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Les soins primaires sont importants dans la mesure où ils permettent de préserver la santé grâce à la prévention des maladies et à la prise en charge des affections médicales courantes. Le ou la prestataire de soins primaires est un·e intervenant·e clé lorsqu’il s’agit de faire appel aux soins de santé courants, qui peut aussi orienter les patient·e·s vers des soins plus spécialisés en cas de besoin. Cet article présente le résumé d’une revue systématique portant sur les facteurs qui entravent ou facilitent le recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues1.

Recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues

Les personnes qui s’injectent des drogues sont touchées par toute une série de problèmes de santé. Il peut s’agir d’infections liées à l’injection de drogues, telles que le VIH, le virus de l’hépatite C, ou encore d’infections de la peau et des tissus mous. Il peut également s’agir d’autres problèmes de santé tels que le diabète, la dépression, l’hypertension et les douleurs chroniques2. Les personnes qui s’injectent des drogues se présentent également plus souvent aux services d’urgence pour des raisons médicales3.

Les consultations en soins primaires constituent une occasion importante de prévenir les maladies et de traiter les comorbidités auxquelles sont confrontées les personnes qui s’injectent des drogues. La prestation de soins primaires est également un moyen de réduire le recours aux services d’urgence en cas de problèmes de santé3,4. Toutefois, les personnes qui utilisent des drogues évitent souvent les soins de santé, et ce, pour un certain nombre de raisons, par exemple, des épisodes de stigmatisation et de discrimination de la part des prestataires de soins de santé5, 6. Comprendre les facteurs qui influent sur le recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues peut aider les prestataires de services à lever les obstacles à l’accès aux soins.

Quels types d’études de recherche ont été inclus dans cette revue systématique?  

La revue systématique a porté sur 23 articles publiés entre 2001 et 2020. Les études ont été retenues si elles concernaient :

  • des personnes vivant aux États-Unis qui s’injectaient activement des drogues, c’est-à-dire qui s’étaient injecté des drogues au cours des 12 derniers mois;
  • les résultats du recours aux soins primaires. Le recours aux soins primaires a été défini comme toute consultation avec un prestataire de soins primaires. Les résultats du recours aux soins primaires ont été classés en trois catégories :
    1. consultations auprès d’un prestataire de soins de santé à des fins de prise en charge ou de diagnostic d’une maladie;
    2. obtention ou observance d’un traitement médicamenteux ou de services de santé, par exemple, la prise de médicaments antirétroviraux dans le cadre du traitement contre le VIH;
    3. maîtrise d’un problème de santé diagnostiqué, par exemple, la prise en charge de la tension artérielle ou le traitement de l’hépatite C.

Quels sont les facteurs qui influent sur le recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues?

La revue systématique a permis de dégager plusieurs facteurs influant sur le recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues. Les auteur·e·s de la revue ont regroupé ces facteurs en quatre domaines tirés du modèle comportemental relatif aux populations vulnérables.

1. Caractéristiques prédisposantes

Les caractéristiques prédisposantes sont définies comme les caractéristiques personnelles déjà présentes chez un individu, qui ne déterminent pas directement le fait qu’il ait recours aux soins primaires, mais qui y contribuent. La revue a permis de recenser plusieurs études faisant état d’une corrélation entre le sexe ou le genre, la race et l’origine ethnique, le niveau de scolarité et l’âge d’une personne, et ses démarches en matière de soins primaires. Toutefois, les auteur·e·s n’ont pas été en mesure de tirer de conclusions quant à l’incidence de ces caractéristiques sur le recours aux soins en général, en raison de la qualité des données et du nombre limité d’études portant sur ces facteurs.

