Une étude italienne explore des régimes de bithérapie comme traitement d’entretien

Le médicament dolutégravir est couramment utilisé comme ingrédient des combinaisons de traitement anti-VIH. Le dolutégravir appartient à une classe de médicaments appelée inhibiteurs de l’intégrase; il est puissant et généralement bien toléré. Le dolutégravir se vend seul et en combinaisons à doses fixes sous les noms de marque suivants :

  • Tivicay : dolutégravir seul
  • Juluca : dolutégravir + rilpivirine
  • Triumeq : dolutégravir + 3TC + abacavir

Évaluation de combinaisons contenant le dolutégravir

Un comprimé contenant les deux médicaments dolutégravir et 3TC est actuellement à l’étude pour le traitement initial de l’infection au VIH dans le cadre d’essais cliniques. Les résultats de la première année de ces essais portent à croire que cette combinaison est très prometteuse. Il est probable que la combinaison dolutégravir + 3TC sera approuvée en 2019 par les agences de réglementation du Canada et d’autres pays à revenu élevé.

Récemment, une étude menée en Alberta a révélé que certains survivants à long terme prenaient des kilogrammes de médicaments depuis 20 ans. Le traitement d’entretien ou même le traitement initial par deux médicaments seulement (au lieu de trois ou quatre comme dans les combinaisons standards) pourrait donc alléger ce fardeau pharmaceutique et réduire potentiellement le nombre d’effets secondaires et/ou d’interactions médicamenteuses.

Comparaison des régimes de bithérapie

Les chercheurs œuvrant dans plusieurs cliniques d’Italie ont mené une étude par observation sur le traitement d’induction-entretien du VIH. Durant la phase d’induction de cette approche thérapeutique, les patients reçoivent une combinaison standard de trois ou quatre médicaments. Une fois que leur charge virale est supprimée à moins de 50 copies/ml et qu’elle se maintient ainsi pendant quelque temps (habituellement plusieurs mois), leur médecin peut leur proposer un traitement d’entretien fondé sur un régime de deux médicaments seulement.

Dans cette étude italienne, les chercheurs ont analysé les données portant sur 419 personnes qui avaient une charge virale supprimée et stable grâce à un régime standard qui a été remplacé subséquemment par une des bithérapies suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 229 participants
  • dolutégravir + rilpivirine : 187 participants

Les participants ont été suivis pendant environ deux ans pendant qu’ils prenaient ces régimes simplifiés.

Les chercheurs ont trouvé que près de 90 % des participants ont maintenu une charge virale supprimée au cours de l’étude. Les deux régimes de bithérapie ont été associés à une amélioration des taux de cholestérol dans le sang et ont généralement été bien tolérés.

L’étude italienne a fait une autre découverte importante, à savoir que les participants dont la charge virale avait été supérieure à 500 000 copies/ml plusieurs années avant cette étude étaient plus à risque d’éprouver un échec virologique durant celle-ci.

Détails de l’étude

Nous parlons dans cet article d’une étude rétrospective. Cela veut dire que les chercheurs ont choisi des données recueillies antérieurement et les ont analysées à une autre fin, soit pour comparer les régimes de bithérapie. Lors de la collecte des données antérieure, les participants n’avaient pas été répartis au hasard pour recevoir les régimes à l’étude.

Les chercheurs ont défini l’échec virologique des deux façons suivantes :

  • deux tests de la charge virale consécutifs de 50 copies/ml ou plus sur une période de trois mois
  • un seul test de la charge virale de 1 000 copies/ml ou plus

Les participants avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :

  • âge : 53 ans
  • 72 % d’hommes, 28 % de femmes
  • 21 % des participants avaient été exposés au virus de l’hépatite C (VHC)
  • 44 % avaient connu l’échec d’un des régimes utilisés avant l’étude
  • temps écoulé depuis le diagnostic de VIH : 16 ans
  • charge virale : moins de 50 copies/ml
  • compte de CD4+ : 670 cellules/mm3

Résultats

Les proportions de participants dont la charge virale a été supprimée et est restée supprimée pendant deux ans après le début de l’étude ont été les suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 95 %
  • dolutégravir + rilpivirine : 97 %

Il est donc évident que les deux régimes exercent des effets semblables.

