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CATIE
  • Une étude américaine révèle que les personnes vivant avec le VIH sont plus susceptibles de faire l’objet d’un diagnostic de cancer de stade avancé
  • Les chercheurs laissent entendre que le VIH est également à l’origine d’une baisse des chances de survie
  • Les résultats révèlent l’importance des dépistages réguliers du cancer pour les personnes vivant avec le VIH

L’infection au VIH augmente le risque des cancers suivants :

  • lymphome non hodgkinien : causé par le virus Epstein-Barr
  • sarcome de Kaposi (SK) : causé par l’herpès-virus humain 8
  • cancer invasif du col utérin : causé par des souches particulières du virus du papillome humain (VPH)

Tous les virus mentionnés ci-dessus provoquent la croissance de cellules anormales qui se transforment dans certains cas en états précancéreux et en cancers. Tous se transmettent de façon semblable au VIH.

Au Canada et dans les autres pays à revenu élevé, la grande accessibilité et l’utilisation répandue des traitements du VIH (TAR) ont fait en sorte que les nouveaux cas d’infections et de cancers liés au sida sont très rares chez les utilisateurs du TAR. Il n’empêche toutefois que le risque général d’un grand nombre de cancers augmente avec l’âge.

Des chercheurs du National Cancer Institute (NCI) des États-Unis à Bethesda, au Maryland, et de plusieurs universités américaines ont collaboré à une étude dans le but de mieux comprendre l’impact éventuel de l’infection au VIH sur une large gamme de cancers. L’équipe a analysé des informations se rapportant à la santé qui étaient inscrites dans une base de données sur le cancer. L’analyse a porté principalement sur les données recueillies auprès de plus de 14 000 personnes séropositives et de six millions de personnes séronégatives qui avaient toutes reçu un diagnostic de cancer.

Les chercheurs ont trouvé que les personnes séropositives étaient généralement plus susceptibles de se faire diagnostiquer un cancer de stade avancé (tumeurs plus nombreuses et plus grandes) que les personnes séronégatives. De plus, les chances de survie diminuaient chez les personnes séropositives par rapport aux personnes séronégatives ayant le même diagnostic de cancer. Les chercheurs ont été en mesure d’écarter des facteurs liés aux soins de santé comme la cause de ces résultats malheureux. Ils ont par contre laissé entendre que le VIH était à l’origine des pronostics moins favorables.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont fouillé la base de données du NCI à la recherche d’informations sur des personnes ayant fait l’objet d’un diagnostic de cancer entre 2004 et 2014. Ils se sont concentrés sur les données se rapportant aux groupes suivants :

  • 14 453 personnes séropositives
  • 6 368 126 de personnes séronégatives

Les chercheurs s’intéressaient aux données portant sur les cancers touchant les 14 sites suivants du corps :

  • anus
  • vessie
  • sein (chez les femmes)
  • col utérin
  • région colorectale
  • rein
  • foie
  • poumon
  • bouche
  • pancréas
  • prostate
  • peau
  • estomac
  • thyroïde

Résultats

En général, les chercheurs ont constaté que les personnes séropositives avaient tendance à être de sexe masculin (64 % d’hommes, 36 % de femmes) et plus jeunes, et à avoir un revenu plus faible que les personnes séronégatives.

Voici la répartition des diagnostics de cancer courants :

Personnes séropositives

  • cancer du poumon : 29 %
  • cancer colorectal : 14 %
  • cancer de la prostate : 11 %

Personnes séronégatives

  • cancer du sein : 23 %
  • cancer de la prostate : 18 %
  • cancer du poumon : 18 %

Les chercheurs ont affirmé que les personnes séropositives étaient « considérablement plus susceptibles de faire l’objet d’un diagnostic de cancer de stade avancé [touchant les sites suivants] » :

  • sein
  • foie
  • bouche
  • prostate
  • peau
  • thyroïde

L’équipe a également souligné que « le VIH était associé à une augmentation [du risque de décès] après un diagnostic de cancer touchant 13 des 14 sites évalués, notamment en faisant presque doubler et tripler la mortalité liée au cancer du sein chez la femme et au cancer de la thyroïde, respectivement. La persistance de ces associations après l’ajustement en fonction de facteurs liés à l’obtention de soins de santé permet de croire à l’existence d’un lien biologique entre l’immunosuppression liée au VIH et la progression du cancer ».

Une exception aux tendances décrites ci-dessus se rapportait au cancer anal. Selon les chercheurs, les personnes séropositives « étaient considérablement plus susceptibles de recevoir un diagnostic de cancer anal moins avancé que les personnes séronégatives. Cela représente potentiellement un exemple de la prestation accrue de soins de santé à la population [séropositive], qui est une possibilité distincte étant donné le ciblage continu des interventions de dépistage du cancer anal visant les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ».

Données manquantes

Les chercheurs se sont fiés aux informations répertoriées dans une base de données sur le cancer. Par contre, ils ne disposaient pas d’informations sur les antécédents des participants en ce qui avait trait au VIH, y compris les suivants :

  • durée de la séropositivité
  • nadir du compte de cellules CD4+
  • compte de CD4+ et charge virale peu de temps avant ou au moment du diagnostic
  • classes de médicaments anti-VIH utilisées

De telles informations auraient donné une meilleure idée de l’état de santé des personnes séropositives avant le diagnostic de cancer.