2. Conditions favorables

Les conditions favorables sont définies comme des facteurs organisationnels et financiers indépendants de la volonté d’une personne, qui peuvent entraver ou faciliter le recours aux soins primaires. Les auteur·e·s de la revue ont établi un lien entre les démarches en matière de soins et les facteurs suivants : assurance maladie et obstacles financiers, emplacement des services, relation patient·e-prestataire, stigmatisation de l’usage de substance, logement et normes des pairs intervenants. Parmi ces facteurs, une relation patient·e-prestataire constructive semble être fortement corrélée avec le recours aux soins. Le regroupement des soins primaires et d’autres services utilisés par les personnes qui s’injectent des drogues, l’accès au soutien par les pairs, un logement stable et l’accès à l’assurance maladie ont également été recensés comme des facteurs facilitant le recours aux soins primaires.

3. État des besoins

L’état des besoins est défini comme les besoins qu’une personne estime devoir satisfaire en faisant appel aux soins de santé, ainsi que les besoins évalués par un prestataire de soins de santé, par exemple une maladie diagnostiquée. La revue a permis de confirmer que les personnes qui s’injectent des drogues sont confrontées à de multiples problèmes de santé qui concourent à leurs besoins de soins, mais qu’elles se heurtent à de nombreux obstacles qui les empêchent de recourir à des soins primaires accessibles pour répondre à ces besoins.

4. Comportements liés à la santé

Les comportements liés à la santé sont définis comme les mesures adoptées par les individus, lesquelles influent sur leur capacité à faire appel aux soins de santé. Les auteur·e·s de la revue ont établi une corrélation entre l’injection active de drogues et l’accès au matériel destiné à la réduction des méfaits, d’une part, et le recours aux soins primaires, d’autre part. L’injection active de drogues s’est avérée un obstacle au recours aux soins primaires. Dans le cadre d’une des études, l’accès à un plus grand nombre de fournitures destinées à la réduction des méfaits s’est avéré un facteur facilitant le recours aux soins de santé.

Quelles sont les leçons à tirer de la revue systématique par les prestataires de services?

La revue a permis de mettre en lumière les facteurs qui influent sur le recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues. Si l’effet de certains facteurs n’a pu être étayé par des données suffisantes, plusieurs facteurs clés peuvent être retenus comme domaines d’intervention susceptibles de renforcer le recours aux soins.

  • La relation patient·e-prestataire est un facteur important en cette matière. Une relation constructive avec un·e prestataire de soins de santé a été associée à un plus haut degré de recours aux soins, et inversement, une relation moins constructive a été associée à un degré inférieur de recours aux soins. Chaque contact avec une personne qui s’injecte des drogues est l’occasion pour les prestataires de services d’établir une relation constructive, indispensable pour favoriser sa participation aux soins primaires. Le renforcement des relations patient·e-prestataire peut consister à aborder la question de la stigmatisation et de la discrimination à l’égard des personnes qui s’injectent des drogues dans le cadre de la prestation de soins de santé. Cela peut également passer par des conversations franches et sans jugement sur l’utilisation de substances et la réduction des méfaits avec les client·e·s.
  • L’injection active de drogues, définie dans le cadre de la revue par l’injection de drogues au cours de l’année écoulée, s’est avérée un obstacle au recours aux soins primaires. En raison de multiples facteurs, notamment la criminalisation, les personnes qui s’injectent des drogues peuvent faire face à une certaine instabilité et à un conflit des priorités dans leur vie, ce qui peut les empêcher d’avoir recours aux soins de santé6,7. Les services axés sur les déterminants sociaux de la santé (p. ex., le logement) peuvent contribuer à stabiliser l’environnement des personnes qui s’injectent des drogues et à répondre à certaines priorités concurrentes auxquelles elles font face.
  • Le regroupement des soins primaires et d’autres services de santé utilisés par les personnes qui s’injectent des drogues (p. ex., les centres de consommation supervisée, les fournitures destinées à la réduction des méfaits, le traitement par agonistes opioïdes) s’est également avéré comme un facteur de facilitation de l’accès aux soins primaires.

