Truvada contre Descovy pour la prévention du VIH

Truvada est le nom de marque d’un comprimé contenant les deux médicaments anti-VIH suivants :

  • fumarate de ténofovir disoproxil (TDF)
  • emtricitabine (FTC)

Il existe aussi des formulations génériques de ces médicaments qui se vendent en un seul comprimé.

Lorsqu’ils sont utilisés comme prescrits dans le cadre d’un ensemble d’outils, les médicaments que contient Truvada réduisent très efficacement le risque de contracter le VIH, comme l’ont attesté nombre d’essais cliniques randomisés et d’études par observation.

Comme nous l’avons mentionné, Truvada contient du TDF. Chez certaines personnes, cette formulation du ténofovir est associée à un risque accru de lésions rénales et, dans certains cas, d’amincissement osseux. Le fabricant de Truvada, Gilead Sciences, a mis au point une nouvelle formulation du ténofovir appelée TAF (ténofovir alafénamide). TAF s’accumule principalement dans les cellules du système immunitaire et est généralement associé à un meilleur profil d’innocuité que TDF. TAF est combiné à d’autres médicaments dans un seul comprimé. La combinaison spécifique de TAF + FTC se vend sous le nom de marque Descovy.

Lors d’un grand essai clinique randomisé et contrôlé contre placebo, commandité par Gilead Sciences et portant le nom de Discover, des participants séronégatifs ont été répartis au hasard pour recevoir un des comprimés suivants une fois par jour :

  • Truvada
  • Descovy

Les participants ne savaient pas quelle formulation ils recevraient pendant les 96 premières semaines de l’essai. Après cette période, les chercheurs ont levé l’aveugle, et tous les participants se sont vus offrir Descovy.

La plupart des participants sont des hommes gais ou bisexuels, et environ 1 % sont des femmes transgenres.

Cette étude se poursuit, mais des résultats provisoires ont été publiés.

Dans l’ensemble, les nouveaux cas d’infection par le VIH se répartissaient comme suit :

  • Truvada : 15 cas
  • Descovy : sept cas

Cette différence entre les deux régimes n’est pas significative du point de vue statistique. Ces résultats révèlent que ces deux régimes ont une efficacité semblable en ce qui concerne la réduction du risque d’infection par le VIH (en langage technique, on parle de « non infériorité » d’un régime face à l’autre).

Il importe de noter que des analyses additionnelles ont été effectuées, notamment sur des échantillons de sang provenant de personnes ayant contracté le VIH durant l’étude. Ces analyses ont révélé que la plupart des personnes qui ont contracté l’infection n’avaient pas pris le médicament à l’étude comme il était prescrit, ou encore qu’elles avaient été infectées au tout début de l’étude, peut-être même dans les heures suivant le processus de sélection. Lorsqu’on prend en considération ces facteurs (et que l’on exclut les personnes en question de l’analyse), on constate qu’une seule personne recevant chaque formulation a été infectée.

Il est toutefois à noter que les analyses de l’innocuité, notamment en ce qui concerne l’amincissement osseux, ont révélé une nette différence en faveur de Descovy.

Plus tard cette année, Gilead Sciences prévoit demander l’approbation réglementaire de Descovy afin qu’il puisse être utilisé dans le cadre d’un ensemble d’outils visant la réduction du risque d’infection par le VIH au Canada, en Australie, dans l’Union européenne et aux États-Unis.

Détails de l’étude

Les participants avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :

  • âge : 34 ans (notons que les participants étaient âgés de 18 à 72 ans)
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 60 %; Hispaniques – 24 %; Noirs – 9 %; Asiatiques – 5 %

Les participants devaient répondre à au moins un des critères suivants :

  • relation sexuelle anale sans condom avec au moins deux partenaires masculins différents au cours des 12 dernières semaines (les partenaires devaient être soit séropositifs soit au statut VIH inconnu)
  • antécédent documenté de syphilis au cours des 24 dernières semaines
  • antécédent documenté de gonorrhée ou de chlamydia rectales au cours des 24 dernières semaines

Résultats globaux

Après 96 semaines, la répartition des infections par le VIH était la suivante :

  • Truvada : 15 infections
  • Descovy : sept infections

Dans un premier temps, il semblait que Descovy ait réduit le risque d’infection d’au moins 50 %. L’analyse subséquente des échantillons de sang et d’autres données a toutefois poussé les chercheurs à souligner que la plupart des infections avaient vraisemblablement été causées par les facteurs suivants :

Mauvaise observance thérapeutique

  • Truvada : 10 infections ont été associées à un taux sous-optimal de ténofovir dans le sang, ce qui porte à croire que ces participants ne prenaient pas Truvada tous les jours
  • Descovy : six infections ont été associées à un taux sous-optimal de ténofovir dans le sang, ce qui porte à croire que ces participants ne prenaient pas Descovy tous les jours

Infection soupçonnée au début de l’étude (niveau de base)

  • Truvada : quatre infections
  • Descovy : une infection

Ainsi, lorsqu’on tient compte de ces données sur les taux de médicaments, l’observance thérapeutique et les infections très précoces, ainsi que le fait que les personnes en question ont été exclues de l’analyse, il s’avère que le nombre suivant de personnes recevant chaque formulation ont été infectées :

  • Truvada : une infection
  • Descovy : une infection

Analyses de l’innocuité

Dans l’ensemble, Truvada et Descovy ont été bien tolérés. Les participants ont éprouvé des effets secondaires liés aux médicaments dans les proportions suivantes :

  • Truvada : 23 %
  • Descovy : 20 %

Comme la plupart des effets secondaires ont généralement été légers ou modérés, il se peut qu’un meilleur indice de la tolérance réside dans les proportions de personnes qui ont quitté prématurément l’étude à cause d’effets secondaires, que voici :

  • Truvada : 2 %
  • Descovy : 1 %

La diarrhée semblait être un problème relativement courant dans cette étude, car près de 16 % des participants recevant l’un ou l’autre des médicaments s’en sont plaints.

