Souhaitez-vous recevoir nos publications directement dans votre boîte de réception?

CATIE
Image
  • Une équipe de recherche américaine conclut une étude de 12 ans examinant la fonction cérébrale de 402 personnes séropositives
  • L’étude a révélé que certaines maladies nuisaient au cerveau, dont l’hypertension, le diabète et la dépression
  • Pour préserver la santé cérébrale des personnes séropositives, l’équipe encourage les médecins à dépister et à traiter ces maladies

Lorsqu’on suit un traitement contre le VIH (TAR) en respectant toutes les consignes, ce dernier réduit énormément la quantité de VIH dans le sang. Lorsque le virus est neutralisé de cette manière, on le qualifie d’« indétectable » parce qu’il est impossible de le déceler avec les tests de routine. En neutralisant le VIH, le TAR aide le système immunitaire à commencer à se réparer. Les bienfaits du TAR sont tellement impressionnants que les scientifiques prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreuses personnes suivant ce genre de traitement. Or, une espérance de vie plus longue s’accompagne de problèmes liés au déclin du fonctionnement de systèmes organiques cruciaux.

Cerveau et VIH

Avant que le TAR soit devenu largement accessible, les personnes vivant avec le VIH étaient vulnérables à un large éventail d’infections potentiellement mortelles, dont certaines pouvaient s’attaquer au cerveau et aux tissus avoisinants. Le VIH lui-même causait souvent une inflammation grave et durable qui endommageait certaines cellules du cerveau. Au fil du temps, cette inflammation donnait lieu à des problèmes de mémoire, de concentration et une détérioration de la fonction cérébrale. Dans les cas extrêmes, un changement de personnalité et la démence pouvaient survenir.

Grâce au TAR, la démence liée au VIH est extrêmement rare de nos jours. Certains scientifiques s’inquiètent quand même de constater une forte augmentation des maladies cérébrales liées à l’âge chez les personnes séropositives vieillissantes. Des études sont donc en cours pour évaluer la santé et le fonctionnement du cerveau chez des personnes vivant avec le VIH.

Étude américaine

L’Université de la Californie à San Diego est un centre d’excellence en ce qui a trait à la recherche sur le VIH et le cerveau. Une équipe de recherche de cette université a publié une étude examinant l’évolution du fonctionnement neurocognitif de 402 personnes séropositives sur une période de 12 ans. L’équipe a constaté un déclin de ce fonctionnement chez certain·e·s participant·e·s. À sa surprise, un tel déclin s’est produit non seulement chez des personnes âgées, mais aussi chez des personnes plus jeunes, lesquelles suivaient toutes un TAR et avaient une charge virale inhibée.

L’équipe de recherche a fait le lien entre le déclin du fonctionnement neurocognitif et « les effets indirects importants de nombreuses comorbidités potentiellement traitables qui touchent plus couramment les personnes séropositives que la population générale ». Dans cette étude, les comorbidités en question incluaient l’hypertension, le diabète, la dépression et d’autres encore dont nous parlerons plus loin dans ce bulletin de Nouvelles CATIE.

L’équipe de recherche encourage les médecins et le personnel infirmier à accroître l’attention portée à une gamme de comorbidités susceptibles de nuire à la santé cérébrale des personnes vivant avec le VIH.

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a recruté des participant·e·s dans les villes suivantes :

  • Baltimore, Maryland
  • Galveston, Texas
  • New York, New York
  • San Diego, Californie
  • St. Louis, Missouri
  • Seattle, Washington

Le recrutement a eu lieu de 2003 à 2007. Lors de leur admission à l’étude, les participant·e·s ont subi de nombreuses évaluations médicales et neuropsychologiques. L’équipe n’a pas inscrit de personnes atteintes de graves problèmes de santé mentale ou de troubles liés à l’utilisation de substances parce que ces problèmes pouvaient nuire au cerveau et masquer potentiellement des problèmes sous-jacents causés par le VIH ou d’autres facteurs.

Même si l’équipe de recherche a recruté près de 1 600 personnes, elle a centré son analyse sur 402 personnes qui avaient passé des évaluations lors de leur admission à l’étude et de nouveau pendant les années 2015 à 2020.

Comme l’équipe de recherche s’attendait à observer un déclin neurocognitif plus important chez les personnes âgées, elle a divisé les participant­·e·s en deux groupes : les moins de 60 ans et les 60 ans et plus.

