- Des schémas thérapeutiques à base de bictégravir sont couramment utilisés pour traiter le VIH au Canada et ailleurs
- Une équipe canadienne a évalué les effets observés chez des bébés après l’exposition intra-utérine à ce médicament
- Sur cinq ans, l’équipe n’a constaté aucun risque accru d’anomalies congénitales chez 161 bébés exposés à ce médicament
Le bictégravir appartient à une classe de médicaments anti-VIH appelés inhibiteurs de l’intégrase. Il est offert en coformulation, c’est-à-dire dans un seul comprimé du nom de Biktarvy qui contient les trois médicaments suivants :
- bictégravir
- TAF (ténofovir alafénamide)
- FTC (emtricitabine)
De façon générale, lors des essais cliniques, Biktarvy s’est révélé très tolérable et hautement efficace comme moyen d’inhiber le VIH. Biktarvy figure parmi les traitements les plus utilisés contre le VIH dans de nombreux pays à revenu élevé.
Biktarvy a été approuvé au Canada et dans d’autres pays à revenu élevé en 2018. D’ordinaire, les scientifiques ont tendance à recruter des adultes non enceintes pour les essais cliniques des traitements contre le VIH (traitements antirétroviraux ou TAR). Une fois l’approbation générale du traitement accordée, les médecins peuvent choisir de le prescrire, ou pas, à des personnes enceintes en se fondant sur les données probantes disponibles.
Il arrive souvent que les grossesses ne soient pas planifiées. De plus, il est possible qu’une personne tombe enceinte après avoir commencé un TAR. Dans un tel cas, nombre de médecins pourraient choisir de remplacer le schéma thérapeutique en cours par une association de médicaments plus ancienne au sujet de laquelle on dispose de plus de données d’innocuité. Compte tenu des données disponibles et de nombreux autres facteurs, telle la nécessité d’assurer l’atteinte d’une charge virale indétectable (pour minimiser le risque de transmission virale vers le bébé), d’autres médecins choisiraient peut-être de prescrire un schéma thérapeutique plus récent, tel Biktarvy.
Étude canadienne
Une équipe de recherche affiliée au Programme de surveillance périnatale du VIH au Canada (PSPVC) a récemment publié les résultats d’une analyse de l’innocuité du bictégravir chez les bébés exposés au médicament dans l’utérus. Le PSPVC recueille des données auprès d’un réseau de 22 sites prodiguant des soins liés au VIH et de services de santé. De l’avis des membres de l’équipe de recherche, ce programme leur permet de « capturer [des données] se rapportant à 95 % des bébés [nés] de personnes enceintes vivant avec le VIH ».
Selon l’équipe de recherche, « étant donné l’envergure de la base de données du PSPVC, [des données se rapportant] aux mortinaissances, aux avortements spontanés et aux avortements thérapeutiques n’ont pas été [collectées] ».
L’équipe a analysé des données recueillies entre le 28 juillet 2018 et le 31 décembre 2023. Elle s’est concentrée sur les données médicales inscrites dans les dossiers de 1 256 bébés dont le parent avait suivi un TAR durant la grossesse. En tout, 161 bébés (13 %) avaient été exposés au bictégravir dans l’utérus et 1 095 autres, non. Parmi ces 1 095 bébés, 723 avaient été exposés à d’autres sortes d’inhibiteurs de l’intégrase et 327 (30 %), à des schémas thérapeutiques ne contenant pas d’inhibiteur de l’intégrase.
Bictégravir durant la grossesse
Au cours de l’étude, l’équipe de recherche a constaté que la proportion de bébés exposés au bictégravir dans l’utérus a augmenté.
Dans 52 % des cas, le parent du bébé recevait déjà le bictégravir lorsque la conception avait lieu. Dans ces cas, le parent en question a continué de prendre ce médicament jusqu’à la fin de sa grossesse.
Notons que 22 % des autres bébés ont également été exposés au bictégravir parce que leur parent prenait ce dernier au moment de la conception. Dans ces cas, toutefois, dès que la grossesse a été découverte et dévoilée aux prestataires de soins, les parents en question ont cessé de prendre le bictégravir et l’ont remplacé par d’autres médicaments anti-VIH.
Chez la tranche de 26 % des bébés qui restaient, les dossiers médicaux indiquaient que le parent a commencé à suivre un TAR à base de bictégravir après avoir signalé sa grossesse à ses prestataires de soins.
En comparant les bébés exposés au bictégravir durant la grossesse à ceux exposés à d’autres médicaments anti-VIH, l’équipe de recherche n’a pas constaté de différence significative entre les taux d’anomalies congénitales, d’accouchements prématurés ou de faible poids de naissance. Aucune différence significative n’a été constatée non plus entre les taux de transmission du VIH aux bébés en fonction du schéma thérapeutique utilisé durant la grossesse.
Accouchement prématuré
La présente analyse a déterminé un taux d’accouchement prématuré de 19 % chez les bébés exposés au bictégravir durant la grossesse. Parmi les bébés exposés à d’autres sortes de schémas de TAR dans l’utérus, 13 % sont nés prématurément. Notons que le taux de prématurité se situe à près de 8 % dans la population générale canadienne.
Après avoir analysé les données, l’équipe de recherche a constaté un lien probable entre les facteurs suivants et les accouchements prématurés :
- VIH détectable
- usage de drogues injectables
Selon l’équipe de recherche, ses constats à cet égard soulignent « la nécessité d’interventions pour assurer le diagnostic et le traitement plus rapides du VIH, ainsi que de services destinés aux personnes aux prises avec un trouble lié à l’usage de substances ». L’équipe a de plus ajouté que le recours disproportionné à un schéma contenant du bictégravir chez des personnes « ayant contracté le VIH par l’injection de drogues pourrait révéler des lacunes dans les services de counseling sur la contraception et/ou la préconception destinés à cette population ».
Bictégravir dans les lignes directrices
Comme nous l’avons mentionné plus tôt, un schéma thérapeutique contenant du bictégravir (autrement dit Biktarvy) est recommandé pour le traitement initial des personnes séropositives par les principales lignes directrices des pays à revenu élevé.
Les résultats de cette étude canadienne sur l’innocuité des schémas thérapeutiques contenant du bictégravir durant la grossesse sont très encourageants. Il faut cependant noter que le nombre de bébés exposés au médicament dans l’utérus était relativement faible dans cette étude. Il est possible que certaines anomalies congénitales rares ne soient pas survenues dans un groupe si restreint. L’équipe encourage alors la surveillance continue des bébés exposés au bictégravir dans l’utérus, afin qu’un portrait plus complet de l’innocuité de ce médicament puisse être brossé. Cette question acquerra plus d’importance à l’avenir au fur et à mesure que d’autres schémas thérapeutiques contenant du bictégravir verront le jour.
—Sean R. Hosein
RÉFÉRENCE :
Wong JMH, Balleny R, Lee T et al. Perinatal and early infant outcomes after bictegravir exposure in pregnancy: a Canadian surveillance study. JAIDS. 2025; sous presse.