Changements dans la densité minérale des os

Dans l’ensemble, les chercheurs ont évalué près de 383 participants afin de pouvoir détecter d’éventuels changements dans leur densité minérale osseuse (DMO). En général, les personnes recevant Descovy ont connu une légère augmentation de la DMO de leur colonne vertébrale et de leurs hanches, comme l’ont attesté des radiographies à faible dose appelées DEXA (absorptiométrie à rayons X en double énergie). En revanche, les utilisateurs de Truvada ont connu une faible baisse de leur DMO (d’environ 1 %).

L’augmentation de la densité osseuse s’est produite chez les utilisateurs de Descovy parce qu’un grand nombre d’entre eux étaient des jeunes hommes en fin d’adolescence ou au début de la vingtaine dont les os se développaient encore. La densité osseuse de ces hommes aurait continué d’augmenter naturellement. Ce qui est important à souligner est le fait que Descovy n’a pas nui au développement de leurs os.

Accent sur les reins

Les chercheurs ont utilisé plusieurs tests différents pour évaluer la santé des reins dans cette étude :

  • DFGe : débit de filtration glomérulaire estimé
  • rapport de la protéine se liant au rétinol à la créatinine dans l’urine
  • rapport de la bêta 2-microglobuline à la créatinine dans l’urine

Il s’est produit de très faibles changements dans le DFGe, soit une augmentation d’environ deux points chez les patients sous Descovy et une baisse d’environ deux points chez les patients sous Truvada; ce dernier résultat laisse soupçonner une baisse légère de la capacité des reins à filtrer le sang. En raison du grand nombre de participants inscrits à l’étude, ces faibles changements sont statistiquement significatifs.

Rapport de la protéine se liant au rétinol à la créatinine

Ce rapport a augmenté au cours de l’étude chez les participants utilisant Truvada, ce qui laisse soupçonner une quantité très faible de lésions rénales. Cependant, le rapport accru se trouvait encore dans la fourchette de valeurs normales. En revanche, ce même rapport est resté stable chez les participants utilisant Descovy. Cette différence est significative du point de vue statistique.

Rapport de la bêta 2-microglobuline à la créatinine

Chez les participants utilisant Truvada, ce rapport est resté dans la fourchette de valeurs normales. Chez les utilisateurs de Descovy, il est resté stable. Cette différence est significative du point de vue statistique.

Un mot à propos des tests

Les rapports concernant la protéine se liant au rétinol et la bêta 2-microglobuline dans l’urine permettent tous deux d’évaluer la capacité des reins à réabsorber des nutriments de l’urine. Les anomalies de ces rapports indiquent que les parties des reins appelées tubules proximaux pourraient être endommagées. Notons cependant que les médecins travaillant dans les cliniques n’utilisent pas ces rapports de façon routinière pour suivre l’état de santé des reins, car ces tests sont utilisés comme outils de recherche. Pour déterminer si les tubules proximaux sont endommagés, des spécialistes des reins des États-Unis ont laissé entendre que les médecins pourraient utiliser des méthodes peu chères et facilement accessibles comme les tests de contrôle des taux de phosphate et de sucre dans l’urine des personnes recevant TDF.

À retenir

Les résultats de l’essai Discover sont très encourageants en ce qui concerne Descovy, car ce dernier a fait preuve d’une efficacité semblable à celle de Truvada pour la prévention de l’infection par le VIH. Il est cependant clair que Descovy a un avantage en ce qui a trait à la santé des os, car la plupart des participants ont connu une augmentation de leur DMO au cours de l’étude, alors que la plupart des participants recevant Truvada ont connu une baisse de celle-ci. L’innocuité de Truvada pour les reins s’est révélée bonne au cours de l’étude, mais il semblait y avoir des indices de lésions rénales modérées à long terme, alors les données futures de l’essai Discover sont attendues avec impatience.

Coût : Truvada contre Descovy

Le coût est une préoccupation majeure pour de nombreuses personnes. Le coût mensuel d’une formulation générique de Truvada se situe à environ 250 $ CA par personne. En revanche, le coût mensuel de Descovy s’élève environ à 1 000 $ CA ou 1 200 $ CA par personne. Au Canada, de nombreux ministères de la Santé provinciaux et territoriaux subventionnent le coût de Truvada lorsqu’il est utilisé pour réduire le risque d’infection par le VIH. Cependant, les ministères de la Santé vont sans doute attendre que Santé Canada approuve cette utilisation de Descovy avant de prendre la décision de subventionner son usage pour la prévention du VIH. Descovy est déjà approuvé au Canada pour les combinaisons de traitements anti-VIH mais les ministères de la Santé ne l’ont pas subventionné. Les budgets alloués au remboursement des médicaments des provinces et des territoires subissent des pressions à cause du grand nombre de nouveaux médicaments (pour de nombreuses maladies), qui ont tous un prix élevé. Il sera intéressant de voir ce que les ministères feront lorsque Descovy sera approuvé dans le cadre d’un ensemble d’outils de réduction des risques visant la prévention du VIH.

Ressource

Ressources et outils sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP)

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

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  5. Amrhein V, Greenland S, McShane B. Scientists rise up against statistical significance. Nature. 2019 Mar;567(7748):​305-307