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  • Des chercheurs ont comparé des données se rapportant à la santé de personnes séropositives et de personnes séronégatives
  • Ils ont trouvé que les personnes séropositives étaient plus sujettes aux complications liées à l’âge
  • La maladie d’Alzheimer et la démence non liée au VIH apparaissaient plus tôt chez les personnes séropositives

Lorsqu’elles sont utilisées comme il se doit, les combinaisons de traitements anti-VIH puissants (TAR) réduisent énormément la quantité de VIH dans le sang. L’utilisation continue du TAR permet au système immunitaire de se réparer suffisamment pour que les infections liées au sida deviennent très rares. La puissance du traitement est tellement transformative que les chercheurs prévoient une espérance de vie quasi normale pour de nombreux utilisateurs du TAR.

En raison de cette longévité accrue, de nombreuses personnes séropositives font malheureusement face à des problèmes liés au vieillissement, et ce, dès un âge plus jeune que normalement.

Une équipe de chercheurs du Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique a comparé des données se rapportant à la santé d’environ 8 000 personnes séropositives et de 32 000 personnes séronégatives. Les chercheurs s’intéressaient à l’apparition de problèmes de santé généralement associés au vieillissement, c’est-à-dire des comorbidités.

Au cours de cette étude qui a duré à peu près une décennie, les chercheurs ont constaté que les personnes séropositives accumulaient davantage de comorbidités que les personnes séronégatives. De plus, les comorbidités avaient tendance à se déclarer plus tôt chez les personnes séropositives.

Selon les chercheurs, les résultats de cette étude soulignent la nécessité d’« optimiser le dépistage des comorbidités chez [les personnes séropositives] dès un âge plus jeune, ainsi que [la nécessité] d’un modèle de soins du VIH complet qui intègre la prévention et le traitement des affections chroniques liées à l’âge ».

Détails de l’étude

L’équipe de recherche a regroupé et comparé des informations se rapportant à la santé provenant de plusieurs bases de données et d’une étude portant le nom de COAST. Celle-ci avait capté des données auprès de 8 000 personnes séropositives vivant en Colombie-Britannique, ainsi qu’auprès d’« un échantillon aléatoire représentatif de la population britanno-colombienne suivie de 1996 à 2013 ».

Tous les participants avaient au moins 19 ans au moment de leur admission à l’étude, et toutes les personnes séropositives suivaient un TAR. Les données se rapportant à chaque personne séropositive ont été comparées à celles de quatre personnes séronégatives du même âge et du même sexe sélectionnées au hasard.

Les chercheurs se sont concentrés sur les neuf comorbidités suivantes :

  • maladie d’Alzheimer et démence non liée au VIH
  • hypertension artérielle
  • cancers non liés au VIH
  • maladies cardiovasculaires
  • maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC)
  • diabète
  • insuffisance rénale
  • insuffisance hépatique
  • arthrose

Aux fins de cette analyse, les chercheurs se sont concentrés sur la période écoulée entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2012. En tout, 8 031 personnes séropositives au profil moyen suivant ont participé à l’étude (la somme de certains chiffres n’est pas 100 parce qu’ils ont été arrondis) :

  • 82 % d’hommes, 18 % de femmes
  • groupes d’âge : moins de 30 ans – 12 %; entre 30 et 39 ans – 36 %; entre 40 et 49 ans – 35 %; 50 ans ou plus – 18 %
  • usage de drogues : utilisation de drogues injectables – 38 %; aucune utilisation de drogues injectables – 35 %; absence de données se rapportant à l’usage éventuel de drogues – 26 %

Résultats

Selon les chercheurs, dans l’ensemble, les personnes séropositives « portaient un fardeau de maladies plus lourd que les personnes séronégatives du groupe témoin, comme l’attestait la prévalence significativement plus élevée de la plupart des comorbidités liées à l’âge pendant toute la période à l’étude ». Les exceptions à cette tendance ont été les suivantes :

