condoms, le recours à la PrEP ou à la PPE, la prise d’un traitement visant à maintenir une charge virale indétectable et l’utilisation de seringues et de matériel neufs aux fins de l’injection de drogues.

Des expressions qualitatives telles que « risque élevé », « risque faible », « risque très faible » et « aucun risque » sont fréquemment utilisées pour décrire le niveau de risque associé à différentes activités. Les formulations qualitatives peuvent être plus faciles à faire comprendre que les formulations numériques, et peuvent exprimer le risque de transmission du VIH d’une manière plus claire ou plus parlante pour le ou la cliente. Cependant, elles ne sont pas d’une grande précision. Les termes qualitatifs peuvent néanmoins constituer un bon point de départ pour aborder la question du risque, avant de fournir des compléments d’information sur les facteurs susceptibles de modifier le risque initial.

Le risque peut également progresser dans le temps. Le risque global d’infection par le VIH augmente avec le nombre d’expositions au VIH. Tout comme le risque ponctuel de transmission du VIH résultant d’une exposition donnée, le risque sur la durée varie d’une personne à l’autre. Ce risque dépend du nombre de fois qu’une personne est exposée au VIH, lequel dépend lui-même de facteurs tels que la fréquence à laquelle la personne s’adonne à une activité qui rend possible la transmission du VIH, le niveau de risque associé à cette activité, la probabilité qu’elle soit exposée au VIH à chaque occasion et la régularité avec laquelle elle adopte une stratégie de prévention.

Dans le cadre de la prévention de l’infection par le VIH, les évaluations du risque tendent à porter sur le risque lié à une exposition unique au VIH, et non sur le risque étalé sur une durée. Cela peut conduire les personnes concernées à sous-estimer le risque, car des risques pouvant être considérés comme faibles à court terme peuvent se cumuler et augmenter à long terme. Par exemple, le risque moyen de transmission du VIH après une occurrence de relations sexuelles vaginales réceptives non protégées est estimé à 0,08 %5. Bien qu’une personne puisse considérer ce risque comme faible, le risque augmente avec la multiplication des relations sexuelles vaginales non protégées. Après 100 expositions, le risque cumulé de transmission du VIH atteint environ 8 %. Il faut ensuite tenir compte du fait que le risque peut être supérieur si certains facteurs biologiques sont présents (p. ex. si l’un·e des partenaires est atteint·e d’une infection transmissible sexuellement [ITS]), ou du fait que le risque peut être inférieur si on utilise des stratégies de prévention du VIH. Ce qui nous amène à parler du risque relatif.

Risque relatif

Toute activité rendant possible la transmission du VIH comporte un niveau particulier de risque absolu. Le risque absolu auquel une personne est exposée dépend du type d’activités auxquelles elle participe et de la fréquence de ces activités. Toutefois, comme nous l’avons indiqué ci-dessus, un certain nombre de facteurs supplémentaires peuvent faire varier ce risque absolu. Les données issues d’études de recherche nous ont permis d’en savoir plus sur les facteurs propres à faire augmenter ou à diminuer le risque (réduction du risque). Les estimations du risque relatif nous indiquent quels facteurs peuvent faire varier le risque sur le plan individuel, et dans quelle mesure.

Certains facteurs biologiques peuvent faire augmenter le risque de transmission du VIH5. Comme nous l’avons vu précédemment, un facteur clé susceptible de faire augmenter ou diminuer le risque de transmission est la quantité de VIH présente dans les liquides organiques, soit la charge virale. Plus la charge virale est élevée, plus le risque de transmission du VIH est grand, et inversement6. Lorsqu’une personne présente une charge virale indétectable, le risque de transmission du VIH à ses partenaires sexuel·le·s est nul3,4. Les ulcères génitaux5,7 (un symptôme de certaines ITS comme l’herpès ou la syphilis) et une affection vaginale appelée vaginose bactérienne8,9 peuvent également favoriser la transmission du VIH. À titre d’exemple, la présence d’ulcères génitaux peut faire doubler le risque de transmission du VIH5.

Il est important que les client·e·s connaissent l’incidence de ces facteurs biologiques, car il existe des moyens d’y remédier, et il est possible de réduire les risques qui y sont associés. Par exemple, une personne sexuellement active peut passer régulièrement des tests de dépistage des ITS, de manière à pouvoir déceler et traiter le plus tôt possible les éventuelles infections. Si une personne est atteinte d’une ITS, le recours à une stratégie de prévention du VIH telle que la PrEP contribue tout de même à réduire le risque de transmission du VIH.

