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  • Le traitement du virus de l’hépatite C (VHC) guérit cette infection avec une grande efficacité
  • Une étude menée à Victoria a permis de constater des taux de réinfection relativement faibles chez des personnes qui utilisaient des drogues
  • La réduction des méfaits et d’autres services de soutien aident à préserver la vie et la santé avant, pendant et après le traitement

Au cours des huit dernières années, plusieurs antiviraux puissants pour le traitement de l’infection au virus de l’hépatite C (VHC) sont arrivés sur le marché au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. On appelle ces médicaments des antiviraux à action directe (AAD) et ils sont très efficaces et permettent d’obtenir des taux de guérison élevés.

Au Canada et dans les autres pays à revenu élevé, les nouveaux cas d’infection par le VHC ont tendance à se produire principalement parmi des personnes qui partagent du matériel pour utiliser des drogues. Les études menées dans ces pays ont généralement révélé de faibles taux de réinfection par le VHC chez les personnes ayant guéri antérieurement du virus.

À Victoria

Une équipe de recherche de la Colombie-Britannique et une autre de Sydney, en Australie, ont collaboré à une étude sur la réinfection par le VHC qui s’est déroulée à Victoria. L’équipe a examiné des données se rapportant à la santé de personnes présentant des troubles de santé mentale chroniques, des problèmes d’itinérance et, dans certains cas, des infections virales chroniques comme le VHC et le VIH.

L’équipe a examiné des données recueillies entre 2014 et la fin de 2019. Sur 482 personnes ayant suivi un traitement contre le VHC, 418 ont guéri. De ces 418 personnes, 22 (5 %) ont contracté à nouveau le VHC (réinfection).

Le risque de réinfection était le plus élevé chez les personnes qui s’injectaient encore des drogues au moment de commencer leur traitement initial contre le VHC, ainsi que chez quelques personnes vivant avec le VIH.

Cette étude confirme le taux de réinfection relativement faible associé au VHC. L’équipe de recherche a également fait état de 55 décès survenus pendant ou après le traitement. Une surdose était à l’origine de 35 % de ces décès.

Selon l’équipe de recherche, ces résultats soulignent « l’importance d’intégrer des stratégies visant la réduction des méfaits liés aux drogues dans les soins prodigués aux personnes atteintes du VHC ».

Détails de l’étude

Cette étude a utilisé des données recueillies par le Cool Aid Health Centre de Victoria. Ce dernier offre des soins primaires et du soutien à plus de 5 000 personnes vulnérables vivant dans cette ville. Son équipe de soins multidisciplinaire offre l’accès à de nombreux services, y compris le dépistage et le traitement du VHC, les soins post-traitement, le logement avec soutien et d’autres.

De plus, sous la direction de son équipe infirmière, le Cool Aid Health Centre offre à sa clientèle un programme sur le VHC qui inclut des services de réduction des méfaits.

Au moment de leur admission à l’étude, les participant·e·s avaient le profil moyen suivant :

  • âge : 56 ans
  • 70 % d’hommes, 30 % de femmes
  • 15 % étaient infecté·e·s par le VHC et par le VIH
  • 94 % avaient des antécédents d’injection de drogues
  • 46 % suivaient un traitement de substitution aux opioïdes
  • souche la plus courante du VHC : génotype 1

Traitements du VHC

Les médicaments contre le VHC couramment utilisés incluaient les suivants :

  • Epclusa (sofosbuvir + velpatasvir)
  • Harvoni (sofosbuvir + lédipasvir)
  • Zepatier (elbasvir + grazoprévir)

Résultats

L’analyse a révélé que 87 % des personnes (418 sur 482) qui avaient suivi un traitement contre le VHC avaient guéri.

Retraitement

L’équipe de recherche a constaté que, sur les 418 personnes guéries sous l’effet de leur premier traitement, 22 (5 %) ont contracté à nouveau le VHC.

De ces 22 personnes, sept ont choisi de suivre un traitement à nouveau. Les schémas utilisés pour ce deuxième traitement incluaient les suivants :

  • Epclusa
  • Vosevi (sofosbuvir + velpatasvir + voxilaprévir)
  • Maviret (glécaprévir + pibrentasvir)

Six personnes sur sept ont guéri.

