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CATIE
  • Des chercheurs britanno-colombiens ont comparé l’évolution de la santé de personnes vivant avec ou sans l’hépatite C
  • En moyenne, les personnes ayant reçu un diagnostic d’hépatite C sont décédées prématurément d’environ 18 ans
  • La guérison de l’hépatite C a réduit la mortalité par causes hépatiques, mais pas les décès dus aux surdoses

L’exposition au virus de l’hépatite C (VHC) peut causer une infection du foie. Le VHC cause de l’inflammation persistante dans le foie et entraîne la détérioration graduelle de cet organe vital. Si elle n’est pas diagnostiquée et traitée, l’inflammation liée au VHC fait en sorte que les cellules saines du foie sont remplacées par du tissu cicatriciel inutile dans le cadre d’un processus appelé fibrose. Au fil du temps, la fibrose continue d’endommager les tissus hépatiques. À mesure que le tissu cicatriciel s’accumule, le foie fonctionne de moins en moins bien et des complications s’ensuivent, y compris une fatigue intense, des hémorragies internes, de graves infections abdominales, des lésions rénales et une insuffisance hépatique. La présence de tissu cicatriciel dans le foie augmente également le risque de cancer du foie.

Une équipe de chercheurs du Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique (BCCDC) et de l’Université de la Colombie-Britannique ont mené des recherches détaillées auprès de personnes porteuses du VHC et de personnes courant un risque élevé de contracter cette infection. L’analyse la plus récente de cette recherche a été publiée dans l’International Journal of Drug Policy. Les chercheurs ont découvert que le risque de mortalité était significativement plus élevé chez les personnes porteuses du VHC que chez celles n’ayant pas le VHC. De plus, en moyenne, les personnes vivant avec le VHC avaient tendance à mourir bien plus jeunes que celles non infectées. Au cours de cette étude, de nombreuses personnes sont décédées de complications liées à l’injection de drogues.

Il existe au Canada des traitements pour le VHC composés d'antiviraux à action directe (AAD). Dans les essais cliniques, les AAD sont très efficaces et donnent des taux de guérison de 95 % ou plus. Par conséquent, pour améliorer sa santé hépatique et son bien-être général, il est très important de se soumettre au dépistage et au traitement du VHC. La guérison des personnes atteintes d’hépatite C ne signifie pas pour autant que les problèmes contribuant à leur consommation de drogues injectables disparaissent. Pour constater une amélioration de l’état de santé général et de la résilience des populations vulnérables, la guérison du VHC constitue seulement une étape à franchir parmi plusieurs.

Détails de l’étude

Une équipe de chercheurs participe à une étude à long terme appelée BC Hepatitis Testers Cohort. Cette étude utilise des données de santé recueillies auprès de 1,3 million de personnes ayant passé des tests de dépistage du VHC, du virus de l’hépatite B et du VIH depuis 1992. Comme les chercheurs affiliés à l’étude ont accès à plusieurs bases de données, ils peuvent recueillir des informations se rapportant à chaque participant en ce qui concerne les rendez-vous médicaux, les hospitalisations, les ordonnances de médicaments, les cas de cancer et la mortalité.

Aux fins de la présente analyse, les chercheurs se sont concentrés sur les données recueillies auprès de personnes ayant passé un test de dépistage des anticorps anti-VHC ou un test de recherche du matériel génétique du virus (ARN VHC) entre avril 1992 et décembre 2015. Les chercheurs ont continué à amasser des données jusqu’à la fin de 2018, y compris des informations se rapportant aux décès survenus parmi les participants.

