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  • En 2016, 27 % des nouveaux diagnostics de VIH au Manitoba concernaient des personnes comptant moins de 200 cellules CD4+
  • Une équipe de recherche manitobaine a constaté que de nombreuses occasions de dépistage du VIH étaient manquées
  • Il faut une meilleure intégration des services de soins médicaux dans le système public de santé et les services offerts par les organismes communautaires

L’accessibilité répandue du traitement du VIH (TAR) a donné lieu à un déclin spectaculaire des infections et des décès liés au sida au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé. Les bienfaits à long terme du TAR sont tellement importants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes utilisant ce genre de traitement.

La réalisation de ce pronostic réjouissant repose cependant sur une série d’interventions et d’évènements particuliers, que voici :

  • dépistage du VIH le plus tôt possible
  • orientation rapide des personnes séropositives vers des soins
  • amorce rapide du TAR une fois la personne arrimée aux soins
  • obtention et maintien d’une suppression virale
  • continuation des soins et du traitement

Malheureusement, à n’importe laquelle de ces étapes, certaines personnes risquent de glisser entre les mailles du système de santé et de ne pas avancer à l’étape suivante.

Au Manitoba

Une équipe de recherche de l’Université du Manitoba a mené une étude sur des questions liées au dépistage, aux soins et au traitement du VIH. Elle a constaté que « 27 % des nouveaux diagnostics de VIH posés en 2016 concernaient des patient·e·s dont le compte de CD4+ était [inférieur à la barre des 200 cellules/mm3] ». Un compte de CD4+ si faible indique un état d’immunodéficience grave et fait augmenter le risque d’infections potentiellement mortelles et d’autres complications.

La situation des personnes gravement immunodéprimées qui ignorent leur statut VIH pose plusieurs problèmes, dont les suivants :

  • leur risque de décès est plus élevé
  • en tant que groupe, elles risquent de transmettre le VIH à leur insu
  • leurs soins médicaux coûtent davantage aux systèmes de santé que ceux des personnes séropositives dont les symptômes sont minimes, voire inexistants (c’est généralement le cas de plusieurs maladies lorsque l’obtention de soins est reportée ou retardée jusqu’à ce que la situation soit urgente)

Occasions manquées

Soucieuse de déterminer l’origine des lacunes dans le dépistage du VIH, une équipe de recherche de l’Université du Manitoba a mené une étude. Elle a constaté que, deux ans avant de recevoir leur diagnostic d’infection au VIH, certaines personnes avaient consulté pour des problèmes de santé dans un contexte où un test de dépistage du VIH aurait dû être discuté, offert et effectué.

Pour résoudre ce problème, l’équipe manitobaine a recommandé une intégration plus efficace des services de soins dans les systèmes publics de santé.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a recueilli et analysé des données de santé sauvegardées dans de nombreuses bases de données différentes. Conformément aux normes en vigueur au Canada, l’équipe a enlevé toutes les données susceptibles de révéler l’identité des personnes en question. Un grand nombre des bases de données ne contenaient aucun détail concernant la santé des patient·e·s. Par conséquent, l’équipe a dû se fier à des codes et à des formulations diagnostiques utilisés dans les bases de données.

L’équipe manitobaine a comparé des données recueillies auprès de deux groupes de personnes :

  • 193 adultes qui avaient reçu un nouveau diagnostic de VIH entre 2007 et 2011
  • 965 adultes qui n’avaient pas le VIH durant cette même période

L’équipe a apparié les données de chaque personne séropositive à celles de jusqu’à cinq personnes séronégatives pour l’âge, le sexe et la région de résidence.

Voici un bref profil moyen des personnes qui ont été diagnostiquées séropositives durant la période en question :

  • âge : 38 ans
  • 66 % d’hommes, 34 % de femmes

Résultats

Les personnes qui ont reçu un diagnostic de VIH étaient plus susceptibles d’avoir consulté un·e médecin deux ans auparavant pour obtenir des soins. Les diagnostics posés lors de ces consultations antérieures appartenaient aux catégories générales suivantes :

  • troubles du sang
  • maladies infectieuses
  • maladies de la peau

Selon l’équipe de recherche, ces catégories de diagnostic générales regroupaient les affections spécifiques suivantes (par ordre décroissant de fréquence) :

  • troubles du sang : anémie ferriprive (anémie causée par une carence en fer); d’autres troubles du sang non spécifiés; d’autres anémies non spécifiées; troubles de la moelle osseuse
  • maladies infectieuses : infections transmissibles sexuellement; poux de tête et morpions; infections virales non spécifiées
  • maladies de la peau : infections bactériennes; affections inflammatoires

Hospitalisation

Les personnes dont l’infection au VIH n’a pas été diagnostiquée initialement étaient plus susceptibles d’être hospitalisées que les personnes n’ayant pas contracté le VIH.

