Le dolutégravir + 3TC pour le traitement initial du VIH

Comme nous l’avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, les chercheurs sont en train de tester des régimes simplifiés pour le traitement d’entretien du VIH. Les résultats d’études pilotes sur des régimes de bithérapie portent à croire que la combinaison de dolutégravir (Tivicay) et de 3TC (lamivudine) peut aider environ 90 % des personnes qui la prennent comme traitement initial à atteindre une charge virale inférieure à 50 copies/ml.

Pour explorer le potentiel de la combinaison dolutégravir + 3TC en tant que bithérapie initiale, les chercheurs ont mené deux essais cliniques randomisés et contrôlés contre placebo appelés Gemini 1 et Gemini 2. Ces études ont comparé les régimes suivants pour le traitement initial du VIH :

  • dolutégravir + 3TC
  • dolutégravir + Truvada (ténofovir DF + FTC)

À la 48e semaine de l’étude, les proportions de participants ayant une charge virale inférieure à 50 copies/ml étaient semblables dans les deux groupes :

  • dolutégravir + 3TC : 90 %
  • dolutégravir + Truvada : 93 %

De plus amples détails apparaissent plus loin dans cet article. Les résultats à 96 semaines des essais Gemini 1 et 2 sont attendus. S’ils ressemblent aux résultats observés à la semaine 48, il est probable qu’un comprimé unique associant le dolutégravir et 3TC pour le traitement initial du VIH sera approuvé au printemps 2019 aux États-Unis et à l’été 2019 au Canada.

Détails de l’étude

Les participants aux essais Gemini 1 et 2 ont été recrutés dans les Amériques du Nord et du Sud, en Europe, en Afrique du Sud, en Corée du Sud et à Taïwan. Comme les deux essais ont été conçus de manière identique, leurs données ont été regroupées aux fins d’analyse.

Les participants avaient le profil moyen suivant lors de leur admission à l’étude :

  • âge : 32 ans; environ 10 % des participants avaient 50 ans ou plus
  • 85 % d’hommes, 15 % de femmes
  • principaux groupes ethnoraciaux : Blancs – 68 %; Noirs – 13 %; Asiatiques – 10 %
  • charge virale en VIH : 28 000 copies/ml (Notons que 20 % des participants avaient une charge virale de 100 000 copies/ml. De plus, environ 4 % des participants avaient une charge virale supérieure à 500 000 copies/ml.)
  • compte de CD4+ : 430 cellules/mm3
  • aucun participant n’avait la co-infection au virus de l’hépatite B ou C
  • le VIH d’aucun participant n’était résistant aux médicaments à l’étude

Un total de 716 personnes ont reçu le régime dolutégravir + 3TC et 717 personnes ont reçu le régime dolutégravir + Truvada.

Résultats : accent sur la charge virale et le compte de CD4+

Nous résumons ci-dessous les résultats à la semaine 48 de l’étude.

Les proportions de participants ayant une charge virale inférieure à 50 copies/ml (indétectable) étaient les suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 91 %
  • dolutégravir + Truvada : 93 %

Cette différence, qui n’est pas significative du point de vue statistique, révèle que le régime dolutégravir + 3TC a une efficacité semblable à celle du régime standard comportant trois médicaments, soit la combinaison dolutégravir + Truvada.

En ce qui concerne les autres participants, les chercheurs ne disposaient d’aucune donnée virologique à la semaine 48 dans les proportions suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 6 %
  • dolutégravir + Truvada : 5 %

Enfin, les participants n’ont pas réussi à atteindre une charge virale indétectable à la semaine 48 dans les proportions suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 3 %
  • dolutégravir + Truvada : 2 %

Charge virale élevée contre charge virale faible

Lorsque la charge virale des participants à la semaine 48 a été analysée en fonction de celle au début de l’étude, les chercheurs n’ont constaté aucune différence significative entre les proportions de participants ayant atteint la suppression virale. Toutefois, chez les participants qui avaient commencé l’étude avec un faible de compte de CD4+ (200 cellules/mm3 ou moins), il semblait y avoir une différence entre les proportions de participants ayant atteint une charge virale indétectable, comme suit :

  • dolutégravir + 3TC : 79 % (50 personnes sur 63)
  • dolutégravir + Truvada : 93 % (51 personnes sur 55)

Comme le nombre global de participants ayant un compte de CD4+ de 200 cellules ou moins était relativement faible, il n’est pas possible de tirer des conclusions statistiques solides à partir de la différence entre ces résultats. Cependant, il est possible, voire probable, que les personnes ayant 200 cellules CD4/mm3 ou moins qui commencent un régime de bithérapie ne connaissent pas la même efficacité que les personnes qui commencent un régime de trithérapie standard.

Relativement peu de personnes ont connu un échec virologique (moins de 1 % des participants), comme suit :

  • dolutégravir + 3TC : 6 personnes (moins de 1 %)
  • dolutégravir + Truvada : 4 personnes (moins de 1 %)

Parmi ces personnes, on n’a constaté aucun cas où le VIH était résistant aux classes de médicaments utilisées dans cette étude, soit les analogues nucléosidiques et les inhibiteurs de l’intégrase.

Changement dans les comptes de cellules CD4+

Le compte de CD4+ moyen des participants a grimpé d’environ 220 cellules/mm3, peu importe le régime de médicaments utilisé durant l’étude. Autrement dit, leur compte de CD4+ moyen est passé de 430 cellules/mm3 au début de l’étude à 650 cellules/mm3 un an plus tard.

