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  • Aux fins d’une étude albertaine, on a offert le dépistage des ITS à 2 900 personnes lors d’une incarcération de courte durée
  • 31 % des personnes ont accepté de se faire tester, et les résultats positifs se sont révélés relativement élevés
  • Plus de la moitié des résultats positifs concernaient des personnes asymptomatiques

Le Canada connaît une hausse marquée des cas de syphilis. Les populations touchées incluent les hommes gais, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les hommes et femmes hétérosexuel·le·s et les bébés nés de personnes atteintes de syphilis. Les symptômes initiaux de cette infection transmissible sexuellement (ITS) sont souvent légers, telle une petite lésion indolore, et peuvent passer inaperçus s’ils apparaissent à l’intérieur du corps. Les bactéries qui causent la syphilis se propagent rapidement dans le corps et infectent des systèmes organiques importants comme les yeux, le cerveau, le cœur et les vaisseaux sanguins, les reins, le foie et les os. Si elle n’est pas traitée, la syphilis peut finir par entraîner de graves complications chez les adultes ou chez le fœtus d’une personne infectée durant la grossesse. Le diagnostic de la syphilis se fait au moyen d’un test sanguin simple, et il est important que les personnes sexuellement actives se fassent tester régulièrement. Chez la vaste majorité des personnes atteintes, un seul cycle de traitement suffit à guérir la syphilis. À l’instar de nombreuses autres maladies, plus la syphilis est diagnostiquée et traitée tôt, plus les résultats sont favorables. Enfin, comme il est possible de contracter à nouveau la syphilis après en avoir guéri, certaines personnes sexuellement actives doivent se faire tester fréquemment.

En Alberta

Une équipe de recherche de l’Alberta a constaté que les personnes incarcérées affichaient généralement des taux d’ITS plus élevés que la population générale. Comme de nombreuses autres régions du Canada, l’Alberta connaît actuellement une hausse marquée des cas de syphilis. En 2020, les Alberta Health Services ont estimé que 20 % des cas de syphilis dans la province concernaient des personnes incarcérées.

Récemment, cette équipe de recherche a analysé des données recueillies dans un centre de détention de courte durée où un service de dépistage volontaire d’ITS avait été mis sur pied. En vertu de ce dernier, les gens se faisaient offrir des tests de dépistage, mais pouvaient exercer un droit de refus s’ils le voulaient. Selon l’équipe de recherche, la plupart des gens ont refusé de se faire tester parce qu’ils croyaient que leurs risques d’ITS étaient faibles. Il reste que 31 % des personnes incarcérées ont accepté de se faire tester pour des ITS. Parmi celles-ci, l’équipe a constaté des taux élevés des ITS courantes suivantes :

  • gonorrhée : 11 % de résultats positifs
  • chlamydiose : 15 % de résultats positifs
  • syphilis : 30 % de résultats positifs

Notons que la majorité des ITS détectées par les tests ne causaient pas de symptômes. Comme les ITS non traitées peuvent toutefois entraîner de graves complications, ces résultats positifs chez des personnes asymptomatiques soulignent l’importance des dépistages d’ITS, autant dans les prisons qu’ailleurs. Cette étude a permis de constater que l’offre d’un dépistage avec option de refus dès l’admission à un centre de détention de courte durée était réalisable et donnait lieu à des taux élevés de détection d’ITS.

Détails de l’étude

Un total de 2 906 personnes (2 203 hommes et 703 femmes) ont été admises à la prison en question durant l’étude, soit de mars 2018 à février 2020. La vaste majorité des participant·e·s (97 %) se sont fait offrir des tests d’ITS avec option de refus. Des tests n’ont pas été proposés à une faible proportion de personnes pour des raisons non spécifiées que l’équipe de recherche a qualifiées de « contraintes opérationnelles ».

Sur les 2 906 personnes admises à l’établissement, 31 % ont accepté de passer des tests de dépistage d’ITS. De ce nombre, 97 % se sont fait tester pour quatre ITS, soit la chlamydiose, la gonorrhée, la syphilis et le VIH.

Résultats

Les tests d’ITS ont donné des résultats positifs dans les proportions suivantes :

  • VIH : 0,33 %
  • gonorrhée : 11 %
  • chlamydiose : 15 %
  • syphilis : 30 %

En général, l’équipe de recherche a constaté des taux d’ITS plus élevés chez les femmes que chez les hommes. Les personnes âgées de 18 à 25 ans étaient plus susceptibles de se faire diagnostiquer des ITS que les personnes plus âgées. Comme on peut le constater dans la liste ci-dessus, la syphilis s’est révélée l’ITS la plus courante.