Médicaments sur ordonnance

Les personnes séropositives non diagnostiquées initialement étaient significativement plus susceptibles de se faire prescrire des médicaments appartenant aux catégories suivantes (par ordre décroissant de probabilité) :

  • antibiotiques
  • médicaments pour contrôler la glycémie
  • médicaments pour des affections pulmonaires autres que l’asthme
  • médicaments pour l’anxiété ou d’autres troubles de l’humeur
  • médicaments pour l’asthme

Infections transmissibles sexuellement (ITS)

L’équipe de recherche s’est concentrée sur deux ITS en particulier, soit la chlamydiose et la gonorrhée. Comparativement aux personnes restées séronégatives, les personnes dont le VIH n’a pas été diagnostiqué initialement étaient trois fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic de chlamydiose et près de 12 fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic de gonorrhée.

Appel au changement

La présente étude ne fut pas conçue pour déterminer les raisons pour lesquelles des occasions de diagnostiquer le VIH avaient été manquées. Cependant, comme cette équipe de recherche connaît à fond les systèmes de soins et le système public de santé du Manitoba, elle a fait les recommandations et commentaires suivants dans l’espoir d’améliorer la situation :

1. « Une coordination plus efficace des praticien·ne·s en santé publique et en médecine générale peut faciliter la navigation du système de santé et améliorer les interventions en matière de prévention. Faute d’une meilleure coordination, les personnes les plus à risque de contracter des ITS pourraient continuer de se faire refuser l’accès au dépistage [du VIH], et parmi celles qui y ont accès, une proportion risque encore de glisser entre les mailles du système de santé. »

2. « On pourrait également combler les lacunes de la prévention en renforçant les interventions communautaires de prévention, tels les services de proximité visant les personnes à haut risque et d’autres populations prioritaires, qui sont axés sur la promotion de la santé, l’établissement d’un milieu propice [à la prévention] et la satisfaction d’autres besoins comme le logement et le traitement des problèmes de santé mentale et des dépendances. »

3. « Nos résultats illustrant la plus grande probabilité de […] troubles de santé mentale chez les personnes séropositives justifient la priorisation des services de santé mentale. »

L’équipe de recherche a souligné que « les organismes communautaires et les services de soins de santé primaires et publics sont depuis longtemps sous-financés au Canada ». Notons finalement que le problème des retards dans le diagnostic du VIH existe également dans d’autres régions du Canada, aux États-Unis et en Europe.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Shaw SY, Ireland L, McClarty LM, et al. Healthcare utilization among persons living with HIV in Manitoba, Canada, prior to HIV diagnosis: A case-control analysis. International Journal of STD and AIDS. 2021 Dec 11:9564624211051615.
  2. Nanditha NGA, St-Jean M, Tafessu H, et al. Missed opportunities for earlier diagnosis of HIV in British Columbia, Canada: A retrospective cohort study. PLoS One. 2019 Mar 21;14(3):e0214012. 
  3. Powell M, Krentz HB, Eagles ME, et al. Missed opportunities within healthcare for an earlier diagnosis of HIV. International Journal of STD and AIDS. 2020 Oct;31(12):1169-1177.
  4. Cayuelas Redondo L, Ruíz M, et al. Indicator condition-guided HIV testing with an electronic prompt in primary healthcare: a before and after evaluation of an intervention. Sexually Transmitted Infections. 2019 Jun;95(4):238-243.
  5. Raben D, Sullivan AK, Mocroft A, et al. Improving the evidence for indicator condition guided HIV testing in Europe: Results from the HIDES II Study – 2012-2015. PLoS One. 2019 Aug 13;14(8):e0220108. 
  6. Kahn JG, Bendavid E, Dietz PM, et al. Potential contributions of clinical and community testing in identifying persons with undiagnosed HIV infection in the United States. Journal of the International Association of Providers of AIDS Care. 2020 Jan-Dec; 19:2325958220950902.