  • hypertension (plus fréquente chez les personnes séronégatives)
  • arthrose : peu de différence entre la fréquence de cette affection chez les deux groupes

Analyses de sous-groupes

Lorsque les chercheurs ont comparé les personnes séronégatives aux personnes séropositives ayant des antécédents connus d’injection de drogues, ils ont constaté que celles-ci affichaient des taux significativement plus élevés des affections suivantes  :

  • maladie d’Alzheimer et démence non liée au VIH
  • MPOC
  • insuffisance rénale
  • insuffisance hépatique

Lorsqu’ils se sont penchés de plus près sur le groupe de femmes séropositives, les chercheurs ont découvert un fardeau plus important des maladies suivantes :

  • insuffisance rénale
  • insuffisance hépatique

Il importe de noter que ce résultat est sans doute attribuable dans une plus grande mesure à l’injection de drogues qu’à une différence biologique particulière liée au sexe.

Âge

Selon les chercheurs, dans l’ensemble, les personnes séropositives étaient significativement plus jeunes que les personnes séronégatives lorsque les diagnostics de comorbidités étaient posés, sauf dans les cas du diabète et de l’hypertension artérielle.

En ce qui concerne l’âge au moment du diagnostic, les chercheurs ont constaté les différences les plus importantes entre les personnes séropositives et les personnes séronégatives dans les cas suivants :

  • maladie d’Alzheimer et démence non liée au VIH : 13 ans de différence
  • insuffisance rénale : 10 ans
  • MPOC : 6 ans
  • insuffisance hépatique : 5 ans

Facteur important

Il est possible qu’un facteur important ait influencé les résultats de cette étude, soit la probabilité que les personnes séropositives voyaient plus fréquemment leurs professionnels de la santé. Les consultations plus fréquentes peuvent augmenter les chances que la plupart des comorbidités, sinon toutes, soient diagnostiquées plus tôt chez les personnes séropositives. Dans la présente étude, les personnes séropositives voyaient généralement un professionnel de la santé deux ou trois fois plus souvent que les personnes séronégatives. Pour réduire le risque d’introduire une partialité dans l’interprétation des résultats, les chercheurs ont limité leur analyse aux personnes séropositives et aux personnes séronégatives dont la fréquence des consultations cliniques était semblable.

À la lumière de cette analyse, les chercheurs ont affirmé que les personnes séropositives « recevaient quand même leurs diagnostics de cancer, de MPOC, de maladies cardiovasculaires et d’insuffisance rénale ou hépatique dès un âge significativement plus jeune, soit de un an à 10 ans plus tôt ».

Santé cérébrale et problèmes connexes

Lorsque les chercheurs se sont concentrés sur les différences d’âge au moment du diagnostic de la maladie d’Alzheimer ou d’autres cas de démence non liée au VIH, ils « ont découvert une différence plus grande encore, soit de 14 à 21 ans ». Autrement dit, chez les personnes séropositives, la maladie d’Alzheimer et la démence non liée au VIH se déclaraient plus tôt que chez les personnes séronégatives. Comme cette différence d’âge semble particulièrement grande et préoccupante, il serait intéressant de connaître les résultats d’autres études d’envergure sur le VIH et le vieillissement en ce qui concerne la maladie d’Alzheimer et la démence non liée au VIH.

Les résultats ci-dessus reflètent ce qui s’est produit dans cette étude britanno-colombienne, où environ 0,4 % des personnes séronégatives ont reçu un diagnostic de maladie d’Alzheimer ou de démence non liée au VIH, comparativement à 3,6 % des personnes séropositives.

Une analyse plus poussée fondée sur les dossiers médicaux des patients, plutôt que sur des bases de données administratives, fournirait peut-être des informations contextuelles sur le risque accru de déficits cognitifs que courent les personnes séropositives. Dans la présente étude, le risque d’apparition précoce de la maladie d’Alzheimer et de la démence non liée au VIH était particulièrement élevé chez les personnes qui s’injectaient des drogues. Il se peut donc que d’autres études soient nécessaires pour déterminer l’impact à long terme de l’usage de drogues sur le cerveau.