Réduction du risque

Les stratégies de prévention du VIH permettent de réduire le risque de transmission du virus. Les estimations du risque relatif nous indiquent quelles sont les stratégies de prévention du VIH les plus efficaces. Par « très efficaces », nous voulons dire qu’il est assuré que le risque est considérablement inférieur (voire nul) lorsque la stratégie est appliquée systématiquement et correctement. Il existe de nombreuses stratégies de prévention du VIH très efficaces :

En plus d’adopter ces stratégies, les gens peuvent choisir de s’adonner à des types de relations sexuelles comportant un risque faible ou nul de transmission du VIH (p. ex. relations sexuelles orales, passage d’un doigt, masturbation, masturbation mutuelle), et consommer des drogues d’une manière associée à un risque faible ou nul de transmission du VIH (p. ex. inhaler, sniffer, avaler), bien qu’il puisse subsister un risque de transmission d’autres types d’infections et d’intoxication ou de surdose.

L’efficacité des diverses stratégies de prévention de l’infection par le VIH varie en fonction de la stratégie utilisée et de sa bonne application. Par exemple, pour les personnes vivant avec le VIH, une stratégie de prévention très efficace consiste à suivre le traitement anti-VIH de la manière indiquée. Lorsqu’une personne vivant avec le VIH suit son traitement et maintient une charge virale indétectable, le risque de transmission du VIH par voie sexuelle est réduit de 100 %3,4. Le risque de transmission du VIH par le partage de matériel d’injection de drogue est également réduit, mais nous ne savons pas exactement dans quelle mesure10.

Autre exemple : le recours à la PrEP par les personnes séronégatives pour le VIH. Il a été montré que la PrEP permet de réduire de plus de 99 %11,12 le risque de contracter le VIH par voie sexuelle lorsqu’elle est observée scrupuleusement. Cependant, on dispose de moins de données concernant l’utilisation de la PrEP par les personnes qui s’injectent des drogues. Dans la seule étude ayant porté sur cette population, la réduction du risque a été estimée à 84 % chez les personnes ayant utilisé la PrEP de manière systématique par rapport à celles qui ne l’ont pas fait13. Il est donc possible d’affirmer que la PrEP est plus ou moins efficace en fonction de la voie de transmission du VIH, même si les données sur ce point sont limitées. De plus, le recours à la PrEP suppose l’utilisation constante de médicaments sur ordonnance, de la manière indiquée. En cas d’omission de doses, le niveau de protection peut fluctuer.

Les condoms constituent une barrière que le VIH ne peut pas traverser, mais ils ne permettent pas pour autant de réduire à 100 % le risque de transmission du VIH. La raison en est que leur efficacité n’est pas à toute épreuve (ils peuvent se déchirer, glisser ou fuir) et qu’ils ne sont pas toujours utilisés correctement et systématiquement. Les travaux de recherche concernant l’utilisation du condom chez les hétérosexuel·le·s et les hommes gbHARSAH ont abouti à des estimations très variées : entre 69 % et 94 % de réduction du risque14-19. Cet écart notable peut s’expliquer par les limites des études d’observation et par les différentes méthodes d’analyse utilisées par les chercheurs. L’efficacité des condoms est maximale s’ils sont utilisés correctement et systématiquement à chaque relation sexuelle comportant un risque de transmission du VIH.

Il est important de noter que de nombreux obstacles peuvent empêcher l’accès ou le recours aux stratégies de prévention de l’infection par le VIH. Par exemple, il peut être difficile pour les personnes ne bénéficiant pas d’un régime d’assurance d’accéder à la PrEP, à la PPE ou au traitement anti-VIH. Certaines personnes n’ont pas forcément les moyens d’acheter des condoms ou ne savent pas où se les procurer gratuitement. Une multitude d’autres facteurs peuvent empêcher les gens de recourir à des stratégies de prévention ou de s’y tenir, notamment la stigmatisation, un rapport de force asymétrique, des problèmes de santé mentale et la priorité accordée aux besoins fondamentaux plutôt qu’à la prévention de l’infection par le VIH.

Retour sur le risque absolu

Si les gens veulent savoir dans quelle mesure une stratégie de prévention peut contribuer à réduire le risque auquel ils sont exposés, il serait également souhaitable qu’ils connaissent le risque absolu global de transmission du VIH lorsqu’ils adoptent une stratégie donnée. Les estimations du risque relatif associé aux stratégies de prévention de l’infection par le VIH nous permettent d’en comparer l’efficacité entre les personnes qui utilisent la stratégie et celles qui ne l’utilisent pas. Elles nous indiquent dans quelle mesure le risque a varié (p. ex. s’il a augmenté ou diminué considérablement), mais elles ne nous renseignent pas sur le nouveau niveau de risque réel.