Accent sur la réinfection

L’équipe de recherche a trouvé que le risque de réinfection était le plus élevé chez les groupes suivants :

  • les personnes qui s’injectaient des drogues au moment de commencer leur premier traitement contre le VHC
  • les personnes vivant avec le VIH

Réinfection et VIH

L’équipe de recherche a proposé plusieurs hypothèses pour expliquer les cas de réinfection survenus chez des personnes séropositives dont l’infection initiale au VHC avait été guérie par un traitement, y compris les suivantes :

  • Les résultats d’autres études portent à croire que certaines personnes co-infectées par le VIH et le VHC « partagent plus fréquemment des aiguilles et des seringues que les personnes ayant seulement le VHC ».
  • Chez certaines personnes, le système immunitaire se débarrasse spontanément de l’infection au VHC. Cependant, comme le VIH affaiblit le système immunitaire, ce dernier a moins de chances de se débarrasser du VHC chez les personnes co-infectées que chez certaines personnes n’ayant pas le VIH.
  • Le suivi des personnes vivant avec le VIH nécessite plus de consultations médicales et de tests de laboratoire que celui des personnes n’ayant pas le VIH. Elles ont par conséquent plus d’interaction avec le système de santé, ce qui augmente la probabilité de détecter la réinfection par le VHC chez elles.

Décès

Cinquante-cinq personnes sont décédées au cours de cette étude. Deux décès sont survenus pendant que les personnes en question suivaient leur premier traitement contre le VHC, et les autres, après le traitement. Selon l’équipe de recherche, les principales causes de décès furent « des surdoses de drogues, des problèmes hépatiques et d’autres comorbidités médicales ».

Importance de cette étude

Selon l’équipe de recherche, ces résultats sont importants parce qu’ils pourront être utilisés pour « orienter les lignes directrices et la prise en charge cliniques et les politiques de santé [parce qu’ils] soulignent la nécessité critique d’assurer un accès adéquat aux programmes de réduction des méfaits, la détection post-traitement des cas de réinfection et l’adoption d’approches intégrées pour améliorer les soins liés au VHC et les autres aspects de la santé des personnes qui utilisent des drogues ».

D’autres questions intéressantes

L’équipe de recherche a soulevé les points pertinents suivants après avoir examiné les résultats de cette étude :

La réinfection mise en contexte

« À mesure que l’accès au traitement du VHC s’élargit pour inclure des personnes qui s’injectent des drogues dont les comportements continuent de comporter un risque de réexposition, il est crucial de reconnaître que des cas de réinfection par le VHC vont avoir lieu. Même si la réinfection se produit, son incidence s’est révélée inférieure aux taux de primo-infection signalés pour ce virus. Les clinicien·ne·s de notre clinique ont dû modifier leur perspective afin de ne plus caractériser chaque épisode de réinfection par le VHC comme un « échec thérapeutique » individuel, mais comme la conséquence inévitable de programmes de traitement de grande échelle destinés aux personnes qui s’injectent des drogues, qui sont hautement marginalisées. Des stratégies appropriées doivent être mises en œuvre pour optimiser la prévention de la réinfection et offrir un nouveau traitement dans les cas de réinfection. Comme le risque d’exacerber la stigmatisation et la discrimination est réel dans le contexte de la réinfection par le VHC, il est essentiel d’adopter une approche sans jugement ».

Nécessité d’autres services

« Bien que le taux de traitement du VHC s’améliore actuellement au Canada chez les [personnes] co-infectées par le VIH, cela sera difficile à maintenir parce que la population qui reste à traiter est marginalisée et ne reçoit pas de soins dans la majorité des cas. Les prestataires de soins canadiens reconnaissent que l’accès insuffisant aux services de réduction des méfaits et de traitement des maladies mentales constitue un obstacle important à la mise sous traitement des personnes qui s’injectent des drogues. Celles-ci risquent de ne pas chercher à suivre un traitement par AAD pour diverses raisons, notamment l’ignorance des moyens d’y avoir accès, la présence de symptômes du VHC, la difficulté à localiser des veines pour les prises de sang, la priorisation de problèmes sociaux et de santé plus pressants ou l’expérience antérieure de stigmatisation et de discrimination lorsqu’elles tentaient d’avoir accès aux services. Cette population commence à faire entendre sa voix et à répondre au filtrage très serré exercé par les prestataires de soins quant à l’accès aux AAD en cherchant des soins qui soient plus centrés sur la personne et plus fondés sur les principes de l’équité et de la réduction des méfaits ».