Dans cette étude, les chercheurs ont constaté un fardeau de maladies plus lourd chez les personnes séropositives que chez les personnes séronégatives du même âge et du même sexe. Il est possible que ce fardeau de comorbidités ait augmenté le risque de maladies cérébrales chez ce groupe, comme l’ont constaté les responsables de l’étude américaine ci-dessous.

Pour une étude menée en Ohio à plus ou moins le même moment que celle de la Colombie-Britannique, des chercheurs ont inscrit 47 862 personnes séropositives, dont 30 828 suivaient un TAR et 17 034 ne suivaient pas de TAR. En général, l’équipe a constaté que les utilisateurs du TAR étaient moins à risque de présenter toute sorte de démence. Ils ont toutefois remarqué que les participants ayant des comorbidités, « y compris l’arythmie cardiaque, la paralysie, d’autres troubles neurologiques, des complications du diabète, l’hypothyroïdie, l’insuffisance rénale, le lymphome, la polyarthrite rhumatoïde, la perte de poids et la dépression », étaient plus à risque de présenter un genre ou un autre de déficit cognitif, y compris la démence. Ce résultat met en évidence le lien qui existe entre les comorbidités et la santé du cerveau.

À l’avenir

Selon les chercheurs de la Colombie-Britannique, ces résultats « confirment que la prévention et la prise en charge des comorbidités prennent une importance croissante comme priorité de santé publique pour [les personnes séropositives] et leurs professionnels de la santé ».

—Sean R. Hosein

Ressources

Centre d’excellence sur le VIH/sida de la Colombie-Britannique (en anglais seulement)

Étude COAST (en anglais seulement)

Réseau canadien pour les essais VIH (CTN)

Essais cliniques du CTN

Tendances d’un vieillissement sain chez les personnes séropositives au Canada – Nouvelles CATIE

Facteurs contribuant à la fragilité chez les personnes séropositives d’âge moyen – Nouvelles CATIE

À mesure qu’elles vieillissent, certaines personnes séropositives pourraient avoir du mal à gérer leurs médications – Nouvelles CATIE

Des chercheurs albertains constatent des taux de fragilité élevés chez des personnes séropositives âgées et d’âge moyen  – Nouvelles CATIE

Étude sur l’incidence du vieillissement sur le cerveau des personnes séropositives et des personnes séronégatives – Nouvelles CATIE

RÉFÉRENCES :

  1. Nanditha NGA, Paiero A, Tafessu HM, et al. Excess burden of age-associated comorbidities among people living with HIV in British Columbia, Canada: a population-based cohort study. BMJ Open. 2021 Jan 8;11(1):e041734.
  2. Samji H, Cescon A, Hogg RS, et al. ; for the North American AIDS Cohort Collaboration on Research and Design (NA-ACCORD) of IeDEA. Closing the gap: increases in life expectancy among treated HIV-positive individuals in the United States and Canada. PLoS One. 2013 Dec 18;8(12):e81355.
  3. Siangphoe U, Archer KJ, Nguyen C, et al. Associations of antiretroviral therapy and comorbidities with neurocognitive outcomes in HIV-1-infected patients. AIDS. 2020 May 1;34(6):893-902.
  4. Milanini B, Samboju V, Cobigo Y, et al. Longitudinal brain atrophy patterns and neuropsychological performance in older adults with HIV-associated neurocognitive disorder compared with early Alzheimer’s disease. Neurobiology of Aging. 2019 Oct;82:69-76.
  5. De Francesco D, Wit FW, Bürkle A, et al. ; for the Co-morBidity in Relation to AIDS (COBRA) Collaboration. Do people living with HIV experience greater age advancement than their HIV-negative counterparts? AIDS. 2019 Feb 1;33(2):259-268.