Il est plus simple d’utiliser des termes qualitatifs pour exprimer le risque absolu global auquel s’expose un·e client·e, car les chiffres peuvent être difficiles à interpréter lorsqu’il y a autant de facteurs à prendre en compte. Lorsqu’une stratégie très efficace est utilisée systématiquement et correctement, le risque absolu de transmission du VIH est de nul à très faible.

Prenons l’exemple des relations sexuelles anales et de la PrEP :

Risque absolu initial : En l’absence de toute stratégie très efficace de prévention, les relations sexuelles anales comportent un risque élevé de transmission du VIH.

Risque relatif : La PrEP est un moyen très efficace de réduire le risque de transmission du VIH. Elle permet de réduire le risque de transmission sexuelle de plus de 99 % lorsqu’elle est suivie systématiquement et correctement.

Risque absolu global : Lorsqu’une personne utilise la PrEP comme stratégie de prévention dans le cadre de relations sexuelles anales, le risque de contracter le VIH est extrêmement faible. Autrement dit, il est très rare qu’une personne contracte le VIH si elle suit la PrEP de la manière indiquée, même si elle s’adonne à une activité à risque élevé.

Expliquer clairement le risque et aider les client·e·s à réduire le risque d’infection par le VIH

Il peut être difficile de parler du risque et il faut envisager de nombreux facteurs, mais une compréhension élémentaire des concepts traités dans cet article peut aider les prestataires de services à amener leur clientèle à mieux évaluer et atténuer le risque de transmission du VIH.

Voici quelques suggestions et rappels qui permettront d’expliquer le risque et d’aider les client·e·s à réduire leur risque d’infection par le VIH :

  • Un risque est soumis à une incertitude, et peu de choses dans la vie sont sûres à 100 %. Le risque n’est pas figé et peut varier en fonction de nombreux facteurs individuels, comportementaux et contextuels. Aidez les client·e·s à comprendre les nombreux facteurs qui influent sur le risque.
  • Des discussions ouvertes et exemptes de jugement au sujet des risques et des avantages liés à certaines activités peuvent contribuer à réduire la stigmatisation et aider les client·e·s à opter pour les stratégies de prévention du VIH qui leur conviennent.
  • Il existe de nombreuses stratégies de prévention très efficaces qui permettent de réduire ou d’éliminer les risques de contracter ou de transmettre le VIH. Notons que leur efficacité dépend de leur bonne application. Les prestataires de services peuvent aider les client·e·s à se prévaloir des stratégies de prévention du VIH et à les utiliser systématiquement et correctement.
  • Chaque individu connaît son propre degré d’aisance en matière de risque, et évalue les avantages de ses comportements pour son propre compte. Par conséquent, chacun soupèsera différemment les risques et les avantages relatifs à l’évaluation du risque de transmission du VIH.
  • Les prestataires de services peuvent aider leurs client·e·s à examiner les déterminants sociaux de la santé qui ont une incidence sur leur vulnérabilité à l’infection par le VIH. Les prestataires de services peuvent orienter leurs client·e·s vers des services locaux répondant à d’autres besoins, tels que les aides au logement, les soins de santé mentale, les soins primaires, l’accès à des aliments nutritifs, etc.
  • Toute personne a le droit de recevoir une information impartiale sur le risque de transmission du VIH et sur toutes les options de prévention disponibles. Les personnes ont également le droit d’accéder à des services de santé respectueux de leurs choix, de leurs activités et de leurs identités.

Ressources

Sept façons de prévenir le VIHpublications pour les clients

Guide pour une vie sexuelle plus sécuritairepublications pour les clients

La prophylaxie pré-exposition (PrEP)Feuillet d’information

La prophylaxie post-exposition (PPE)Feuillet d’information

La PrEP pour prévenir le VIH : Réponses à vos questionsPublications pour les clients

PPE : Prévention du VIH après une exposition potentielle – Publications pour les clients

Références

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À propos de l’auteur

Camille Arkell est gestionnaire, Réduction des méfaits, prévention et dépistage du VIH, chez CATIE. Elle détient une maîtrise de santé publique en promotion de la santé de l’Université de Toronto, et travaille en éducation et recherche sur le VIH depuis 2010.

 

Révision externe effectuée par : Dr Michael Montess et Ryan Lisk