L’équipe a réparti les participants en deux catégories en fonction des critères suivants se rapportant à l’infection au VHC :

  • infections au VHC existantes : personnes dont le premier test de dépistage du VHC effectué durant la période de l’étude était positif
  • nouvelles infections au VHC : personnes ayant reçu antérieurement un résultat négatif au test de dépistage du VHC à une ou plusieurs reprises durant la période de l’étude, mais qui ont subséquemment reçu un résultat positif

L’équipe a regroupé les décès survenus comme suit :

  • cause hépatique : cela inclut les décès dus aux lésions hépatiques graves (cirrhose), au cancer du foie, aux complications du VHC et d’autres virus causant l’hépatite, ainsi que les maladies du foie liées à l’alcool et à d’autres causes
  • cause liée à l’acquisition : cela inclut les décès attribuables à l’injection de drogues, aux complications du VIH et à toute autre cause

Les chercheurs ont réparti la population de l’étude en deux groupes principaux :

  • personnes positives pour le VHC : 5,3 %
  • personnes négatives pour le VHC : 94,7 %

Résultats

Au 31 décembre 2018, les taux de mortalité dans les deux groupes principaux étaient les suivants :

  • personnes positives pour le VHC : 28 % sont décédées
  • personnes négatives pour le VHC : 10 % sont décédées

Cette différence révèle que les personnes porteuses du VHC étaient presque trois plus susceptibles de mourir que les personnes n’ayant pas le VHC.

Âge au moment du décès

En moyenne, les membres des deux groupes principaux avaient l’âge suivant au moment de leur décès :

  • personnes positives pour le VHC : 56,4 ans
  • personnes négatives pour le VHC : 75,5 ans

Ainsi, de nombreuses personnes atteintes du VHC sont décédées prématurément d’une vingtaine d’années.

Les personnes atteintes du VHC qui sont décédées étaient plus susceptibles d’avoir les caractéristiques suivantes :

  • sexe masculin
  • antécédents d’injection de drogues
  • consommation problématique d’alcool
  • co-infection au VIH
  • privation matérielle et sociale importante

Les personnes n’ayant pas le VHC étaient plus susceptibles de mourir de causes liées à l’âge, tels les cancers touchant des systèmes organiques autres que le foie et les maladies cardiovasculaires, comparativement aux personnes atteintes du VHC.

Traitement du VHC

Les chercheurs ont constaté que 16 821 personnes figurant dans cette étude avaient passé un test de recherche de l’ARN VHC positif et suivi un traitement par AAD. Dans l’ensemble, l’équipe a trouvé que la durée de survie n’était que légèrement réduite chez les participants qui avaient suivi un traitement et qui avaient guéri du VHC, que chez les personnes n’ayant pas le VHC. Les personnes qui ont suivi un traitement, mais qui n’ont pas guéri étaient beaucoup moins susceptibles de survivre que les personnes guéries. Les chercheurs ont laissé entendre que ce faible taux de survie était vraisemblablement attribuable au fait que les personnes dont le traitement a échoué « souffraient d’une insuffisance hépatique de phase avancée, qui était plus difficile à guérir, ainsi que d’autres comorbidités associées à un taux de mortalité élevé ».

Changements dans les taux de mortalité

Après avoir ajusté leurs calculs en fonction de l’âge des personnes, les chercheurs ont constaté les tendances suivantes :

Décès par causes hépatiques

  • 1992 à 2002 : taux de mortalité croissants
  • 2002 à 2009 : taux de mortalité stables
  • 2014 à 2018 : « déclin marqué » coïncidant avec l’arrivée des AAD

Décès liés à l’injection de drogues

  • 1992 à 2000 : taux de mortalité croissants
  • 2001 à 2013 : déclin graduel des taux de mortalité
  • 2014 à 2018 : augmentation très marquée des taux de mortalité (selon les chercheurs, cette augmentation a coïncidé avec « l’augmentation des décès par surdose de fentanyl ou d’analogues du fentanyl »)

Selon les chercheurs, les personnes sans VHC qui s’injectaient des drogues ont vu leur risque de mortalité grimper considérablement à partir de 2004.

