La mort subite d'origine cardiaque et le VIH

Des études ont permis de constater que les personnes séropositives courent des risques plus élevés de maladies cardiovasculaires — crise cardiaque, AVC et autres complications. Les raisons de l'augmentation des risques ne sont pas claires, mais voici quelques possibilités :

  • L'infection au VIH provoque la libération de signaux chimiques qui déclenchent l'inflammation et qui affaiblissent les vaisseaux sanguins à la longue, ce qui peut accélérer la progression des maladies cardiovasculaires.
  • Les sondages révèlent que les personnes vivant avec le VIH sont nombreuses à fumer.
  • Les problèmes associés à la mort subite d'origine cardiaque pourraient être relativement courants chez les personnes séropositives, y compris l'hypertension pulmonaire, l'hypertrophie cardiaque (augmentation du volume du cœur) et les anomalies de l'activité électrique cardiaque.

Les risques de plusieurs problèmes associés aux maladies cardiovasculaires apparaissent ou s'aggravent avec l'âge. Alors, comme les personnes séropositives vivent maintenant plus longtemps grâce aux combinaisons de médicaments puissants contre le VIH (couramment appelées multithérapies ou TAR), les problèmes cardiaques pourraient devenir des préoccupations plus sérieuses à l'avenir.

Des chercheurs au San Francisco General Hospital ont examiné les dossiers médicaux de près de 3 000 patients atteints du VIH dans le but de recenser des cas de mort subite d'origine cardiaque. Sur 230 décès survenus entre 2000 et 2009, 13 % constituaient des cas de MSOC. Les victimes en question étaient plus susceptibles d'avoir des antécédents de problèmes cardiaques que les personnes décédées d'autres causes.

Détails de l'étude

L'équipe de recherche a examiné les dossiers médicaux de 2 860 patients séropositifs du San Francisco General Hospital. Il s’agissait tous d’adultes qui s'étaient inscrits à l'étude entre avril 2000 et août 2009.

En plus des dossiers médicaux, les chercheurs ont examiné les certificats de décès. Selon les chercheurs, aux fins de l'analyse des cas de MSOC, ils ont exclu les décès survenus « dans un centre de soins palliatifs ou attribuables à une surdose, à la violence, au suicide, au cancer ou à une infection opportuniste ». Après ces exclusions, il restait 230 décès à analyser.

Le profil moyen des participants était le suivant :

  • 87 % d'hommes, 13 % de femmes
  • âge – 39 ans
  • compte de CD4+ – 353 cellules
  • charge virale – 13 000 copies/ml
  • 21 % des participants avaient une charge virale indétectable dans le sang

En moyenne, le suivi par le personnel de l'hôpital a duré quatre ans.

Résultats

Sur un total de 230 décès, 35 étaient d'origine cardiaque, dont 30 cas de MSOC.

Les autres causes de décès durant l'étude étaient les suivantes :

  • infections et cancers liés au sida – 57 %
  • autres causes naturelles (regroupés dans cette catégorie étaient les décès attribuables à un cancer non lié au sida, à une maladie du foie ou à un empoisonnement sanguin causé par une infection bactérienne) – 11 %
  • surdoses, suicides et causes inconnues – 19 %
  • mort subite d'origine cardiaque – 13 %

Accent sur la MSOC

La proportion de décès attribuables à la MSOC n'a pas augmenté au cours de l'étude. Toutefois, en 2003, les chercheurs se sont aperçus que la MSOC « était souvent la principale cause des morts naturelles non liées au sida ».

Les chercheurs ont constaté que « plus de la moitié des [participants] avaient des antécédents de consommation de tabac, d'alcool ou de drogue ». Tous ces facteurs auraient pu contribuer à un mauvais état de santé général.