Accent sur les complications et effets secondaires

Le terme effet indésirable est utilisé par les chercheurs pour décrire une variété d’événements malheureux qui peuvent se produire dans le cadre d’un essai clinique. Ces événements peuvent être causés par les effets secondaires des médicaments, le processus pathologique sous-jacent ou encore des circonstances n’ayant rien à voir avec l’essai clinique.

Dans l’analyse des essais Gemini 1 et 2, les effets indésirables que les chercheurs ont attribués aux médicaments à l’étude se sont produits dans les proportions suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 18 % (126 personnes)
  • dolutégravir + Truvada : 24 % (169 personnes)

La plupart de ces effets indésirables liés aux médicaments ont été classés comme légers et incluaient les problèmes suivants :

  • maux de tête
  • diarrhées
  • nausées

Les effets secondaires dont l’intensité était décrite comme modérée ou pire, tels les maux de tête, se sont produits dans les proportions suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 6 %
  • dolutégravir + Truvada : 7 %

Voici la répartition des effets indésirables qui ont poussé des participants à quitter prématurément l’étude :

  • dolutégravir + 3TC : 2 %
  • dolutégravir + Truvada : 2 %

Aucune tendance claire des effets secondaires n’a été observée pour expliquer l’abandon prématuré de l’étude.

Accent sur le cerveau

Lors des études randomisées antérieures sur le dolutégravir, une proportion relativement faible de participants ont éprouvé des effets secondaires cérébraux qui les ont probablement incités à quitter prématurément l’étude. Les effets secondaires en question incluaient des problèmes de sommeil, d’humeur (anxiété et dépression) et de concentration. Dans les essais Gemini, les effets secondaires cérébraux qui ont provoqué le départ prématuré de certains participants sont survenus dans les proportions suivantes :

  • dolutégravir + 3TC : 6 personnes (moins de 1 %)
  • dolutégravir + Truvada : 4 personnes (moins de 1 %)

Aucune tendance claire des effets secondaires observée n’a été observée pour expliquer l’abandon prématuré des essais Gemini. Voici la répartition des effets en question :

Dépression

  • dolutégravir + 3TC : 1 personne
  • dolutégravir + Truvada : 1 personne

Problèmes de sommeil

  • dolutégravir + 3TC : 2 personnes
  • dolutégravir + Truvada : 0 personne

Pensées d’automutilation

  • dolutégravir + 3TC : 1 personne
  • dolutégravir + Truvada : 1 personne

Tentative de suicide

  • dolutégravir + 3TC : 1 personne
  • dolutégravir + Truvada : 1 personne

Trouble psychotique

  • dolutégravir + 3TC : 1 personne
  • dolutégravir + Truvada : 0 personne

Psychose due à une consommation nuisible d’alcool

  • dolutégravir + 3TC : 0 personne
  • dolutégravir + Truvada : 1 personne

Surdose de drogue

  • dolutégravir + 3TC : 0 personne
  • dolutégravir + Truvada : 1 personne

Accent sur la santé des reins et du foie

Truvada contient du ténofovir DF, qui est l’ancienne formulation du ténofovir. Chez une minorité de personnes, l’utilisation du ténofovir DF est associée à un risque accru de lésions rénales. Selon les données des essais Gemini 1 et 2, les cas de lésions ou de dysfonction rénales graves n’ont pas été nombreux. Toutefois, les analyses de sang et d’urine ont laissé croire que la santé rénale globale était meilleure parmi les participants utilisant le régime dolutégravir + 3TC, par rapport aux personnes recevant le régime dolutégravir + Truvada.

Les chercheurs ont observé une tendance semblable en ce qui concerne la présence dans le sang de protéines associées à la santé des os. Spécifiquement, les participants utilisant le régime dolutégravir + 3TC étaient moins susceptibles que les participants utilisant le régime dolutégravir + Truvada d’avoir des protéines associées à une réduction de leur densité osseuse. Notons toutefois que ces résultats ne sont pas concluants parce qu’il aurait fallu qu’un sous-groupe de participants subisse des examens radiographiques de faible dose (DEXA) de leurs os pour effectuer une analyse claire des effets des médicaments sur la santé osseuse.

Deux personnes sont mortes durant les essais Gemini, la première d’une crise cardiaque et l’autre de complications liées au cancer (lymphome). Les deux participants prenaient le régime dolutégravir + 3TC et faisaient partie de l’étude Gemini 2. Les chercheurs ont toutefois jugé que ces décès n’étaient pas attribuables aux médicaments à l’étude.

À retenir

La combinaison dolutégravir + 3TC est plus ou moins aussi efficace que la trithérapie standard (dolutégravir + Truvada) pour le traitement initial de l’infection au VIH chez les personnes ayant plus de 200 cellules CD4+/mm3. Dans l’ensemble, le régime dolutégravir + 3TC a provoqué moins d’effets secondaires que le régime dolutégravir + Truvada.

Les essais Gemini 1 et 2 se poursuivront pendant trois ans environ.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Cahn P, Madero JS, Arribas JR, et al. Dolutegravir plus lamivudine versus dolutegravir plus tenofovir disoproxil fumarate and emtricitabine in antiretroviral-naive adults with HIV-1 infection (GEMINI-1 and GEMINI-2): week-48 results from two multicentre, double-blind, randomised, non-inferiority, phase 3 trials. Lancet. 2018; in press.
  2. Cahn P, Madero JS, Arribas JR, et al. Non-inferior efficacy of dolutegravir (DTG) plus lamivudine (3TC) vs DTG Plus tenofovir/emtricitabine (TDF/FTC) fixed-dose combination in antiretroviral treatment–naive adults with HIV-1 infection—week 48 results rrom the GEMINI studies. In: Program and abstracts of the 22nd International AIDS Conference, 23-27 July 2018, Amsterdam, Netherlands, abstract TUAB0106LB.