Les chercheurs ont toutefois remarqué une différence entre les proportions de personnes ayant atteint la suppression virale, et la différence en question se rapportait à leur charge virale dans le passé. Spécifiquement, les chercheurs ont trouvé que les participants dont la charge virale maximale avant cette étude avait grimpé jusqu’à 500 000 copies/ml ou plus étaient plus à risque d’éprouver un échec virologique durant la présente étude et ce, peu importe la combinaison de deux médicaments utilisée.

Parmi les participants recevant la combinaison dolutégravir + 3TC qui avaient eu une charge virale de 500 000 copies/ml ou plus à un moment donné avant l’étude, les proportions ayant atteint la suppression de la charge virale durant l’étude ont été les suivantes :

  • semaine 48 : 95 %
  • semaine 96 : 87 %

Parmi les participants recevant la combinaison dolutégravir + rilpivirine qui avaient eu une charge virale de 500 000 copies/ml ou plus à un moment donné avant l’étude, les proportions ayant atteint la suppression de la charge virale durant l’étude ont été les suivantes :

  • semaine 48 : 92 %
  • semaine 96 : 88 %

Effets indésirables

Le terme effet indésirable est utilisé par les chercheurs pour décrire une variété d’événements malheureux qui peuvent se produire dans le cadre d’un essai clinique. Ces événements peuvent être causés par les effets secondaires des médicaments, le processus pathologique sous-jacent ou encore des circonstances n’ayant rien à voir avec l’essai clinique.

Dolutégravir + 3TC

Un total de 30 participants (13 %) ont quitté prématurément l’étude, principalement pour les raisons suivantes :

  • événements neuropsychiatriques (y compris problèmes de sommeil, anxiété, dépression) : 8 personnes
  • échec virologique : 6 personnes
  • désir de prendre un régime consistant en un seul comprimé : 4 personnes
  • problèmes gastro-intestinaux : 1 personne
  • réaction d’hypersensibilité : 1 personne

Dolutégravir + rilpivirine

Un total de 13 participants (7 %) ont quitté prématurément l’étude, principalement pour les raisons suivantes :

  • événements neuropsychiatriques (y compris problèmes de sommeil, anxiété, dépression) : 3 personnes
  • échec virologique : 2 personnes
  • problèmes gastro-intestinaux : 2 personnes
  • lésions rénales : 1 personne

Changements dans les résultats des tests de laboratoire

En moyenne, les taux de cholestérol total ont chuté après que les participants ont commencé à prendre les régimes de bithérapie.

Aucun changement ne s’est produit dans les résultats des tests de la santé rénale au cours de cette étude.

À retenir

Rappelons qu’il s’agit ici d’une étude rétrospective. Les chercheurs ont choisi des données que l’on avait recueillies dans le passé à une fin particulière, puis les ont analysées en fonction des objectifs de cette étude. Les conclusions tirées des études rétrospectives doivent être considérées avec prudence parce que les études de ce genre ne sont pas les plus fiables sur le plan statistique. Malgré ce bémol, les résultats de cette étude italienne ressemblent largement à ceux des essais cliniques randomisés menés sur les régimes de bithérapie contenant le dolutégravir.

Dans la présente étude, le taux d’effets neuropsychiatriques global a été d’environ 4 %, ce qui est comparable aux taux observés lors d’autres études.

Il est intéressant de constater l’association entre une charge virale élevée dans le passé (500 000 copies/ml ou plus) et une augmentation du risque d’échec virologique durant une bithérapie subséquente. Cela pourrait servir de mise en garde à l’égard des limitations de la bithérapie.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCE :

Ciccullo A, Baldin G, Capetti A, et al. A comparison between two dolutegravir-based two-drug regimens as switch strategies in a multicentre cohort of HIV-1-infected patients. Antiviral Therapy. 2018; in press.