Traitement

La vaste majorité des personnes (94 %) ont subi un traitement dans les quelques jours suivant le diagnostic d’une ITS. La plupart d’entre elles (80 %) ont reçu ce traitement dans la prison. En ce qui a trait au VIH, les personnes qui ont reçu ce diagnostic ont été dirigées vers un service de soins au sein même de la prison.

À retenir

En ce qui concerne la chlamydiose, la gonorrhée et la syphilis, l’équipe de recherche albertaine a constaté qu’il était possible d’instaurer un service de dépistage d’ITS volontaire et d’obtenir des taux élevés de traitement et d’achèvement du traitement auprès de personnes incarcérées pour une courte période.

Selon l’équipe de recherche, « près de la moitié » (47 %) des personnes qui ont consenti aux tests de dépistage et qui ont reçu subséquemment un diagnostic d’ITS présentaient des symptômes de celle-ci. Notons que malgré la présence de symptômes, ces personnes n’étaient pas allées se faire tester avant leur incarcération. Par ailleurs, plus de la moitié des personnes ayant reçu un diagnostic d’ITS n’en présentaient aucun symptôme. Même si de nombreuses ITS ne provoquent initialement que des symptômes légers, voire aucun, de graves complications peuvent survenir au fil du temps. Voilà pourquoi les tests de dépistage d’ITS réguliers sont tellement importants pour les personnes sexuellement actives.

Importance des dépistages d’ITS

L’équipe de recherche a affirmé que les centres de détention de courte durée « sont des lieux cruciaux qui permettent à la santé publique d’intensifier les efforts de dépistage d’ITS, et ce, pour plusieurs raisons », que voici :

  • La majorité des personnes incarcérées au Canada (64 %) se trouvent dans des centres de détention de courte durée.
  • « Le [va-et-vient] fréquent entre la vie en société et l’incarcération fait de cette population un réservoir pour la transmission communautaire continue et/ou la réinfection. »
  • Les taux d’ITS en prison reflètent ceux des communautés dont les personnes incarcérées sont issues.
  • Certaines personnes incarcérées n’ont pas tendance à « obtenir régulièrement des soins de santé [quand elles se trouvent] dans la communauté ».

À l’avenir

Selon l’équipe de recherche, « l’octroi du droit de prescrire aux infirmier·ère·s pour traiter la chlamydiose/gonorrhée » pourrait écourter la période entre l’obtention du résultat positif et la mise sous traitement antibiotique.

L’équipe de recherche a également laissé entendre que l’introduction, dans les prisons, de tests de dépistage rapides pour les ITS et le VIH pourrait écourter la période s’écoulant entre le dépistage, la mise sous traitement et l’achèvement de ce dernier (achèvement dans le cas des ITS courantes, pas celui du VIH).

En guise d’explication du taux relativement faible d’acceptation de tests d’ITS parmi les participant·e·s, l’équipe a souligné les facteurs éventuels suivants :

  • préoccupations concernant la confidentialité
  • préoccupations concernant la stigmatisation résultant d’un diagnostic positif
  • problèmes de communication au sein du personnel
  • méfiance à l’égard du personnel du centre de détention

Cette équipe de recherche n’a pas fourni de renseignements sur la composition ethnoraciale de sa cohorte. Elle a cependant affirmé que « les Autochtones sont surreprésenté·e·s dans les établissements correctionnels canadiens et font face à des traumatismes historiques et à la stigmatisation dans le système de santé. Il est donc essentiel d’offrir des soins culturellement compétents qui tiennent compte des traumatismes pour assurer leur implication dans des soins ».

—Sean R. Hosein

Ressources

SyphilisGouvernement du Canada

Réagir à la syphilis au CanadaGouvernement du Canada

SyphilisGouvernement du Québec

Syphilis OutbreakAlberta Health Services

SyphilisBritish Columbia Centre for Disease Control

Stratégies mondiales du secteur de la santéOrganisation mondiale de la Santé

RÉFÉRENCES :

  1. Reekie A, Gratrix J, Smyczek P et al. A cross-sectional, retrospective evaluation of opt-out sexually transmitted infection screening at admission in a short-term correctional facility in Alberta, Canada. Journal of Correctional Health Care. 2022; sous presse.
  2. Agence de la santé publique du Canada. La syphilis au Canada : Rapport technique sur les tendances épidémiologiques, les déterminants et les interventions. Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections. Direction générale de la prévention et du contrôle des maladies infectieuses. Agence de la santé publique du Canada; 2020.