Lors de leur dernière visite à la clinique avant de mourir, 33 % des participants qui ont subséquemment succombé à une mort subite d'origine cardiaque avaient signalé les symptômes suivants :

  • douleur à la poitrine
  • palpitations
  • évanouissement
  • essoufflement

Dans l'ensemble, 83 % des participants qui sont subséquemment morts de MSOC s'étaient fait prescrire des médicaments pour des maladies cardiaques. Plusieurs d'entre eux avaient aussi passé des échographies du cœur qui révélaient d'autres problèmes cardiaques. Les ECG ont également permis de constater des perturbations du rythme cardiaque chez 60 % des participants, en plus de découvrir des indices de crises cardiaques antérieures chez quatre personnes.

Comparaison des décès

Les chercheurs ont comparé les profils médicaux des victimes de MSOC à ceux des personnes ayant succombé aux suites du sida.

De leur vivant, les victimes de MSOC avaient tendance à avoir un compte de CD4+ plus élevé (321 cellules contre 87) et une charge virale plus faible (6 000 copies/ml contre 63 000 copies/ml) que les personnes décédées de causes liées au sida.

Les chercheurs ont constaté que les facteurs comme l'ethnie et le sexe n'étaient pas significativement différents entre les victimes de MSOC et les personnes mortes d'autres causes. Dans les cas de MSOC, les victimes étaient légèrement plus âgées (49 ans) que les autres personnes décédées (45 ans).

Chose importante, les victimes de MSOC étaient significativement plus susceptibles d'avoir connu les problèmes suivants :

  • crise cardiaque antérieure
  • enflure du muscle cardiaque
  • cœur faible
  • arythmie cardiaque
  • hypertension
  • taux anormal de cholestérol dans le sang

Les facteurs suivants étaient présents en proportions comparables chez les patients des deux groupes :

  • diabète de type 2
  • insuffisance rénale chronique
  • insuffisance pulmonaire chronique

Le taux de mortalité dû à la MSOC était près de cinq fois plus élevé que ce qui était prévu pour un groupe de personnes séronégatives d'âge et d'ethnie semblables. 

Pourquoi ces résultats?

Comment expliquer ce taux relativement plus élevé de MSOC parmi les personnes séropositives? Les chercheurs n'ont pas de réponse certaine, mais ils font valoir que, parmi les personnes séronégatives, la MSOC est associée aux maladies du cœur. Lors de la présente étude, plusieurs victimes de MSOC présentaient des facteurs de risque cardiovasculaires liés à la MSOC.

Plus de la moitié des victimes de MSOC avaient un compte de CD4+ (312 cellules) relativement élevé et une charge virale supprimée. L'équipe de chercheurs laisse donc entendre que même « les patients suivant une multithérapie efficace courent un risque [de MSOC] ».

L'étude dont nous venons de rendre compte était une étude rétrospective conçue pour évaluer et documenter les causes de décès. Elle n'avait pas pour objectif de déterminer les raisons pour les morts subites d'origine cardiaque recensées.

D'autres équipes de recherche d'Amérique du Nord et d'Europe occidentale qui ont étudié les causes de décès ont besoin de confirmer que le taux de MSOC est élevé parmi leurs patients séropositifs. Si cela était le cas, une piste de recherche utile pourrait consister à déterminer si l'inflammation est une cause sous-jacente de la MSOC. Pour déterminer l'impact potentiel de médicaments anti-VIH spécifiques sur la MSOC, il faudrait mener une étude distincte.

Que faire?

Comme de nombreux participants à cette étude présentaient des symptômes cardiaques avant de succomber à une mort subite d'origine cardiaque, les auteurs encouragent les professionnels de la santé à envisager « une prévention primaire énergique des maladies cardiovasculaires... auprès des patients infectés par le VIH, surtout ceux présentant des facteurs de risque classiques de maladies cardiovasculaires. »

Les chercheurs soulignent aussi que l'on a pu sauver la vie de certaines personnes séropositives courant un risque élevé de MSOC à l'aide d'un défibrillateur cardioverteur implantable (DCI). Des études sur l'usage de ce dispositif chez les personnes séropositives sont nécessaires. 

RÉFÉRENCE :

Tseng ZH, Secemsky EA, Dowdy D, et al. Sudden cardiac death in patients with HIV infection. Journal of the American College of Cardiology. 2012; 59(21):1891-6.