Reconnaissance d’enjeux connexes

Ces chercheurs de la Colombie-Britannique s’attendent à ce que davantage de personnes atteintes du VHC soient guéries dans les années à venir à mesure que la province poursuit ses efforts de dépistage et de traitement. Par conséquent, le nombre de décès dus à l’insuffisance hépatique liée au VHC devrait diminuer. Les chercheurs soulignent toutefois qu’une étude américaine a révélé que les décès dus aux lésions hépatiques graves causées par l’abus d’alcool sont à la hausse, particulièrement chez les personnes âgées de 25 à 34 ans qui vivent avec le VHC. Il est possible que l’insuffisance hépatique liée à l’alcool devienne un problème plus sérieux à l’avenir parmi les personnes vivant avec le VHC au Canada. Lors d’une récente étude menée par des chercheurs en France, la consommation excessive d’alcool, ainsi que le tabagisme et la surcharge pondérale, étaient des problèmes qui nuisaient à la santé des personnes vivant avec le VHC et le VIH. Une étude australienne a révélé que, bien que la mortalité due à l’insuffisance hépatique liée au VHC soit à la baisse à l’époque actuelle, les problèmes de foie sont en train d’augmenter à cause de la consommation excessive d’alcool.

Un autre enjeu important réside dans l’augmentation de la mortalité liée aux surdoses d’opioïdes qui a lieu actuellement en Amérique du Nord. Selon les chercheurs, la Colombie-Britannique est touchée de façon disproportionnée par cette crise, tout comme les hommes qui s’injectent des drogues. De fait, les victimes de 80 % des surdoses de fentanyl survenues dans la province entre 2014 et 2018 étaient des hommes, ont souligné les chercheurs.

À l’avenir

Cette étude du BCCDC revêt une grande importance parce qu’elle révèle qu’il y a beaucoup de travail à faire pour aider les personnes à risque de contracter le VHC, les personnes déjà porteuses du VHC et celles ayant guéri du VHC. Les autorités de la santé publique et d’autres doivent redoubler d’efforts pour parer aux problèmes qui poussent les gens à commencer à s’injecter des drogues.

Parmi les interventions, on pourrait entre autres inclure les suivantes :

  • renforcement des services de réduction des méfaits
  • traitement de substitution aux opioïdes
  • accès , comportant moins de contraintes, à une gamme de services de santé mentale pour composer avec les séquelles émotionnelles et psychologiques découlant des traumatismes vécus par de nombreuses personnes qui s’injectent des drogues

Les jeunes personnes vulnérables doivent recevoir un soutien psychologique afin de les empêcher de se tourner vers les drogues et d’acquérir une dépendance. Il existe sûrement d’autres interventions qui pourraient être déployées pour aider les populations touchées par le VHC (et la crise des surdoses d’opioïdes). Cette crise est une occasion à saisir d’œuvrer aux côtés des communautés vulnérables du Canada et de les aider à être plus résilientes dans un environnement les exposant à moins de risques.

Ressource

Opioïdes — Santé Canada

L’hépatite C — CATIE

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Krajden M, Cook DA, Wong S, et al. What is killing people with hepatitis C virus infection? Analysis of a population-based cohort in Canada. International Journal of Drug Policy. 2019; en voie d’impression.
  2. Alavi M, Law MG, Valerio H, et al. Declining hepatitis C virus-related liver disease burden in the direct-acting antiviral therapy era in New South Wales, Australia. Journal of Hepatology. 2019; en voie d’impression.
  3. Picard A. Opioid Crisis: Listen to the big city mayors. The Globe and Mail. 29 May 2017. Disponible à l’adresse : https://www.theglobeandmail.com/opinion/opioid-crisis-listen-to-the-big-city-mayors/article35146407/
  4. Picard A. Where is Canada’s plan to eliminate hepatitis C? The Globe and Mail. 9 July 2019. Abonnement requis.
  5. Santos ME, Protopopescu C, Sogni P, et al. HCV-related mortality among HIV/HCV co-infected patients: The importance of behaviours in the HCV cure era (ANR CO13 HEPAVIH Cohort). AIDS and Behavior. 2019; en voie d’impression.
  6. Innes H, McAuley A, Alavi M, et al. The contribution of health risk behaviors to excess mortality in American adults with chronic hepatitis C: A population cohort-study. Hepatology. 2018 Jan;67(1):97-107.
  7. Irvin R, Chander G, Falade-Nwulia O, et al. Overlapping epidemics of alcohol and illicit drug use among HCV-infected persons who inject drugs. Addictive Behaviours. 2019 Sep;96:56-61.