Il est important de noter quelques caractéristiques de cette revue systématique :

  • La revue a permis de mettre en lumière plusieurs facteurs influant sur le recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues, mais nombre d’entre eux n’ont été analysés que dans le cadre d’une ou de deux études seulement. D’autres recherches nous aideront à mieux comprendre l’incidence de ces facteurs sur le recours aux soins, notamment pour ce qui est d’entraver ou de faciliter l’accès aux soins.
  • La revue ne concernait que les études portant sur les personnes qui s’injectent des drogues aux États-Unis. Les différences en matière de prestation de soins de santé au Canada peuvent affecter l’applicabilité de l’analyse aux personnes qui s’injectent des drogues au Canada. Une revue des études canadiennes permettra également de mieux comprendre la situation des personnes qui s’injectent des drogues au Canada sur le plan du recours aux soins primaires.
  • La revue se proposait de porter sur le recours aux soins primaires relativement à toute une série de besoins médicaux, mais plus de la moitié des études retenues concernaient les soins dispensés aux personnes vivant avec le VIH. Une revue des études portant sur d’autres besoins en matière de soins de santé permettra d’élargir notre compréhension des facteurs qui entravent ou facilitent le recours aux soins primaires chez les personnes qui s’injectent des drogues.

Qu’est-ce qu’une revue systématique? 

Une revue systématique est un résumé critique des données probantes disponibles sur un sujet précis. Il s’agit d’une importante méthode de recherche documentaire servant à éclairer les programmes fondés sur des données probantes. Elle utilise un processus rigoureux de recherche de toutes les études liées à une question de recherche précise. Elle permet ensuite d’évaluer la qualité des études pertinentes et de résumer leurs résultats pour relever et présenter les principales observations et limites des études. Si les études d’une revue systématique contiennent des données numériques, ces données peuvent être combinées de façons stratégiques de manière à pouvoir calculer des estimations sommaires (« données regroupées »). La combinaison de données visant à produire des estimations groupées peut fournir une meilleure vue d’ensemble du sujet à l’étude. Le processus de regroupement des estimations issues de différentes études est appelé méta-analyse. 

Références

  1. Heidari O, Tormohlen K, Dangerfield DT et al. Barriers and facilitators to primary care engagement for people who inject drugs: a systematic review. Journal of Nursing Scholarship. 2023 May;55(3):605-22.
  2. Lim J, Pavalagantharajah S, Verschoor CP et al. Infectious diseases, comorbidities and outcomes in hospitalized people who inject drugs (PWID) infections in persons who inject drugs. PLOS ONE. 2022 Apr 20;17(4):e0266663. Disponible au https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0266663
  3. Kendall CE, Boucher LM, Mark AE et al. A cohort study examining emergency department visits and hospital admissions among people who use drugs in Ottawa, Canada. Harm Reduction Journal. 2017 May 12;14(1):16. Disponible au https://harmreductionjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12954-017-0143-4
  4. Mandel E, E Kendall C, Mason K et al. Impact of comprehensive care on health care use among a cohort of marginalized people living with hepatitis C in Toronto. Canadian Liver Journal. 2020;3(2):203-11. Disponible au https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9202786/
  5. Chan Carusone S, Guta A, Robinson S et al. “Maybe if I stop the drugs, then maybe they’d care?”—hospital care experiences of people who use drugs. Harm Reduction Journal. 2019 Feb 13;16(1):16. Disponible au https://harmreductionjournal.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12954-019-0285-7
  6. Motavalli D, Taylor JL, Childs E et al. “Health is on the back burner:” multilevel barriers and facilitators to primary care among people who inject drugs. Journal of General Internal Medicine. 2021 Jan;36(1):129-37. Disponible au https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7858998/
  7. Scher BD, Neufeld SD, Butler A et al. “Criminalization causes the stigma” : perspectives from people who use drugs. Contemporary Drug Problems. 2023 Sep 1;50(3):402-25. Disponible au https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/00914509231179226

 

À propos de l’auteure

Erica Lee est gestionnaire, Contenu du site Web et évaluation chez CATIE. Depuis l’obtention de sa maîtrise en sciences de l’information, Erica a travaillé dans le domaine des bibliothèques de la santé, soutenant les besoins en information des prestataires de services de première ligne et des usagères et usagers de services. Avant de se joindre à CATIE, Erica était la bibliothécaire de l’organisme AIDS Committee of Toronto (ACT).