Orientation dans les services de santé facilitée par des pairs, et progression dans la séquence des soins anti-VIH favorisée par des mesures incitatives

Los Angeles, É.-U.
2021

Le projet Alexis a consisté à combiner l’orientation dans les services de santé par des pairs et la prise en charge incitative en vue de faciliter aux femmes transgenres de couleur l’accès et l’arrimage aux soins anti-VIH. Le projet a favorisé la progression dans la séquence de soins anti-VIH : 85 % des personnes se sont présentées à une première visite de prise en charge de l’infection par le VIH; 71 % ont reçu un traitement contre le VIH; 69 % ont passé des tests visant à mesurer la charge virale et le taux de CD4; 57 % se sont présentées à une deuxième visite de prise en charge de l’infection par le VIH et 14 % ont présenté une charge virale indétectable.

Description du programme

Le projet Alexis visait à faciliter l’accès aux soins anti-VIH aux femmes transgenres de couleur et à les aider à progresser dans la séquence de soins (c.-à-d. jusqu’à la suppression de la charge virale) grâce à l’orientation dans les services de santé par des pairs et à la prise en charge incitative. Pour participer, une femme transgenre devait :

  • être âgée de 18 à 65 ans;
  • déclarer une identité raciale/ethnique autre que caucasienne/blanche;
  • être séropositive pour le VIH;
  • répondre à l’une des quatre conditions suivantes : a) ne pas suivre de traitement contre le VIH; b) ne pas avoir consulté de prestataire de soins anti-VIH au cours des six derniers mois; c) ne pas s’être vu prescrire de traitement contre le VIH; d) s’être vu prescrire un traitement contre le VIH, mais ne pas l’avoir observé fidèlement.

Les participantes ont été recrutées par les moyens suivants :

  • Stratégie de recrutement et de mobilisation par un réseau social connu de la collectivité
  • Activités de prise de contact dans des locaux et dans la rue, dans les banques alimentaires, dans les bars, aux coins des rues et dans d’autres endroits où les femmes transgenres se rassemblent
  • Dépliants concernant le projet
  • Approche dans le cadre d’autres programmes et organismes locaux offrant des services aux femmes transgenres
  • Centres de soins médicaux anti-VIH collaborant au projet

Orientation dans les services de santé par des pairs

Les pairs chargés de l’orientation dans les services de santé (c.-à-d. les intervenantes) étaient des femmes transgenres de couleur vivant avec le VIH. Les intervenantes ont assuré la gestion des cas et ont élaboré avec les participantes des plans de soins individualisés visant à faciliter l’accès et le recours aux soins anti-VIH, ainsi que l’observance thérapeutique et l’obtention et le maintien d’une charge virale indétectable. L’objectif des plans de soins était de surmonter les obstacles aux soins au niveau individuel (p. ex. transport, services juridiques, logement) afin d’accroître l’arrimage aux soins. Les intervenantes ont également orienté les participantes vers des prestataires et des services répondant aux besoins des personnes transgenres, leur ont rappelé leurs rendez-vous et leur ont fourni, si nécessaire, un moyen de transport et un accompagnement en vue des visites médicales liées aux soins anti-VIH ou d’autres rendez-vous (p. ex., demande d’une pièce d’identité délivrée par le gouvernement).

Les participantes étaient invitées à rester en contact avec les intervenantes pour obtenir de l’information, des conseils, du soutien ou une orientation vers d’autres services. L’objectif à terme consistait à ce que les intervenantes renforcent l’auto-efficacité des participantes dans le respect de leur propre plan de traitement.

Les intervenantes ont préalablement appris à fixer des limites, à préserver la confidentialité, à acquérir des aptitudes à l’écoute active et à prendre soin d’elles-mêmes (entre autres). Une supervision clinique était assurée deux fois par mois par un conseiller clinique ayant une formation de niveau doctoral. Un conseiller médical a offert une formation sur les soins anti-VIH, l’interprétation des dossiers médicaux et d’autres sujets cliniques (p. ex. information sur les choix de traitement, conseils sur la manière d’encadrer les personnes afin qu’elles maintiennent une suppression de la charge virale).

Prise en charge incitative

La finalité de la composante de prise en charge incitative du projet était d’augmenter le nombre de visites de prise en charge de l’infection par le VIH auxquelles les participantes se présentaient et de favoriser l’observance du traitement, afin de les aider à atteindre la suppression de la charge virale. La composante de prise en charge incitative (PCI) reposait sur l’attribution de points de PCI (équivalents à des montants d’argent). Les participantes recevaient des points de PCI lorsqu’elles franchissaient des jalons comportementaux, notamment lorsqu’elles se présentaient à une première visite de prise en charge du VIH (20 $) et aux visites suivantes (30 à 50 $ par visite), qu’elles allaient chercher leurs médicaments (20 $) et qu’elles présentaient les résultats de laboratoire aux intervenantes (20 $). Elles recevaient également des points de PCI lorsqu’elles franchissaient des jalons biomédicaux, par exemple, la réduction de la charge virale (30 $ pour une réduction de 1 log de la charge virale à 3 mois) et l’obtention et le maintien de la suppression de la charge virale (50 $ à 9, 12 et 18 mois). Les points de PCI étaient échangeables contre des biens ou des services (p. ex. des cartes-cadeaux dans des épiceries, des vêtements, des perruques et du maquillage, des traitements d’électrolyse et d’autres services de soins de la peau ou de nature à favoriser l’affirmation de genre).

