L’inflammation musculaire peut-elle expliquer certains symptômes de la COVID de longue durée?

Certaines personnes qui souffrent de complications après la phase aiguë de la COVID-19 (il s’agit de la COVID de longue durée) éprouvent une fatigue intense et de la faiblesse musculaire. De nombreux scientifiques tentent actuellement d’expliquer l’origine de ces problèmes. Des études menées en Allemagne et aux États-Unis indiquent que des personnes décédées des suites de la COVID-19 avaient souffert d’inflammation musculaire. Des recherches émergentes donnent à penser que cette inflammation musculaire est causée par d’intenses réactions immunologiques. De telles réactions ont lieu durant la phase aiguë de la COVID-19 chez certaines personnes. 

Il est possible que la COVID de longue durée s’accompagne d’inflammation musculaire chez certaines personnes, mais des recherches sont nécessaires pour le confirmer et en trouver les causes possibles.

Étude 1 : Berlin

Des scientifiques à l’Hôpital de la Charité de Berlin (centre de recherche biomédicale prestigieux) ont rapporté les résultats d’une étude qui a comparé des tissus musculaires prélevés lors d’autopsies pratiquées sur deux groupes de personnes :

  • 43 personnes décédées de complications de la COVID-19
  • 11 personnes décédées de complications non liées à l’infection au SRAS-CoV-2

La vaste majorité des personnes en question avaient été admises au service de soins intensifs de l’hôpital avant de mourir. Les décès attribuables aux complications de la COVID-19 se sont produits entre mars 2020 et février 2021.

Résultats clés

  • Les biopsies musculaires pratiquées sur des personnes récemment décédées de la COVID-19 montraient des signes d’inflammation et de dommage.
  • En général, les échantillons musculaires en question contenaient un nombre supérieur à la normale de cellules T CD8+ et de cellules tueuses naturelles.
  • L’utilisation ou la non-utilisation de corticostéroïdes avant la mort ne semble pas avoir eu d’impact sur l’inflammation musculaire.

Ce résultat se rapportant à l’infiltration des tissus musculaires par des cellules du système immunitaire porte à croire que ce dernier a contribué à l’inflammation et, éventuellement, aux lésions tissulaires. L’équipe de recherche n’a pas détecté de SRAS-CoV-2 dans les échantillons de tissus musculaires analysés. Notons que certains muscles (dont ceux du cœur) ont à leur surface une protéine appelée ACE2. Le SRAS-CoV-2 se sert de cette protéine pour infecter les cellules, et d’autres études ont détecté du SRAS-CoV-2 dans les cellules musculaires du cœur. D’autres muscles (dont ceux attachés au squelette), ne semblent pas avoir d’ACE2, ce qui pourrait expliquer la difficulté qu’a éprouvée l’équipe allemande à trouver des signes de virus dans les biopsies des tissus musculaires. L’équipe n’a pas observé d’inflammation musculaire semblable chez les personnes décédées qui n’avaient pas contracté le SRAS-CoV-2. De plus, la plupart des personnes décédées de la COVID-19 n’avaient pas d’anticorps qui s’attaquaient à leurs muscles. Ainsi, l’équipe de recherche se doute que les lésions musculaires associées à la COVID-19 sont attribuables à l’inflammation intense qui est un élément clé de la COVID-19 grave.  

Étude 2 : réseau hospitalier de l’Université Harvard

À Boston, une équipe de scientifiques travaillant dans des hôpitaux affiliés à l’Université Harvard a analysé des échantillons de muscles et de nerfs avoisinants qu’elle a prélevés par biopsie auprès de 35 personnes décédées de la COVID-19 et de 10 personnes décédées qui n’avaient pas eu l’infection au SRAS-CoV-2. Les personnes en question sont décédées entre avril et la mi-juin 2020.

Résultats clés

  • Chez 25 personnes sur 35, les biopsies ont révélé des signes d’inflammation dans les muscles et les nerfs.
  • Les biopsies n’ont pas détecté de SRAS-CoV-2.
  • L’équipe de recherche croit que l’inflammation musculaire et nerveuse décelée dans son étude était attribuable à l’activité du système immunitaire. Spécifiquement, les lésions en question étaient la conséquence d’une réaction inflammatoire intense qui avait lieu lorsque l’organisme tentait de se défendre contre l’infection par le SRAS-CoV-2.

À retenir

Les équipes de recherche d’Allemagne et des États-Unis ont trouvé que les personnes décédées de la COVID-19 avaient des muscles enflammés. En plus de l’inflammation musculaire, les biopsies effectuées par l’équipe américaine ont détecté des lésions nerveuses causées par l’inflammation.

Les équipes de ces deux pays soupçonnent que l’organisme de certaines personnes infectées par le SRAS-CoV-2 déclenche d’intenses réactions inflammatoires dans une tentative de se défendre contre le virus. Ces réactions inflammatoires peuvent aider à réduire la quantité de virus dans les muscles et les nerfs avoisinants, mais elles provoquent aussi un effet secondaire, à savoir l’endommagement des tissus des muscles squelettiques et des nerfs y étant attachés. Selon l’équipe de recherche de l’Université Harvard, « il se peut que l’ARN viral soit éliminé des tissus musculaires et nerveux grâce à une réponse efficace de l’interféron de type 1 ou à d’autres mécanismes, mais il est possible qu’il ne soit pas éliminé des organes plus lourdement touchés comme les poumons ».  

Cette explication possible de la découverte de lésions musculaires et nerveuses semble incomplète. Il existe de nombreux messagers chimiques (cytokines) associés à l’inflammation qui ont été découverts lors d’autres études menées chez des personnes atteintes de COVID-19, y compris les suivants :

  • IL-1 (interleukine-1)
  • IL-6 (interleukine-6)
  • TNF (facteur de nécrose tumorale)
  • GM-CSF (facteur de stimulation des colonies de granulocytes et de macrophages)

Malheureusement, les équipes allemande et américaine n’ont été en mesure d’obtenir des échantillons de sang afin d’analyser les taux de cytokines chez les personnes étudiées.

Cette recherche réalisée en Allemagne et aux États-Unis est un bon point de départ parce qu’elle a permis d’identifier un problème qui se produit chez certaines personnes atteintes de COVID-19, soit l’apparition de lésions musculaires et nerveuses causées par l’inflammation. Il semble que cette inflammation soit causée indirectement par le système immunitaire.

D’autres recherches sont nécessaires pour explorer la question des lésions musculaires et tissulaires chez les personnes vivant avec la COVID de longue durée. Chez de telles personnes, des analyses biopsiques pourraient s’avérer utiles pour mieux connaître l’état de santé de leurs muscles et de leurs nerfs périphériques.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Aschman T, Schneider J, Greuel S, et al. Association between SARS-CoV-2 infection and immune-mediated myopathy in patients who have died. JAMA Neurology. 2021; sous presse.
  2. Suh J, Mukerji SS, Collens SI, et al. Skeletal muscle and peripheral nerve histopathology in COVID-19. Neurology. 2021; sous presse.