Les participant·e·s avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :

  • âge : 43 ans
  • 76 % d’hommes, 24 % de femmes
  • principaux groupes ethnoraciaux : Noir·e·s – 46 %; Blanc·he·s – 42 %; Hispaniques – 11 % 
  • compte de CD4+ : 453 cellules/mm3
  • compte de CD4+ le plus bas jamais observé : 172 cellules/mm3
  • 74 % des personnes suivaient un TAR
  • 62 % des personnes sous TAR avaient une charge virale inhibée dans leur sang, et 87 % d’entre elles avaient une charge virale inhibée dans le liquide enveloppant le cerveau (il s’agit du liquide céphalorachidien)
  • durée de la participation à l’étude : 12 ans

Résultats

Lorsque l’équipe de recherche a comparé les résultats obtenus auprès des personnes jeunes et des personnes âgées, elle a constaté des similarités générales, mais le groupe âgé était plus susceptible d’avoir les problèmes suivants :

  • co-infection au virus de l’hépatite C
  • taux anormaux de cholestérol et d’autres lipides sanguins
  • lésions nerveuses dans les mains, les pieds et/ou les jambes
  • hypertension

Au cours de l’étude, d’autres participant·e·s ont commencé un TAR et obtenu une inhibition de leur charge virale.

L’équipe de recherche a constaté un taux semblable de problèmes neurocognitifs, peu importe l’âge des participant·e·s. Le fonctionnement neurocognitif s’est détérioré modestement au fil du temps chez l’ensemble du groupe, mais l’équipe de recherche a pu classer comme suit le fonctionnement neurocognitif de certaines personnes :

  • fonctionnement neurocognitif stable : 70 %
  • fonctionnement neurocognitif en déclin : 24 %
  • fonctionnement neurocognitif amélioré : 6 %

Accent sur le déclin

Parmi les facteurs et les maladies ayant contribué au risque de déclin de la fonction cérébrale (problème présent dès l’admission à l’étude ou s’étant produit durant celle-ci), l’équipe de recherche a souligné les suivants :

  • hypertension
  • diabète
  • maladie pulmonaire chronique (cette catégorie incluait l’asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique ou MPOC)
  • lésions nerveuses douloureuses dans les mains, les pieds et/ou les jambes (neuropathie périphérique)
  • préfragilité ou fragilité
  • dépression
  • anémie
  • faibles taux de protéines dans le sang
  • lésions hépatiques (taux élevés de l’enzyme hépatique AST dans le sang)
  • antécédents de troubles liés à l’utilisation de substances

À retenir

Lors de la planification de son étude, l’équipe de recherche s’attendait à observer un cumul des facteurs suivants menant à un déclin du fonctionnement neurocognitif à mesure que les participant·e·s vieillissaient :

  • exposition de plus longue durée au VIH
  • effets potentiels du TAR sur le cerveau
  • vieillissement d’autres systèmes organiques

L’équipe a toutefois constaté que certaines maladies non liées au VIH avaient un impact profond sur la santé cérébrale. Les maladies en question touchaient autant les jeunes participant·e·s que les plus âgé·e·s. Par conséquent, l’équipe de recherche encourage les médecins et le personnel infirmier à porter « davantage leur attention » à ces maladies. En traitant celles-ci, il est possible de maintenir la fonction cérébrale et de préserver un meilleur état de santé général.

Imperfections

Cette étude est imparfaite. L’équipe aurait pu recruter davantage de participant·e·s, ainsi qu’un groupe de comparaison constitué de personnes séronégatives. De plus, elle aurait pu évaluer plus fréquemment les participant·e·s et recueillir des données se rapportant à l’alimentation, à l’exercice, au revenu et à l’accès aux soins médicaux. Notons cependant que certaines de ces interventions auraient ajouté à la complexité et aux coûts de l’étude.

Des études antérieures menées auprès de personnes séronégatives avaient permis de constater des liens entre certains facteurs révélés par cette étude et le déclin de la santé cérébrale, alors il semble bien que les résultats de cette équipe soient raisonnables.

À l’avenir

Il est possible que d’autres études soient menées à l’avenir auprès de personnes séropositives afin de déterminer quel impact des interventions (lorsqu’elles s’avèrent nécessaires) contre les maladies cardiovasculaires, le diabète, la dépression et d’autres encore pourraient avoir sur la santé et le fonctionnement du cerveau à long terme.

À mesure que les personnes vivant avec le VIH continueront de prendre de l’âge, la recherche sur le vieillissement aura besoin d’un financement soutenu.

—Sean R. Hosein

Référence :

Heaton RK, Ellis RJ, Tang B et al. Twelve-year neurocognitive decline in HIV is associated with comorbidities, not age: a CHARTER study. Brain. 2023; sous presse.