Enjeux à considérer en rapport avec le canakinumab

Comme nous l'avons mentionné plus tôt dans ce numéro de TraitementActualités, lors d'une étude portant le nom de Cantos, l'anticorps canakinumab a fait preuve de bienfaits modestes quant à la réduction du risque de crise cardiaque et de cancer du poumon chez les personnes courant des risques élevés à l'égard de ces deux affections médicales. Le canakinumab a réduit significativement l'inflammation, mais n'a pas eu d'effet sur les taux de lipides (cholestérol et triglycérides).

Il est à noter que le nombre de décès attribuables aux infections a été plus élevé dans l'étude Cantos parmi les personnes traitées par canakinumab que chez les personnes ayant reçu le placebo. Ces décès ont été contrebalancés dans une large mesure par la baisse de la mortalité due au cancer (principalement du poumon) parmi les utilisateurs du canakinumab.

Des recherches récentes laissent croire qu'il existe un lien entre l'inflammation et certaines affections médicales, notamment les crises cardiaques et des cancers particuliers. L'étude Cantos a prouvé l'existence d'un lien entre l'inflammation et le risque de crise cardiaque. Cette étude porte fortement à croire que l'inflammation est liée au risque de cancer du poumon aussi. Bien que ces résultats soient très importants, l'usage éventuel du canakinumab soulève encore des enjeux qui doivent être résolus, tels les suivants :

Crise cardiaque

Il faut d'autres recherches pour mieux comprendre l'impact du canakinumab sur le risque de crise cardiaque, surtout pour déterminer spécifiquement les genres de crises cardiaques qu'il peut prévenir.

Cancer

Le canakinumab a réduit le risque de cancer du poumon. Dans l'étude Cantos, la dose de 300 mg (comparativement aux doses de 50 mg et de 150 mg) a été associée à la réduction la plus importante du risque de cancer. Des chercheurs non affiliés à l'étude Cantos ont souligné que l'objectif principal de celle-ci a été d'évaluer l'impact du canakinumab sur les maladies cardiovasculaires; il ne s'agissait pas d'une étude conçue principalement pour étudier le risque de cancer. Pour cette raison, il est important que les résultats se rapportant au cancer soient considérés comme prometteurs mais préliminaires. Il n'est pas clair si le canakinumab sera efficace chez tous les patients atteints de cancer du poumon ou seulement chez les patients ayant des antécédents tabagiques qui souffrent également de maladies cardiovasculaires. Rappelons qu'un grand pourcentage des participants à l'étude Cantos (plus de 70 %) fumaient ou avaient fumé dans le passé.

Infections

Le canakinumab a été associé à un risque accru d'infections, dont certaines se sont avérées mortelles. Les chercheurs ont besoin de découvrir les raisons de ces infections. Ce point est important parce qu'il va éclairer les calculs futurs du rapport risques/avantages du médicament.

Questions de coûts

Le canakinumab est approuvé au Canada, aux États-Unis et dans d'autres pays à revenu élevé pour le traitement d'affections inflammatoires rares. Utilisé de façon mensuelle, son coût annuel estimé s'élève à environ 200 000 $ US par personne. Même s'il était administré une seule fois aux trois mois, le coût annuel atteindrait à peu près 67 000 $ US par personne. Au mieux, ce coût serait déraisonnable si l'on voulait utiliser le canakinumab pour traiter des affections relativement courantes comme les maladies cardiovasculaires. Soulignons que le canakinumab a réduit le risque de crise cardiaque non mortelle de seulement 16 %, ce qui est très modeste. Si l'on souhaite utiliser le canakinumab à plus grande échelle pour prévenir les crises cardiaques, il faudra une réduction énorme de son prix.

Canakinumab : pas le seul jeu en ville

Aux États-Unis, des chercheurs ont mené une étude de six mois sur le médicament anticancéreux méthotrexate administré à faible dose. Les résultats de cette étude devraient être connus en 2018. Si le méthotrexate à faible dose réussit à réduire l'inflammation de façon sécuritaire chez les personnes ayant le VIH, on pourra s'attendre à voir des essais cliniques plus grands et de plus longue durée sur ce médicament.

Plusieurs essais cliniques sont en cours aux États-Unis et au Canada pour étudier des traitements qui réduisent l'inflammation et qui ont d'autres effets bénéfiques chez les personnes suivant un traitement anti-VIH.

L'étude Cantos a souligné l'importance clinique de bloquer l'accès au récepteur de l'IL-1 bêta parce que cette dernière est associée à l'inflammation et, selon les données récentes, aux maladies cardiovasculaires et sans doute au cancer du poumon aussi. Outre le canakinumab, il est probable que la mise au point d'autres médicaments est envisagée pour réduire l'inflammation puisque les maladies cardiovasculaires sont relativement courantes, autant chez les personnes séropositives que séronégatives.

—Sean R. Hosein

RÉFÉRENCES :

  1. Ridker PM, Everett BM, Thuren T, et al. Antiinflammatory therapy with canakinumab for atherosclerotic disease. New England Journal of Medicine. 2017 Sep 21;377(12):1119-1131.
  2. Ridker PM, MacFadyen JG, Thuren T, et al. Effect of interleukin-1β inhibition with canakinumab on incident lung cancer in patients with atherosclerosis: exploratory results from a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet. 2017 Oct 21;390(10105):1833-1842.
  3. Harrington RA. Targeting Inflammation in Coronary Artery Disease. New England Journal of Medicine. 2017 Sep 21;377(12):1197-1198.
  4. Jenkins BJ. Potential efficacy of interleukin-1β inhibition in lung cancer. Lancet. 2017 Oct 21;390(10105):1813-1814.