Les suppléments de chrome peuvent-ils atténuer les modifications de la forme corporelle?

Une équipe de recherche de l’Hôpital général de Toronto a découvert un lien statistique entre un faible taux de chrome dans le sang et l’infection au VIH, particulièrement chez les patients en multithérapie. L’équipe torontoise a également constaté que certains des symptômes d’une carence en chrome ressemblent aux problèmes métaboliques éprouvés par certaines personnes vivant avec le VIH (PVVIH), à savoir des taux de sucre sanguin et d’insuline anormalement élevés et l’affaiblissement des effets de l’insuline. L’équipe a donc réalisé une étude à double insu pour comparer une dose modeste de chrome à un placebo chez des personnes atteintes du VIH. Ses résultats laissent croire que les suppléments de chrome pourraient procurer certains bienfaits à court terme aux PVVIH.

Détails de l’étude

Les chercheurs ont recruté 59 volontaires séropositifs (4 femmes et 55 hommes) qui présentaient au moins une des anomalies suivantes :

  • glycémie élevée (sucre sanguin) – plus de 6 nmol/l;
  • taux de triglycérides modérément élevé – 2 mmol/l ou plus;
  • taux de cholestérol total élevé – 5,5 mmol/l ou plus;
  • faible taux du prétendu bon cholestérol (HDL-c) – moins de 0,9 mmol/l;
  • redistribution anormale de la graisse corporelle.

De plus, les chercheurs ont évalué le potentiel d’insulinorésistance des participants. Dans les cas d’insulinorésistance, le corps ne répond pas aussi efficacement que nécessaire à l’effet de l’insuline. Sur les 59 volontaires, les 50 qui souffraient d’insulinorésistance ont été inscrits à l’étude et affectés au hasard à l’un des volets (ou groupes) suivants :

  • nicotinate de chrome, 400 microgrammes (mcg) par jour;
  • chrome factice (placebo).

L’essai a duré quatre mois, et 25 participants de chaque groupe ont complété l’étude.

Les participants qui recevaient le placebo avaient tendance à être légèrement plus âgés (moyenne d’âge de 50 ans), comparativement aux participants du groupe recevant du chrome (47 ans).

Résultats

On a constaté des changements significatifs dans les analyses suivantes chez les participants recevant du chrome :

  • réduction du taux d’insuline dans le sang;
  • réduction de l’insulinorésistance;
  • réduction du taux de triglycérides;
  • réduction de la graisse corporelle;
  • augmentation de la masse musculaire.

Ces différences entre le groupe recevant du chrome et le groupe placebo sont significatives du point de statistique, c’est-à-dire non attribuables au hasard seulement.

D’autres changements statistiquement significatifs se sont produits dans le groupe placebo :

  • augmentation du prétendu mauvais cholestérol (LDL-c);
  • augmentation de la graisse du tronc.

On observe une augmentation de la graisse abdominale chez certains patients en multithérapie. Chez les participants qui avaient un tel problème avant l’étude et qui ont reçu du chrome durant celle-ci, le volume de graisse abdominale a diminué de 600 grammes (plus de une livre). Chez les personnes sous placebo, le volume de graisse abdominale a augmenté de 1 500 grammes (environ 3,3 livres) au cours de l’étude. Cette différence entre les changements dans la graisse abdominale observés chez les deux groupes est significative du point de vue statistique.

Les résultats de cette étude contrôlée suggèrent fortement que les doses modestes des suppléments de chrome (400 mcg/jour) peuvent aider à court terme les PVVIH présentant certaines anomalies métaboliques.

Une autre étude pilote, celle-ci réalisée aux États-Unis, a permis de constater que, après deux mois de traitement, une dose quotidienne de chrome de 1 000 mcg (sous forme de picolinate de chrome) a réussi à améliorer significativement la sensibilité à l’insuline chez huit participants séropositifs. Deux personnes sur huit ont présenté des taux d’enzymes hépatiques anormaux et une autre avait un taux d’urée excessif dans le sang. Les raisons pour ces changements ne sont pas claires.

Il reste que les résultats de l’étude canadienne ayant recours au nicotinate de chrome sont prometteurs. D’autres recherches sont toutefois nécessaires pour faire ce suit :

  • confirmer les résultats de l’étude canadienne, de préférence auprès d’une cohorte de volontaires séropositifs plus nombreuse, incluant des femmes;
  • démontrer que les bienfaits d’une supplémentation en chrome peuvent durer pendant plus de quatre mois;
  • évaluer l’innocuité et l’efficacité de dosages plus élevés de chrome et possiblement d’autres formulations de chrome;
  • explorer les effets d’autres nutriments, tels que le vanadium, qui pourraient également avoir un impact favorable sur les taux de sucre sanguin et d’insuline.

RÉFÉRENCES :

1. Aghdassi E, Salit IE, Mohammed S, et al. Chromium supplementation decreases insulin resistance and trunk fat. Program and abstracts of the 15th Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections. 3-6 February 2008, Boston, MA. Abstract 936.

2. Aghdassi E, Salit IE, Fung L, et al. Is chromium an important element in HIV-positive patients with metabolic abnormalities? An hypothesis generating pilot study. Journal of the American College of Nutrition. 2006 Feb;25(1):56-63.

3. Feiner JJ, McNurlan MA, Ferris RE, et al. Chromium picolinate for insulin resistance in subjects with HIV disease: a pilot study. Diabetes, Obesity & Metabolism. 2008 Feb;10(2):151-8.

4. Zhang SQ, Zhong XY, Chen GH, et al. The anti-diabetic effects and pharmacokinetic profiles of bis(maltolato)oxovanadium in non-diabetic and diabetic rats. Journal of Pharmacy and Pharmacology. 2008 Jan;60(1):99-105.