Importance des interventions par les pairs

« Les interventions éducatives de proximité et les services de soutien par les pairs, y compris le dépistage du VHC aux points de services, peuvent faciliter l’accès aux soins, surtout lorsque les pairs sont perçus comme des sources de connaissances dignes de confiance qui peuvent attester l’efficacité, le faible nombre d’effets secondaires et la réduction des obstacles à l’admissibilité qui caractérisent actuellement l’ère des AAD ».

En clinique

« Les clinicien·ne·s doivent discuter du risque de réinfection avec les personnes qui continuent d’avoir des comportements à risque après avoir suivi un traitement contre le VHC, et les personnes ayant du vécu à cet égard peuvent jouer un rôle crucial pour amplifier ce message. Cela élargit la portée des discussions sur la réduction des méfaits qui ont lieu parallèlement à l’administration [de traitements de substitution aux opioïdes], à la distribution de matériel de réduction des méfaits comme les aiguilles, les seringues et d’autres matériel d’injection, à la gestion des cas et à la revendication de soutiens au logement, au revenu, à la santé mentale et au traitement ».

Portrait global de la santé

« Même si une surdose a causé au moins 35 % des décès, l’insuffisance hépatique de stade avancé et les maladies cardiaques et pulmonaires chroniques ont contribué à la majorité de la mortalité, ce qui souligne les taux élevés de comorbidités graves dans la cohorte de traitement de l’hépatite C. On doit poursuivre les efforts pour soutenir les soins de santé primaires, notamment la surveillance et la prise en charge des comorbidités chroniques. À ce titre, notons que l’on cherche actuellement à repérer les patient·e·s courant un risque élevé de carcinome hépatocellulaire en effectuant des bilans sanguins ou des tests diagnostiques afin de s’assurer que les patient·e·s sont évalué·e·s régulièrement et que les tests diagnostiques sont effectués lorsque c’est possible ».

Cette étude menée à Victoria a capté des données précieuses en ce qui concerne la situation des personnes atteintes du VHC (dont certaines ont également le VIH) qui continuent d’éprouver de nombreux problèmes après avoir guéri de l’infection une première fois. Un soutien à long terme est nécessaire pour aider ces personnes à rester guéries du VHC et à préserver leur santé malgré la présence d’autres problèmes dans leur vie.

Ressources

Cool Aid Community Health Centre

Répondre à une surdose d’opioïdes, Répondre à une surconsommation ou à une surdose de stimulantsCentre de distribution de CATIE

Renseignements généraux sur la réduction des méfaits - CATIE

L’hépatite CCATIE

Toward the HeartBCCDC Harm Reduction Services

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Selfridge M, Cunningham EB, Barnett T, et al. Reinfection following successful direct-acting antiviral therapy for HCV infection among people attending an inner-city community health centre in Victoria, Canada. International Journal of Drug Policy. 2021 Oct;96:103418.
  2. Cunningham EB, Hajarizadeh B, Amin J, et al. Reinfection following successful direct-acting antiviral therapy for hepatitis C virus infection among people who inject drugs. Clinical Infectious Diseases. 2021 Apr 26;72(8):1392-1400.
  3. Carson JM, Hajarizadeh B, Hanson J, et al. Effectiveness of treatment for hepatitis C virus reinfection following direct acting antiviral therapy in the REACH-C cohort. International Journal of Drug Policy. 2021 Oct;96:103422.
  4. Yeung A, Palmateer NE, Dillon JF, et al. Population-level estimates of hepatitis C reinfection post scale-up of direct-acting antivirals among people who inject drugs. Journal of Hepatology. 2021 Oct 8:S0168-8278(21)02103-6.