Limites du TAR

Lorsqu’on utilise le TAR comme il est prescrit et en suivant toutes les consignes, le traitement est très efficace pour supprimer la quantité de VIH dans le sang. Une fois la suppression virale atteinte, le système immunitaire se met à effectuer des réparations. Les bienfaits du TAR sont tellement importants que les médecins et chercheurs s’attendent de plus en plus à ce que de nombreux utilisateurs du TAR aient une espérance de vie quasi normale.

Il reste toutefois que le TAR ne guérit pas l’infection au VIH et ne peut restaurer que partiellement le système immunitaire. D’ordinaire, le compte de cellules CD4+ augmente considérablement chez les personnes sous TAR, et cela prévient le sida. De nombreuses équipes de recherche ont toutefois découvert que le système immunitaire subissait des dommages subtils qui persistaient malgré de nombreuses années d’une bonne observance du TAR. La cause de ces dommages subtils au système immunitaire est incertaine. Il est possible que l’un ou plusieurs des facteurs suivants contribuent aux dommages immunologiques :

  • présence de VIH résiduel dans les ganglions lymphatiques, la rate et d’autres parties du système immunitaire
  • de faibles quantités de certains microbes — tels des bactéries ou champignons ou des protéines associées à ceux-ci — entrent dans la circulation via les intestins et restent dans l’organisme. La concentration de ces microbes et/ou de leurs protéines n’est pas suffisante pour causer une infection évidente, mais elle est assez élevée pour causer l’activation chronique du système immunitaire et sa détérioration graduelle.
  • co-infection par un membre courant de la famille des virus de l’herpès appelé CMV (cytomégalovirus)

Il est important de souligner que les dommages subtils au système immunitaire dont nous parlons ici sont insuffisants pour causer l’apparition ou la réapparition du sida, mais il se peut qu’ils soient juste assez suffisants pour affaiblir graduellement la capacité du système immunitaire à détecter et à détruire certaines tumeurs. Cela ne veut pas dire que tous les utilisateurs du TAR, ou même la majorité, finiront par avoir un cancer. Cette étude porte cependant à croire que le risque de résultats défavorables associés au cancer augmente chez les personnes séropositives.

Un autre groupe de personnes qui courent des risques accrus à l’égard du cancer est celui des receveurs de greffes d’organes. Ces personnes doivent prendre régulièrement des médicaments conçus pour supprimer partiellement leur système immunitaire afin que leur organe transplanté puisse survivre.

L’ensemble de ces informations soulève la possibilité que le VIH lui-même joue un rôle dans les problèmes constatés par les chercheurs responsables de cette étude sur le cancer.

À l’avenir

La présente étude souligne la nécessité pour les personnes séropositives de faire l’objet de dépistages du cancer dans le cadre de leurs soins de santé généraux. Si un test diagnostique découvre un cancer, la norme devrait consister à diriger rapidement le patient vers des soins et un traitement. Bien que cette équipe de recherche n’en fasse pas mention, en signalant la suppression immunitaire comme un problème, cette étude fournit le raisonnement nécessaire pour envisager des études sur l’immunothérapie pour le cancer. Au cours de la dernière décennie, plusieurs médicaments qui agissent en supprimant des obstacles (ou points de contrôle) dans le système immunitaire de patients cancéreux ont été testés chez des personnes séronégatives atteintes de cancer. Ces traitements ont donné lieu à des rémissions prolongées dans certains cas. On appelle cette classe de médicaments des inhibiteurs des points de contrôle. Les deux médicaments suivants sont des exemples d’inhibiteurs des points de contrôle de première génération :

  • Keytruda (pembrolizumab)
  • Opdivo (nivolumab)

Les inhibiteurs des points de contrôle comportent leurs propres risques. En plus de provoquer des effets secondaires d’ordre immunologique qui sont parfois intenses, ils ne sont pas efficaces chez toutes les personnes séronégatives qui les prennent. Notons aussi que ces médicaments coûtent très cher. Cependant, cela ne veut pas dire qu’ils ne devraient pas être envisagés pour des essais cliniques d’envergure chez des personnes vivant avec le VIH.

Réduire le risque de cancer

Jusqu’en 1996, l’infection au VIH était considérée comme une maladie mortelle. Cependant, étant donné les bonnes nouvelles à propos du TAR, une partie du fardeau créé par une espérance de vie quasi normale réside dans la nécessité d’aider les personnes séropositives à réduire leurs risques de cancer en faisant ce qui suit :

  • parler à un médecin pour se faire vacciner contre l’hépatite B et le VPH
  • demander de l’aide à un médecin ou pharmacien pour arrêter de fumer
  • réduire sa consommation d’alcool
  • personnes qui s’injectent ou inhalent des drogues : demander de l’aide à un organisme de réduction des méfaits afin de minimiser le risque d’infection par des virus causant le cancer
  • se faire tester et traiter pour le virus de l’hépatite C
  • obtenir des conseils sur les bonnes habitudes alimentaires
  • apprendre des techniques de maîtrise du stress
  • demander de l’aide afin de mieux gérer l’anxiété, la dépression et d’autres problèmes de santé mentale
  • faire régulièrement des activités physiques approuvées par un médecin

—Sean R. Hosein

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