Résultats

Entre février 2014 et août 2016, 139 participantes se sont inscrites au projet Alexis. La majorité des participantes étaient afro-américaines/noires (39 %) ou hispaniques/latino-américaines (38 %). Autres résultats :

  • 47 % étaient hétérosexuelles;
  • 23 % étaient gaies;
  • 38 % ont déclaré ne pas avoir de diplôme d’études secondaires ou de niveau équivalent;
  • 32 % étaient sans abri ou vivaient dans un foyer pour personnes sans abri;
  • 29 % ont déclaré que le travail du sexe était leur principale source de revenus.

Trente-cinq participantes (25 %) ont déclaré avoir eu des difficultés à suivre leur traitement contre le VIH ou à respecter leur protocole de soins primaires, mais présentaient une charge virale indétectable au moment de l’inscription. Onze participantes (8 %) ignoraient leur état sérologique quant au VIH et il s’est avéré qu’elles étaient porteuses du VIH après un test effectué sur place visant à déterminer leur état sérologique en vue de leur participation à l’étude.

La majorité (85 %) des participantes se sont présentées à la première visite de soins contre le VIH, 71 % ont reçu un traitement contre le VIH, 69 % ont passé des tests visant à mesurer la charge virale et le taux de CD4, 57 % se sont présentées à une deuxième visite de prise en charge de l’infection par le VIH, et 14 % ont présenté une charge virale indétectable. Dans l’ensemble, 88 % des participantes ont assisté à au moins deux séances d’orientation dans les services de santé par les pairs. Le nombre moyen de séances auxquelles les participantes ont assisté était de 6,6 (la participation aux séances d’orientation par les pairs ne faisait pas l’objet de mesures incitatives). Les participantes ont gagné un total de 19 960 points de PCI, ce qui correspond à une moyenne de 143,60 $ par personne.

Une participation plus assidue aux séances d’orientation par les pairs a été associée de manière significative au franchissement des jalons comportementaux et biomédicaux de la prise en charge de l’infection par le VIH, notamment l’obtention et le maintien de la suppression de la charge virale.

Qu’est-ce que cela signifie pour les prestataires de services?

Cette étude a permis d’établir que la combinaison de l’orientation dans les services de santé par des pairs et de la prise en charge incitative était un moyen efficace de faire progresser les femmes transgenres vivant avec le VIH dans la séquence de soins anti-VIH. Les interventions ont eu un effet positif notable sur les résultats (p. ex. arrimage aux soins, prise de médicaments contre le VIH et communication des résultats des analyses de laboratoire).

L’orientation dans les services de santé facilitée par les pairs s’est avérée une méthode efficace pour ce qui est de soutenir les personnes vivant avec le VIH dans le cadre du traitement et des soins contre le VIH. Le fait que des femmes transgenres de couleur aient été chargées de l’orientation dans les services de santé dans le cadre de ce projet a probablement permis d’instaurer un climat de confiance et de bonnes relations permettant de mieux discuter des obstacles à l’accessibilité des services et des moyens de les surmonter. Les intervenant·e·s qui ont eux-mêmes ou elles-mêmes réussi à s’orienter dans les services de santé liés au VIH sont sans doute particulièrement bien placé·e·s pour aider leurs pairs à s’orienter dans le système de santé. Le succès de ce programme peut également être attribué à la nature très concrète des interventions, qui consistaient par exemple à effectuer un aiguillage assisté des participantes vers d’autres prestataires de services, à les inciter à prendre contact avec les intervenantes à tout moment, et à les accompagner à divers rendez-vous (p. ex. pour obtenir une pièce d’identité délivrée par le gouvernement) sur demande.

Ressources connexes

Un programme à bas seuil d’accessibilité et à volets multiples destiné aux personnes sans abri ou précairement logées qui vivent avec le VIH

Lignes directrices de pratique pour les pairs navigateurs de la santé auprès des personnes vivant avec le VIH

La navigation de la santé dans les services en VIH : Un examen des données probantes

Référence

Reback C, Kisler KA, Fletcher JB. A novel adaptation of peer health navigation and contingency management for advancement along the HIV care continuum among transgender women of colour. AIDS and Behaviour. 2021 July; 25(Suppl 1): 40-51. doi:10.1007/s10461-019-02554-0.